Tout ce qui n’est pas analphabète…
|Chronique de Jean-Baptiste Placca
A force d’entendre convoquer le panafricanisme au secours des causes les plus problématiques, nos repères se brouillent. Les intellectuels africains – et c’est justice – s’invitent de plus en plus dans l’actualité politique du continent. Mais l’argumentation de certains d’entre eux donne parfois l’insupportable impression que le sort des peuples peut être moins important que celui de leurs dirigeants.
La résolution adoptée le18 mars par le Conseil de sécurité des Nations unies visait à protéger la population civile contre les attaques de l’armée du colonel Kadhafi. Jusque-là, ils étaient bien silencieux, les intellectuels africains, face au sort de ce peuple vaincu par ses propres dirigeants.
A peine la coalition s’est-elle mise à détruire la machine de guerre du pouvoir libyen que certains, retrouvant de la voix, se sont mis à crier au colonialisme, sans nous dire ce qu’il aurait fallu faire pour soustraire les populations au courroux du « frère Guide ». A les entendre, on croirait bien que tous ces chars calcinés, stoppés dans leur course par les bombardements, se dirigeaient vers Benghazi pour le carnaval de la Cyrénaïque !
La mode, aujourd’hui, est d’aller faire du panafricanisme bon marché dans des pays qui ne sont pas le vôtre, sur les souffrances d’autres peuples. En décembre 2010, notre confrère Venance Konan s’en était pris violemment à ceux qui, sous le label d’intellectuels africains, allaient dire aux Ivoiriens quelle imposture leur convenait. Il suffit, parfois, de transposer dans son propre pays la cause que l’on prétend défendre chez les autres, pour apprécier si l’on est ou pas dans la droiture.
Dans le bal des intellectuels outrés auquel nous assistons, il y a, certes, ceux qui s’offusquent de bonne foi. Mais il y a aussi ceux qui croient sauver ainsi quelques petits intérêts personnels. Voilà pourquoi, au-delà des apparats, les Africains ont besoin de savoir d’où parlent les intellectuels. Car leurs engagements présents ou passés peuvent éclairer sous un tout autre jour les poussées panafricanistes des uns et les saillies éblouissantes des autres.
Lorsque seront retombées les passions, les intellectuels africains devraient engager une réflexion collective sur la décence que doit inspirer à tous la soif de liberté des peuples. A l’occasion, ils nous diront quels critères définissent précisément l’intellectuel, sur ce continent, afin que l’on cesse de faire croire aux Africains que tout individu qui n’est pas analphabète est un intellectuel.
Jean-Baptiste Placca
MFI
* Published in print edition on 1 April 2011
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