Pourquoi le Professeur Singfat Chu se trompe…

Réforme électorale

By J Tsang Mang Kin

« Plus simple ! Plus propre ! Plus démocratique » le Professeur Singfat Chu reconnaît la valeur de mes propositions qui se résument en une phrase : 70 à 80 circonscriptions à siège unique, avec 11,000 à 12,000 électeurs par circonscription.

Le professeur va même me donner des notes : 10 sur 10 ! La suite logique à cet accès d’enthousiasme, cela aurait été qu’il dise : Cessons de chercher midi à quatorze heures. Voilà une proposition intéressante, essayons de voir si elle est praticable et quels sont les arguments pour ou contre sa mise en application. Cela aurait été l’occasion pour le Professeur de penser « ouside the box, » comme il l’a proposé lui-même…

Sans crier gare, il rejette mes propositions en ayant recours à une affirmation, qui au lieu de lui donner raison, lui donne tort. Pire cette affirmation confirme sa méconnaissance de la réalité sociale et politique de Maurice d’aujourd’hui. Que dit le professeur?

« No matter how Mauritius is carved out into a single member constituencies, it is a certainty that minority communities will be seriously under-represented among the elects.”

Comme on le voit tout de suite, c’est une affirmation, qui n’a rien de scientifique. Elle n’est fondée sur aucune recherche et contredit la démarche académique qui doit se fonder sur des études et surtout sur la réalité des faits. Et, tout aussi grave, le professeur révèle ici une ignorance choquante de la réalité politique mauricienne.

Je pense que pour penser outside the box, il faudrait se libérer de son conditionnement, de ses idées reçues, et prendre conscience de la réalité sociale et politique de Maurice d’aujourd’hui, plus précisément du XXIème siècle

Or, que propose le Professeur ?

Rien, ni de nouveau, ni de constructif. En deux mots, il s’agit d’une variation, qui est pire que celle que propose Bérenger, et qui a été déjà rejetée, avec raison, par le Premier ministre. La party list, c’est donner plein pouvoir aux chefs de partis de fabriquer des députés pour le Parlement. C’est l’entrée par l’imposte de 25 imposteurs. Tout simplement, la party list tue la démocratie. Le Professeur arrive-t-il à comprendre cela ?

Je le dis et je le répète: assez de magouilles ! Donnez la liberté au peuple de s’exprimer. Assez de conspiration contre le peuple mauricien. Donnez-lui la chance de mettre fin au communautarisme et la possibilité de construire la nation mauricienne.

Pourquoi voulez-vous bloquer les petits partis ? Laissez les gens libres ! Qui êtes-vous pour décider que le seuil de blocage doit être de 5%, 7.5% ou 10% ?

Le Professeur voudrait-il tuer les voix minoritaires de notre société ? Les petits ne devront-ils pas avoir le droit à la parole ? Le monde avance vers plus de justice sociale, de démocratie, et ce que l’on veut, aujourd’hui, c’est la démocratie participative.

Le projet du Professeur est un réflexe conditionné d’un autre siècle. Il doit comprendre que personne ne se laisse plus impressionner par les chiffres ou les pourcentages dont il nous assaille, car la question fondamentale qu’il devrait se poser : A quoi sert cette réforme si elle n’est pas démocratique ? Il y a une réalité sociale et humaine derrière tout projet de société et encore plus dans un projet de réforme électorale.

Le rôle de l’opposition

L’opposition doit être représentée, insiste le professeur. Sur le fond, nous sommes tous d’accord. Mais pourquoi cette insistance sur la présence et non pas sur le rôle d’une opposition au Parlement ? Que veut dire cela ? On n’a pas besoin d’une opposition juste pour faire opposition. Elle doit être constructive, dire oui quand le gouvernement a raison, et dire non si elle est convaincue que le gouvernement a tort. Elle doit agir négativement par réflexe partisan mais agir activement et positivement pour le bien du pays quand cela est nécessaire.

Mais le professeur ne voit-il pas qu’au lieu d’avoir une opposition juste pour faire de l’opposition, nous devrions faire entendre la voix de toutes les sections de la société mauricienne et de tous les coins et recoins du territoire mauricien, chose possible seulement avec le pays divisé en 70-80 circonscriptions à siège unique ? Qu’il nous dise en quoi cette représentation de toutes les couleurs de la société mauricienne le gêne !

Par ailleurs, le professeur ne dit rien sur des circonscriptions disproportionnées : celles de 60,000 électeurs qui s’étend sur un quart ou presque du pays, et celle de 20,000 électeurs qui ne recouvre quelques kilomètres carrés, une petite fraction de Port-Louis.

