« Je vois une société qui se brise. L’apartheid s’est installé à Maurice »

 

 


Interview : Jack Bizlall

Les contestataires au sein du PTr et du MMM sont de gros capons. Personne n’ose s’opposer à Ramgoolam et a Bérenger’


 

 

La République de Maurice rejoindra-t-elle la liste des pays où le cannabis est légal ? C’est une question importante à laquelle Jack Bizlall, progressiste, tente de répondre en considérant tous les paramètres économiques, sociales et culturelles. Voilà une tentative louable de dépassionner les débats autour du cannabis et de parer aux inquiétudes des uns et des autres par rapport à cet épineux problème…. 

 

Mauritius Times : La dépénalisation du cannabis, ou sa légalisation, refait débat. Il y aurait 200,000 consommateurs de cannabis à Maurice, selon l’ONG Cannabis Legalisation and Informative Movement (CLAIM) qui milite en faveur de la légalisation du cannabis. Comment situez-vous ce débat sur la légalisation ?

Jack Bizlall : D’abord permettez-moi de vous dire que je suis un des cinq fondateurs de CLAIM. Ce chiffre de 200,000 est une estimation empirique que nous avons faite. S’il y en avait autant, nous serions dans une situation de pénurie.

Il faut faire une différence entre les consommateurs occasionnels et les consommateurs réguliers. Prenant en considération son utilisation culturelle, récréative et médicinale, il doit y avoir quelques 10,000 à 12,000 consommateurs réguliers. Ils sont de tous les milieux, des deux sexes et de tous les âges aussi. L’hypocrisie ne vient pas des fumeurs mais de l’exclusion sociale quand on est condamné pour possession ou pour consommation de cannabis.

Sur le plan du contenu des déclarations des uns et des autres, il existe d’abord une confusion monumentale en ce qu’il s’agit des termes utilisés et des concepts proposés dans le débat sur le cannabis. C’est un gros problème que l’on doit résoudre en développant la sémantique du cannabis.

Je prends deux exemples : dépénalisation et légalisation. Quand on parle de dépénalisation, il faut se rendre compte qu’il peut exister plusieurs variantes dans son application juridique. Il faut, sur le plan politique, établir des règles d’exception et graduées dans le cadre de son application et de son acceptation sociale. Mais le plus important c’est que la dépénalisation ouvre la porte à la légalisation.

C’est ainsi qu’il vaut bien mieux appliquer la légalisation pour sortir le cannabis du trafic clandestin et surtout pour adopter des lois régissant sa production, sa commercialisation et sa consommation, comme c’est le cas pour le tabac. Plusieurs pays sont arrivés à cette conclusion. Nous pas encore. Mais cela viendra. A Maurice les consommateurs de cannabis sont les victimes de l’inculture ou de l’illettrisme de nos dirigeants. Ils ne maîtriseraient que la sémantique de la corruption et de l’accaparement.

* Pensez-vous que le cannabis sera légalisé à Maurice ?

Assez difficilement pour le moment. Mais les victimes doivent savoir se battre. Fumer est une liberté fondamentale. Il faut pouvoir posséder du cannabis en petite quantité. C’est aussi pouvoir le planter pour ne point en acheter et ainsi casser le dos des trafiquants.

En Uruguay un consommateur peut cultiver son cannabis, en acheter en pharmacie ou être membre d’un club cannabique. Dans certains pays, on peut en fumer dans des coffee shops. Dans d’autres pays qui n’ont ni dépénalisé ni légalisé la consommation du cannabis, sa consommation est tolérée (entre 3 et 5 grammes).

En interdisant sa plantation pour une consommation personnelle (quatre plantes au maximum), le gouvernement favorise son trafic.

