Une mesure de la vitalité démocratique de l’Afrique

 

Chronique de Jean-Baptiste Placca

Le nombre d’anciens chefs d’Etat vivant au pays peut aussi être un instrument de mesure de la vitalité démocratique d’un pays. Et si l’on vous dit qu’ils sont morts, surtout, n’oubliez pas de demander de quoi ils ont trépassé

Ces images comptent parmi les moins glorieuses que l’Afrique sait offrir d’elle-même : au cœur de la nuit profonde, ce jeudi 18 avril, le président Amadou Toumani Touré a quitté son pays, pour un exil que l’on imagine triste.

Dans un premier temps, c’est au Sénégal que séjournera celui qui, il y a à peine un mois, était encore le chef de l’Etat malien, et même une célébrité continentale pour son apport décisif à l’instauration de la démocratie au Mali. Cette situation, que Amadou Toumani Touré lui-même ne peut vivre autrement que comme une déchéance, nous rappelle que la perte du pouvoir politique, particulièrement dans notre Afrique francophone, se solde encore trop souvent par la prison, l’exil ou la mort.

Cette Afrique-là n’a pas eu tort de savourer goulûment la toute récente alternance au Sénégal. Certains, paraît-il, ont même essuyé une petite larme, lorsque Abdoulaye Wade, prenant congé de son successeur, a esquissé un petit geste, que les initiés en Islam interprètent comme une bénédiction donnée à Macky Sall. Le vaincu, implorant la bénédiction divine sur le vainqueur, l’Afrique, dans ses rêves les plus fous, n’aurait jamais espéré autant !

Vous ne trouverez que le Bénin

Faites donc, en mémoire, le tour du continent, pour dresser la liste des pays où un ancien chef de l’Etat vit en liberté, chez lui, pendant que son successeur est aux affaires. Sur une quinzaine de pays francophones en Afrique centrale et de l’Ouest, outre le Sénégal, vous ne trouverez que le Bénin, où les deux prédécesseurs du président en place vont et viennent en toute liberté. A quelques petites nuances près, le Niger aussi peut intégrer la liste, en sachant que le seul prédécesseur élu de Mahamadou Issoufou est tout de même brièvement passé par la case prison.
Pour ne pas fausser les statistiques, oublions les pays où plus personne ne se souvient du nom du précédent chef de l’Etat, tellement cela remonte à loin ! En prison, mort ou en exil… L’Ivoirien Laurent Gbagbo, lui, connaît et la prison et l’exil, et ce n’est pas banal.
Si vous recherchez un ratio moins désespérant, intéressez-vous donc aux pays lusophones ! Les anglophones aussi font bonne figure, et deviennent tout simplement impressionnants lorsque l’on y ajoute l’Est et le Sud du continent.
Que n’y a-t-on donc pensé plus tôt ? Le nombre d’anciens chefs d’Etat vivant au pays peut aussi être un instrument de mesure de la vitalité démocratique d’un pays. Et si l’on vous dit qu’ils sont morts, surtout, n’oubliez pas de demander de quoi ils ont trépassé.

Jean-Baptiste Placca
MFI


* Published in print edition on 27 April 2012

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