Ne trouve-t-il pas cette disparité, cette disproportion injuste, inique, insultante pour la démocratie ? Le professeur a-t-il quelque idée là-dessus ?

De plus, on se demande pourquoi il ne dit rien sur le financement des partis politiques, ce qui ouvre la voie à la corruption. Que pense-t-il de l’enregistrement des partis ? Trouve-t-il normal que les partis reçoivent des fonds privés ou publics dans la plus grande opacité ? Ne pense-t-il pas que cette comptabilité devrait être rendue publique ?

Les nouvelles données de la société mauricienne
du XXe siècle

Il me semble qu’avant de proposer quelque projet de réforme, notre brave Professeur, comme nous tous d’ailleurs, devrait sérieusement réfléchir sur les points suivants :

· Nous ne sommes plus dans les années 1960. Ceux qui sont nés après 1992, ne pensent pas comme ceux d’avant 1968.

· On sait que les circonscriptions à multiples sièges sont responsables de la perpétuation du réflexe communal des électeurs, des partis et des chefs de partis.

· La circonscription à 3 sièges a empêché la formation de la nation mauricienne en forçant les électeurs à faire des choix communaux et les chefs de partis à faire du dosage communal dans le choix des trois candidats pour chaque circonscription.

· Toute la jeunesse mauricienne veut mettre fin au communalisme et construire la nation mauricienne.

· Le peuple mauricien ne veut pas de cartel politique. On en a assez de ces mariages, divorces et remariages, malsains, qui se font dans l’intérêt des partis et non du peuple mauricien, puisqu’ils se tissent sans aucun projet de société et surtout sans consultation, ni accord du peuple mauricien.

· Les Mauriciens veulent la fin de la corruption et l’on sait ce que coûtent les élections.

· Les électeurs veulent mettre fin à la dictature des partis. On ne doit pas laisser au seul chef du parti le soin de décider du choix des candidats, ce qui n’est nullement démocratique.

Mais le professeur a Singapour devrait prendre le pouls de la jeunesse mauricienne avide de mauricianisme, qui en a marre de toutes ces propositions, y compris la sienne après celles des Sachs, Carcassonne, Sithanen, Bérenger, toutes prisonnières des considérations d’un autre âge, passéistes et dépassées, puisqu’elles perpétuent le communautarisme et le cartel politique.

Non, M. le Professeur, ce ne sont pas les chiffres déconnectés de nos préoccupations humaines qu’il nous faut maintenant. Au-delà de toute argumentation intellectuelle ou calculs politiciens, ce qu’il nous faut au Parlement, ce sont des êtres humains en chair et en os, qui soient vrais, qui pensent à l’avenir de ce pays, et surtout qui veulent bâtir une société plus juste et plus humaine. C’est à cette rare espèce de citoyens qu’il faudrait donner l’occasion de rentrer au Parlement.

L’erreur du Professeur

Revenons, pour terminer, à notre proposition de 70 ou 80 circonscriptions à siège unique, qu’il trouve, peut-être trop simple, trop propre, trop démocratique.

Le Professeur sait-il que dans le passé, nous avions des circonscriptions à siège unique ? Je pourrai revenir là-dessus dans les détails. Mail il suffit ici de lui faire savoir qu’avant le groupement des circonscriptions, nous avions des circonscriptions à siège unique et que ces circonscriptions ont fait l’élection des députés issus d’une communauté minoritaire de la circonscription. A-t-il entendu parler de l’élection de Robert Rey à Moka, de Foondun à Bon Accueil, de Ramjan à Rivière des Anguilles, entre autres.

C’est cela Maurice d’avant l’indépendance : on ne connaissait pas encore le communautarisme tel qu’on le connaît aujourd’hui. On ne voyait pas la communauté du candidat, on voyait le parti, ses idéaux, et son programme et, en même temps, on voyait l’homme.

C’est dire que la nation mauricienne était, à l’époque, en formation. L’accouplement des circonscriptions a brisé cet élan. La jeunesse d’aujourd’hui rêve de relations fraternelles entre les communautés et les plus anciens rêvent de retrouver ces grands moments de non-communautarisme. Que les propositions, d’où qu’elles viennent, ne s’opposent plus à la construction de la nation mauricienne.

Le communautarisme a assez empoisonné notre existence depuis l’introduction de la circonscription à trois sièges. Il est temps de s’en débarrasser. Il est grand temps de fermer cette parenthèse.


* Published in print edition on 19 October 2012

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