Il y a, pour le moment, trop d’amalgame et d’obscurantisme chez les opposants à la légalisation du cannabis. Ils sont incapables d’assimiler le mot « gandia ». Le cannabis passe mais le mot « gandia » ne passe pas alors que le « gandia » à 8% de THC, comme on en trouve à Rodrigues, est de loin moins dangereux que l’alcool, le tabac, le café…

Le « gandia » n’est pas addictif physiologiquement. Psychologiquement, il l’est pour les très gros fumeurs. On ne fait pas de différence entre une drogue mortifère, c’est-à-dire qui cause la mort, une drogue psychédélique synthétique qui affecte le cerveau jusqu’à la folie et le cannabis qui est un hallucinogène, quasi inoffensif si on apprend à l’utiliser.

Je ne recommande pas aux jeunes de moins de 25 ans d’en prendre dans des breuvages. Quant à le fumer, tous ceux qui souffrent de maladies psychiques (presque 8% de notre population adulte) devraient cesser d’en prendre. Ce n’est pas bon pour leur récupération surtout quand ils souffrent de schizophrénie, de paranoïa, de névroses…

Il existe trop de conspiration chez les trafiquants de drogue. Plusieurs d’entre eux poussent à des pénuries artificielles de cannabis pour faire vendre des drogues dangereuses. Le cannabis ne mène pas à la consommation de drogues mortifères. C’est le trafiquant qui pousse les jeunes vers la consommation de l’héroïne.

Je demande donc aux vieux fumeurs de cannabis d’en parler dans leur entourage pour bien faire comprendre que tel n’est pas le cas. Il faut apprendre à défendre le cannabis. On soutient le cannabis en informant au maximum le public. C’est dans ce contexte que, dans le nom de CLAIM, il existe deux mots clés : « Légalisation » et « Informative ».

CLAIM ne rassemble pas que des consommateurs mais surtout des personnes qui se battent pour la liberté de la personne, contre l’utilisation des drogues mortifères, c’est-à-dire savoir faire un choix entre cannabis et les autres drogues, et aussi casser toute démagogie et tout réductionnisme dans le débat sur le cannabis par les consommateurs. C’est ce que je fais dans votre interview.

* Le problème peut donc être aussi chez l’utilisateur du cannabis ?

Certainement. Il n’y a pas de discernement chez eux entre un combat pour la protection de la liberté de sa personne et vouloir à tout prix être libre de fumer du cannabis, quand et où ils le veulent. Comme le tabac, le cannabis ne doit pas être utilisé en public, être l’objet de vente libre, être consommé pas des jeunes ou être l’objet de trafic. Surtout pas à l’exportation : nous aurons des problèmes avec les autres pays.

Je vais vous dire une chose, j’ai coupé mon amitié avec un consommateur qui se permettait de fumer du cannabis en compagnie de ses enfants de moins de 18 ans. Il a eu le culot de l’annoncer lors d’un forum sur la question. C’est un comportement inacceptable qui va faire reculer la légalisation du cannabis.

* Qu’en est-il chez nos décideurs ?

Il y a ceux qui sont pour la légalisation et ceux qui sont contre. Non pas parce qu’ils savent de quoi ils parlent mais plutôt pour attirer deux groupes d’électeurs qui sont agissants : les fumeurs et les anti-cannabis primaires.

Il existe des fumeurs de cannabis dans presque toutes les familles. N’allez pas me dire que l’époux ou l’épouse ou l’enfant d’un ministre, d’un député ou d’un juge peut fumer le cannabis et pas le simple citoyen.

Il y avait un ancien magistrat qui passait chaque matin chez un parent tourner ses joints avant d’aller rendre justice. Il est hélas décédé depuis longtemps. Il y a un vieil avoué qui peut confirmer cela. Il ne va pas se sauver comme un lapin. Il va certainement rire en lisant ce que je dis. Il faut dire aussi que du temps de cet ancien magistrat, le cannabis n’était point si honni. On a dans le passé importé légalement du cannabis à Maurice pour la consommation des immigrés de l’Inde.

