Meurtriers détournements de fonds

Chronique de Jean-Baptiste Placca

Au Mali, un ancien ministre de la Santé, Ibrahim Oumar Touré, doit répondre de détournements. Inculpation ne signifie, certes, pas condamnation, mais on parle de milliards de francs CFA, et ceux qui en savent un peu sur ce dossier se demandent par quel miracle l’homme politique pourrait en réchapper.

Dans certains pays africains, la concussion est, hélas, une maladie très ordinaire à ce niveau de responsabilité, même si ceux qui passent entre les mailles du filet sont autrement plus nombreux que ceux qui se font prendre.

Les fonds détournés au Mali étaient destinés à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, alloués par le Fonds mondial mis en place à cet effet par les Nations unies, en 2002. Très concrètement, une partie de l’argent dont se privent d’autres peuples pour aider à sauver des vies humaines au Mali est allé dans les poches de quelques cleptomanes haut placés.

Quelle différence avec les tueurs en série ?

La qualification des faits par la justice malienne (détournement de fonds, crimes d’atteintes aux biens publics) semble bien faible, au regard de ce que l’on imagine être les conséquences de la goinfrerie des prédateurs. Combien de milliers de Maliens ont pu avoir perdu la vie, faute de soins qu’auraient dû couvrir les montants détournés? Si l’on osait, on considérerait ces morts comme les victimes directes des voleurs en cols blancs ou en boubous bien amidonnés.

Quelle différence, en effet, entre les tueurs en série et ceux qui détournent des fonds destinés au traitement des maladies les plus meurtrières dans un pays ?
En l’état actuel de la plupart des législations, le ministre et ses compères, s’ils étaient reconnus coupables, s’en sortiraient à meilleur compte que le tueur en série. On les reverra assez tôt en liberté, profitant de ces fortunes acquises au prix de la vie des autres.

Et voici la question qui nous brûle les lèvres : quelle peine minimum peut être suffisamment dissuasive pour qu’en Afrique, les financements destinés aux vaccins, aux antiré troviraux et autres antipaludéens ne continuent de s’évaporer en des villas cossues, en de rutilantes berlines et en des comptes en banque bien garnis de par le monde ?

Sur ce continent où certains dédient si élégamment leur existence au service des autres, il peut être insupportable de voir la justice considérer comme de vénielles vénalités, les entreprises qui consistent à s’enrichir aux dépens de la santé des populations, et finalement de leur vie.


* Published in print edition on 17 June 2011

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