Les populations lassées par le mépris

Chronique de Jean-Baptiste Placca 

 « Il est, sur ce continent, des pays que l’on peut heureusement considérer comme étant à l’abri d’une débandade à la Ben Ali. Simplement parce que le mode de gestion du pouvoir n’est pas de nature à engendrer en permanence des frustrations. Parce que le pouvoir n’y est pas confisqué par une famille, un clan, avec, en plus, un plan de carrière familiale, pour perpétuer la privatisation de l’Etat… »

Ils étaient réputés forts, et pourtant ils s’effondrent. Ils ne reculent devant aucune violence pour dompter leurs peuples, mais se révèlent incapables de contenir les manifestants aux mains nues. Les citoyens n’ont plus peur et acceptent d’offrir leurs poitrines aux tirs des polices et des armées de tueurs. Pour la liberté des survivants.

Ben Ali, Moubarak, et à présent Kadhafi, en attendant d’autres. Car il y aura d’autres, en Afrique du Nord, dans le monde arabe, mais aussi au sud du Sahara. Les peuples ont décelé le talon d’Achille des autocrates qui les oppriment. Ceux-ci sont ébranlés et s’écroulent, faute d’imagination, par manque d’idées. Et d’amour pour leurs peuples.

Kadhafi commet, vis-à-vis des Libyens, les mêmes erreurs d’appréciation que Moubarak qui, lui-même, avait exactement reproduit la méprise de Ben Ali. Il faut croire que ce qui manque le plus, dans les cercles de ces pouvoirs-là, c’est la réflexion stratégique pour tirer la nation vers le haut. Il n’y a pas pire fragilité que celle d’un pouvoir vieillissant, glouton, qui préfère ruser pour perdurer, plutôt que d’organiser et de structurer le présent et de penser l’avenir de sa jeunesse.

Un quiproquo sans fin !

Savez-vous que les dirigeants africains susceptibles d’être, tôt ou tard, confrontés à des situations analogues se préoccupent davantage des moyens de neutraliser la foule des manifestants que de ce qui pourrait satisfaire les besoins fondamentaux des populations ?

Il faudra bien qu’un jour l’on nous dise le montant des tonnes de gaz lacrymogènes et autres bibelots de maintien de l’ordre que l’Afrique ne cesse d’importer. Et, pourquoi pas, comparer ces chiffres à ce que dépensent ces mêmes gouvernements pour l’aspirine ou les compresses dans les hôpitaux ?

Un jeune Libyen réclame un peu plus de liberté et déclare que ses camarades et lui voudraient « juste vivre comme des êtres humains ». Les dirigeants, eux, ne voient d’abord et avant tout que la menace que cela peut constituer pour leur pouvoir. Ils décrètent donc que ces jeunes sont tous drogués. C’est un quiproquo sans fin !

Il est, sur ce continent, des pays que l’on peut heureusement considérer comme étant à l’abri d’une débandade à la Ben Ali. Simplement parce que le mode de gestion du pouvoir n’est pas de nature à engendrer en permanence des frustrations. Parce que le pouvoir n’y est pas confisqué par une famille, un clan, avec, en plus, un plan de carrière familiale, pour perpétuer la privatisation de l’Etat.

Car c’est lorsqu’elle n’en peut plus de subir le mépris que la population exprime sa colère et crie, à l’unisson : dégage !

Jean-Baptiste Placca
MFI

* * *

Economie/Investissements

La Libye : Investisseur en Europe et en Afrique

Par le biais de ses fonds souverains, largement alimentés par ses recettes pétrolières, la Libye a pris, ces dernières années, des participations dans plusieurs groupes européens et africains.

L’Italie est un des principaux bénéficiaires des investissements libyens en Europe. Le montant des participations de Tripoli dans ce pays s’élève à 3,6 milliards d’euros. L’investissement le plus important est dans Unicredit, premier groupe bancaire italien. La Libye y dispose d’un siège au conseil d’administration et en est le premier actionnaire – avec 7,5 % du capital.

La Banque centrale libyenne et la Libyan Investment Authority (LIA), un fonds souverain, détiennent respectivement 4,99 % et de 2,59 % du capital. Cette montée dans Unicredit, mi-2010, ne s’était pas faite sans polémique. Elle avait même provoqué une crise grave qui a abouti à l’éviction du patron Alessandro Profumo par les actionnaires.

Toujours en Italie, Tripoli est actionnaire du groupe de pétrole et de gaz Eni, du groupe de défense Finmeccanica ou encore de la Juventus de Turin, club de football qui appartient à Fiat. Le fils Kadhafi, Al Saadi en personne, détient 7,5 % du prestigieux club.

Pétrole, banque et football 

Signe de l’étroitesse des liens entre les deux pays, l’inquiétude suscitée par les violences en Libye a fait chuter la Bourse de Milan au début de la semaine dernière. Il est vrai qu’avec 175 milliards de dollars de réserves de change, la Libye peut largement investir sur le Vieux Continent. Elle a pris des participations chez le banquier-assureur hollandais Fortis. Et par l’intermédiaire de son entreprise d’Etat, Tamoil, elle possède trois raffineries sur le continent et un réseau de 3 000 stations-service. L’Ukraine est aussi récemment devenue une cible privilégiée de ses capitaux (pétrole, production de céréales, élevage).

La Libye s’est également engagée en Afrique subsaharienne pour un montant d’environ 1,2 milliard d’euros. La Libyan Arab African Investment Company (LAAICO) a investi environ 1,2 milliards de dollars dans des secteurs très variés (agriculture, mines, hôtellerie et banque). La Gambie et le Mali sont les principaux bénéficiaires de cette manne financière.

Les Libyens sont ainsi présents au Mali, par le biais de la Banque commerciale du Sahel. Au Mali, toujours, Tripoli a réhabilité ces dernières années près de cinq hôtels de luxe. En Gambie, les investissements portent essentiellement sur l’agriculture et les infrastructures. Dans le secteur des télécommunications, Tripoli détient des participations majoritaires dans la Société des télécoms du Tchad, dans Sonitel et Sahelcom au Niger, ainsi que dans UTL en Ouganda.

Myriam Berber


* Published in print edition on 3 March 2011

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