* Par ailleurs, la presse nous rapporte presque quotidiennement les arrestations liées au trafic ou à la consommation de drogue synthétique à travers le pays – de plus en plus dans les régions rurales – et aux saisies de drogues à l’aéroport. Les moyens répressifs semblent donner des résultats, mais sommes-nous en train de gagner la bataille contre la consommation et le trafic des drogues ? Que vous indiquent vos contacts sur le terrain ?

Nous perdons la bataille contre les drogues dangereuses. Les drogues synthétiques sont, dans les faits, des compositions de plusieurs produits non identifiables, faciles à obtenir séparément, et non répertoriés comme des drogues illicites. Ce qui est beaucoup plus dramatique, c’est que l’on n’a pas à perdre le temps à les produire. Dans les faits il n’existe pas UNE drogue synthétique mais DES drogues synthétiques.

J’ai une jeune amie qui est prof dans un collège de Port Louis, qui me raconte le ravage que ces drogues font dans sa classe et à l’école où elle travaille.

Un militant de la légalisation du cannabis m’a dit un jour : « Si le cannabis était légal, nous ne serions pas là. » Je lui ai répondu : « Tu es fou, nous parlons de jeunes élèves de collèges. Drogues synthétiques ou cannabis, bien que ce ne soit pas la même chose, il faut leur apprendre à ne jamais s’en servir. »

Il faut trois stratégies différentes.

  • Il faut se concentrer sur le fabriquant et l’importateur. Je crois que la police fait du bon travail sur ce plan-là.
  • Il ne faut pas disperser ses ressources. Dans certains pays, le combat est mené avec beaucoup de réussite parce que leur police ne s’attaque pas à des petits délits mineurs et de masse.
  • L’attaque de la drogue synthétique sur les gens de la campagne est plus grande pour deux raisons. 1) Les personnes de la campagne ont l’habitude de planter le « gandia ». Ils consomment rarement les autres drogues. Or quand ils prennent en ligne de compte les efforts et le danger pour cultiver le cannabis alors que la drogue synthétique est utilisée comme substitut du « gandia », sans risque, ils tombent dans les drogues synthétiques ; et 2) Il n’existe pas trop de différence pour qu’un jeune puisse identifier qui est « gandia » et qui est drogues synthétiques.

Un conseil : Il faut faire attention et ne pas fumer ce que l’on vous donne. Un joint n’est pas toujours un joint.

La deuxième stratégie est la surveillance des points de vente. Il faut s’attaquer aux intermédiaires qui sont souvent des dépendants de la drogue synthétique et des producteurs. Il n’y a pas d’autres solutions que de gracier les repentis. On les trouve dans des centres de désintoxication et à la recherche de leur certificat de moralité, ou encore à l’hôpital Brown Sequard. Une loi du repenti doit être introduite.

La troisième stratégie est celle de l’adoption du bon sens, de la rationalité, de l’application du matérialisme dialectique. Y a-t-il quelqu’un à Maurice ou dans le monde qui peut me contredire quand j’affirme que l’être humain est une espèce qui a besoin de s’échapper des réalités de son existence éphémère ? Qui ne se drogue PAS ? Trouvez-moi cet animal rare.

Se droguer passivement, c’est ne plus pouvoir se passer de quelque chose. Activement, c’est de rechercher à calmer ses pulsions (pas ses instincts) et souvent de subir volontairement la perversion de ses qualités les plus grandes. Ainsi la plus grande des drogues, c’est le jeu. Essayez de répertorier le nombre de jeux inventés par l’être humain. C’est impossible. L’Homme est un animal qui joue. Il a inventé des milliers et des milliers de jeux. Surtout avec l’informatique. Il joue du football par exemple. Mais voyez ce que le foot est devenu. Un business accompagné de fraude, de corruption, d’endettement.

* En ce qui concerne la légalisation du cannabis, il n’y aurait pas jusqu’ici de résultats concluants sur ses effets bénéfiques. ‘Legalisation of cannabis is relatively recent in most jurisdictions so the long-term benefits or problems of legalisation are not yet known,’ soutiennent des chercheurs australiens qui ont étudié les retombées de la dépénalisation et la légalisation du cannabis à travers le monde. Ils ajoutent : ‘Opponents of legalisation are concerned it will increase use, increase crime, increase risk of car accidents, and reduce public health – including mental health. Many are concerned cannabis is a “gateway” drug.’ Il faut donc ici procéder avec attention, non?

J’ai grandi dans le cannabis. Quand j’étais enfant, mon grand frère en plantait dans le potager et dans le bois se trouvant vis-à-vis de la maison. Ma mère se permettait, quand il en découvrait, d’arroser ses plantes d’eau bouillie pour empêcher cela. Mon frère en fumait. Ses amis en fumaient. Tout le monde fumait. Il y a un habitant de la Rue Dr Reid, Beau Bassin, qui fumait du cannabis avec ses amis sous « un cannabis ». Cette plante pousse à la hauteur d’une maison à étage.

Dans le milieu des gros planteurs, on fume du cannabis à gogo. Mais la police n’attrape que les gardiens de plantation. Du temps de l’esclavage quand le Blanc prêtait à l’église, c’est le Noir que l’on expulsait. C’est encore le cas. Ceux qui ont de l’argent s’approvisionnent sans aucun problème.

Dites aux gens qui sèment la zizanie entre fumeurs et non-fumeurs de confirmer ce que vous dites. Le pays le plus avancé sur la recherche du cannabis est Israël. Ils doivent se documenter et ils verront ce qui se fait en Uruguay, aux Pays Bas, en Allemagne, aux Etats Unis, en Espagne, en Italie, et dans beaucoup d’autres pays.

Le cannabis thérapeutique est reconnu dans le monde. A partir de sa reconnaissance, le cannabis est vendu avec un certain contrôle dans les pharmacies. On peut en consommer librement en Irlande, en France, en République Tchèque, en Roumanie, au Rwanda, en Suède, en Australie, en Autriche, en Croatie, à Porto Rico, en Finlande, en Israël, au Luxembourg, en Pologne, en Serbie, en Slovaquie, en Slovénie, au Royaume-Uni et en Norvège.

Faut-il aller dans ces pays pour en consommer ? Je pense que nous devons faire un effort pour comprendre que les choses évoluent considérablement sur la question du cannabis thérapeutique.

Nous devons aussi nous rendre compte que nous pouvons développer le cannabis pour notre industrie textile. Le cannabis est une plante formidable. Le cannabis industriel ne contient aucun THC. Plusieurs pays font des fortunes avec le cannabis industriel. J’avais proposé sa plantation à Pravind Jugnauth il y a des années de cela quand il était ministre de l’agriculture (ou des finances) lors d’une rencontre avec les syndicats suite à la réduction du prix de notre quota de sucre vers l’Europe. Il avait déclaré « Ou krwar nu pré pu sa ? » Le secrétaire de la PWU avait proposé naïvement la plantation de l’Aloe Vera à la place de la canne et du cannabis.

* Toujours plus, tout de suite, n’importe où : notre monde moderne est un monde « d’addicts ». C’est le point de vue défendu par plusieurs psychologues et philosophes, dont Cynthia Fleury, également psychanalyste. « Addict, c’est presque un gimmick, le prix de la modernité. Si on est addict, c’est qu’on suit la tendance », explique-t-elle. « Si l’addiction est en passe de devenir la maladie du XXIe siècle… c’est que cette pathologie est symptomatique des dynamiques et des conflits qui agitent notre environnement socioculturel, des aspirations et des paradoxes dans lesquels se trouve pris l’individu contemporain », précise le psychologue et président de la Fédération Addiction Jean-Pierre Couteron dans son livre ‘Addictologie’. Qu’en est-il à Maurice ?

C’est la une hypothèse sociologique qu’il faudrait confirmer par des recherches anthropologiques. Ce n’est pas qu’une question de notre monde moderne. On n’invente pas l’Homme. On ne crée pas l’Homme nouveau.

Ce que je peux dire, c’est qu’à travers le monde, la question de la consommation des plantes comme le cannabis, se pose. Le pavot en orient, certains cactus et la coca aux Amériques, certaines plantes au nord de l’Afrique dans des pays musulmans… bref c’est une question qui touche l’humanité. Ici nous avons deux cannabis. L’une a 8% de THC, l’autre de 24%.

Le monde moderne est porteur d’une plus grande demande par la facilité de la communication et, dans les faits, la mondialisation du commerce mondialise toutes les formes de consommation. Dans 1000 ans, il y aura des gens qui parleront de leur monde moderne. Il y a 2000 ans, dans le passé, les Grecs étaient fiers de leur monde moderne. Le terme moderne ne veut rien dire et nous fait mettre sur le dos des facteurs exogènes au problème de la consommation des drogues naturelles. Ce qui est « moderne » : ce sont les drogues synthétiques.

Il faut conceptualiser la question de la légalisation du cannabis avec intelligence sans trop d’intellectualisme. Nous avons une question simple à répondre et les réponses paraissent difficiles à trouver. Je dois admettre que la juridiction couvrant sa légalisation est complexe. D’autre part, ce n’est pas uniquement une question d’introduire une loi, il faut qu’elle soit acceptée. Voyez la question de l’avortement. Ou encore la question de l’abolition de la peine de mort. Demain il faudra aborder la question du suicide assisté. Je pense que le pays est prêt pour un référendum sur la question. C’est ce que je propose. Ouvrons un débat national d’abord, proposons un texte de loi consensuel et ensuite passons au référendum.

J’ai fait une publication sur la question que j’ai soumise à la Commissions sur les drogues. Attendons. Le dernier Select Committee sur les drogues a déjà établi la différence entre le cannabis et les autres drogues. J’attends ce que la Commission va dire sur l’alcool, par exemple.

* Par ailleurs, il y a aussi le taux sans cesse croissant de la criminalité à Maurice, des accidents de la route impliquant des jeunes et des moins jeunes sous l’effet de l’alcool ou par insouciance, les cas d’agression au sein des cellules familiales, le phénomène de ‘bouncers’ qui agressent les plus faibles. D’où nous vient cette culture de violence ?

Ce sont des problèmes de société qu’il faut analyser et résoudre. Il y a des solutions. Ils ne sont pas applicables dans tous les cas que vous mentionnez. La stratégie est de comprendre chaque système qui les provoque, de comprendre leurs causalités et les réduire graduellement.

Nos décideurs ne maîtrisent pas le concept de la causalité. Ce concept est de constater les effets pour identifier les causes et d’analyser les causes en termes d’effets d’autres causes. C’est une pratique courante de recherche dans les cas d’accident d’avions. D’effet à des causes, on remonte le lit de la rivière pour aller aux sources du problème. C’est un processus scientifique mais aussi philosophique et politique.

Nous laissons trop notre société entre les mains de jeunes technocrates issus de l’éducation fordiste. Très peu de jeunes font attention à la philosophie, à la logique, à la méthodologie. Dans mon entourage, je passe mon temps à les observer. Ils veulent être dans l’action et dans la communication. Avec leurs diplômes ils pensent que toutes les portes doivent s’ouvrir devant eux. Ils ne lisent pas assez, ne voyagent pas assez, et ne savent pas écouter.

D’autre part, nous avons des personnes âgées qui sont blasées : aucune motivation, aucun désir d’engagement. Elles ne sont intéressées qu’avec leur vie de petits bourgeois : Famille, amant/maîtresse, voyages, campements, voitures, restaurants… Le reste ne les intéresse pas. Ce sont des criminels et des racistes qui pensent que ce qui se passe dans notre société ne les concerne pas. Ils habitent de plus en plus dans des villages privés et aussi emmurés.

Ce que je constate est tout à fait différent. Je vois une société qui se brise. L’apartheid s’est installé à Maurice. Quand je demande aux jeunes de se regrouper, de se conscientiser et de proposer des solutions qui ne remettent pas en question les acquis de notre société, certains, comme Bhadain, n’arrivent pas à savoir attendre, apprendre pour agir. Peut-on les récupérer ? Je pense qu’il faut faire l’effort.

Ils y a des Bhadain presque partout et ils s’opposent entre eux. Certains veulent être plus Bhadain que Bhadain. Depuis 2017, nous voyons des Macrons qui sortent de la terre comme des champignons après la pluie. Comment les identifier ? Voyez leur body langage. Ils bougent tout le temps et critiquent tout le monde dans leurs milieux. Ce sont souvent des innocents qui ne savent pas qu’ils seront demain des autocrates, des dictateurs et des pervers.

* Ce serait trop facile de ‘equate’ criminalité et pauvreté, car il semble qu’il y ait aussi une petite industrie du crime à la recherche de l’argent facile qui s’est développée dans le pays. Qu’en pensez-vous ?

Des recherches sérieuses ont été faites et elles n’ont jamais établi qu’il existe un lien entre la consommation du cannabis et les crimes. D’ ailleurs, la grande majorité des fumeurs fument chez eux. Ce sont des parents attentifs et extraordinaires. Je peux affirmer que les membres de la communauté Rasta sont cool, généreux, respectables et respectés. Je veux que quelqu’un me dise le contraire. Ce sont des parents exemplaires.

Savez-vous qui sont les grands opposants de la légalisation du cannabis ? Vous serez étonné. Ce sont les trafiquants du cannabis. Ceux qui font venir du cannabis de la Réunion et de Madagascar. Ce ne sont pas les trafiquants de drogues mortifères. Le vrai consommateur de cannabis n’est pas un consommateur de drogues mortifères ni un consommateur d’alcool.

* Sur le plan politique, que faites-vous de la dernière expulsion au sein du MMM ? Plus ça change, plus c’est la même chose, paraît-il… et ce sera ainsi aussi longtemps que les militants veulent maintenir le statu quo au lieu de s’aventurer avec une alternative qui ne serait pas crédible à leurs yeux ou qui ne répond pas au profil recherché par la base ? Qu’en pensez-vous ? Il semble que ce serait aussi le cas au sein du Parti travailliste, car faut-il un leader capable de galvaniser la base pour remporter les élections, non ?

Veuillez m’excuser. J’ai pris la décision de ne plus parler de ce qui se passe au sein de ces deux partis. Les contestataires au sein du PTr et du MMM sont de gros capons. Personne n’ose s’opposer à Ramgoolam et à Bérenger. Ils perdent leur temps.

Je peux vous dire que s’ils ne quittent pas le PTr et le MMM pendant qu’il est encore temps, ils seront expulsés un à un. Dans les faits, ce sont les plus grands suiveurs de leurs leaders.

* La presse a fait état récemment des propositions de réforme du système électoral que le Gouvernement aurait l’intention de présenter dans les semaines à venir. Ainsi apprend-on l’élection au suffrage universel de 62 candidats selon le système ‘First Past The Post’, 12 membres choisis de la ‘Party List’ et « up to seven » pour se substituer au ‘Best Loser System’. Donc, d’une pierre deux coups : l’affaire de contestation de Resistans ek Alternativ se verra ainsi résolue, mais les leaders politiques vont se prémunir en même temps d’une double assurance pour eux-mêmes avec la ‘Party List’. Est-ce acceptable ?

Les personnes à gauche comme à droite ne se rendent pas compte que nous devons passer à la Deuxième République. Pour plusieurs raisons. Top FM a promis d’organiser un débat entre Bhadain et moi sur la question. Si Bhadain est d’accord, je suis prêt à le rencontrer en tète à tête pour établir la liste des questions qui peuvent nous être posées, de déclarer nos positions sur ces questions. Ainsi le débat sera plus pédagogique et utile.

Il parle beaucoup et moi aussi de même. Cet arrangement est nécessaire pour empêcher de longs discours ou des disputes sur le plateau de Top FM.

* Finalement, que faites-vous pour le 1er mai 2018 ?

Le Collectif 1er Mai est composé de la FPU, de la CTSP, de la FTU, de L’Observatoire de la Démocratie, de la Rosa Luxemburg Institute, de la Women’s League For Alternative Feminist Action, du Mouvement Premier mai, etc.

Nous identifierons le samedi 28 avril 2018, à la salle Eddy Norton, Rose Hill, à 14.00 heures (le public est invité) les personnes qui ont marqué l’histoire de la lutte des classes à Maurice dans le but de graver leurs noms sur une stèle qui sera installée à l’arrière du Plaza. La permission nous a été accordée à cet effet, par le conseil municipal.

Nous demandons aux personnes avisées de nous proposer un dessin. La stèle sera construite à partir d’un bloc central (vertical) d’une seule pièce avec des plaques encastrées (en marbre ou en inox) portant les noms (voire même des photos) des lutteurs ou des gens morts pour la cause des travailleurs.

La stèle sera érigée pour le 1er mai 2019. Nous avons retenu 9 noms : Adolphe de Plevitz; Emmanuel Anquetil; Guy Rozemont; Willie Mootoo. Les 4 victimes de l’attentat anti travailleurs de 1943 (Soondrum Pavatdan (Anjalay Coopen); Kistnasamy Mooneesamy; Moonsamy Moonien; Marday Panapen); et Vella Vengaroo. Chaque année, d’autres noms seront ajoutés. On va ajouter les noms de ceux qui ont fait la prison en 1972 et qui sont décédés. Nous souffrons du délit de l’oubli. Les travailleurs doivent se rappeler de ceux qui ont lutté pour eux.

Nous rassemblerons un certain nombre de personnes pour écrire collectivement un livre (ou plusieurs) sur l’histoire de la lutte syndicale à Maurice. Ce sera une collection de textes signés par les auteurs. Que les personnes intéressées donnent leur nom.

 


« Ils y a des Bhadain presque partout et ils s’opposent entre eux. Certains veulent être plus Bhadain que Bhadain. Depuis 2017, nous voyons des Macrons qui sortent de la terre comme des champignons après la pluie. Comment les identifier ? Voyez leur body langage. Ils bougent tout le temps et critiquent tout le monde dans leurs milieux. Ce sont souvent des innocents qui ne savent pas qu’ils seront demain des autocrates, des dictateurs et des pervers… »


* Quelles est la stratégie du MPM pour l’année en cours sur le plan de la lutte syndicale ?

Beaucoup de nos membres sont impliqués dans la lutte syndicale. Nous allons organiser nos activités de telle façon que nous soutiendrons encore plus les travailleurs.

Je prépare personnellement une liste de propositions que je soumettrai au ministre du Travail. Je vais me limiter à 12 propositions :

1) Le renforcement de la conciliation sous la section 68(1) de l’Employment Relations Act ;

 2) La réintégration des travailleurs licenciés sans raison ou pour des raisons injustifiées à la lumière du jugement de la Cour Suprême dans l’affaire Meetoo v/s MBC ;

3) L’éradication des labour contractors et des labour contracts (MK, les différents ministères, etc);

4) Le statut des travailleurs immigrés et surtout l’abolition totale des paiements des salaires en nature ;

5) Les abus des sociétés comme la MCSMAA concernant l’endettement des travailleurs ;

6) La pratique de la médiation par la Commission de Conciliation et de Médiation ;

7) L’ application des sections 63 et 67 de l’Employment Rights Act concernant la poursuite au criminel des employeurs ne respectant pas cette loi ;

8) La pratique de l’arbitrage par l’Employment Relations Tribunal et une liste d’arbitres à maintenir sous la section 63 de l’Employment Rights Act ;

9) La révision des RO ;

10) La généralisation de la semaine des 40 heures ;

11) La révision des lois couvrant les fonds de pension (important); et

12) La progression du salaire minimal national.

 


* Published in print edition on 27 April 2018

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