“Il y aura un tsunami quand des preuves indiscutables d’une faute seront fournies…

Sans celles-ci, on n’a que des pistes de travail pour l’heure”

Interview: Rabin Bhujun

* ‘On sent chez Navin Ramgoolam, une sorte de regain de forme. Cela se voit et s’entend’

* ‘Si le chef du MSM affronte une opposition dispersée, il pourra toujours prétendre obtenir 35 ou 37 sièges avec à peine 35% des suffrages’

Les allégations de sniffing ont donné l’occasion à la population de se rendre compte des dangers représentés parl’espionnage moderne dans le monde contemporain.La sécurité du pays et de la région tout comme les enjeux géopolitiques et les alliances entre les grandes puissances au niveau internationaldemeurent l’affaire des spécialistes. Les Mauriciens ne sont pas dupes et vaquent plutôt avec calme à leurs propres préoccupations du moment.Rabin Bhujun, journaliste, nous en parle.

 

Mauritius Times : L’affaire du’survey’ à la station d’atterrissage du câble SAFEde Baie Jacotet est très complexe.Mais il semble qu’on commence à y voir un peu plus clair et que cela dépasserait les intérêts de la petite île Maurice et aurait un lien vital dans un contexte géopolitique particulier. Quelle lecture faites-vous de cette affaire trois semaines après les révélations de l’ancien CEO de Mauritius Telecom?

Rabin Bhujun : Vous avez raison de dire qu’on y voit « un peu plus clair » et j’insiste sur le« peu ». A vrai dire, nous sommes toujours dans une séquence de communication habilement dirigée jusqu’ici par Sherry Singh et son cercle de soutiens.

Reconnaissons le talent de l’ancien patron de Mauritius Telecom pour le storytelling. Il y a eu le timing de sa démission ; sa première interview à Radio Plus qui a mis le feu aux poudres, ses éléments de langage [« third party », « sniffing »] largement repris tels quels dans la presse et par les politiques ; ensuite l’interview ratée de l’express qui l’a conduit à faire un exercice de rattrapage de nouveau chez Radio Plus.

Il est évident que c’est Sherry Singh qui a fourni, directement ou indirectement, aux journalistes les différentes pièces du puzzle dont on parle depuis trois semaines. Nous sommes donc dans sa phase de communication – dépasser le « narrative »- qui lui sied.

Il faut se hâter de préciser que nous sommes en présence de pièces du puzzle mais certainement pas en possession de suffisamment d’éléments pour comprendre tous les tenants et aboutissants de ce feuilleton qui s’annonce long.

* Justement, qu’est-ce qu’il y a au-delà de ce « narrative » dont vous parlez ?

Il y a bien évidemment la géopolitique. Un « narrative » local et politique est déjà bien installé à ce sujet : Il présente l’Inde de Narendra Modi comme une puissance colonisatrice et hégémonique à l’égard de Maurice. Sherry Singh a, avec raison, choisi de construire sa version autour cette menace indienne en présentant PravindJugnauth comme un vassal du Premier ministre de la Grande Péninsule. Cette prémisse convainc déjà de nombreux Mauriciens, ils n’ont donc eu aucun mal à conclure que les Indiens nous espionnent pour leur propre compte ou pour le compte du gouvernement mauricien.

C’est toutefois un tableau simpliste qui ne tient pas compte du fait que nous nous trouvons dans une région avec des enjeux géopolitiques et géostratégiques considérables. L’océan Indien est une ère d’influence et de conquête au sein de laquelle l’Inde et la Chine se livrent à une âpre rivalité. La Chine possède toutefois un atout dont l’Inde ne dispose pas : ses géants de la télécommunication et des réseaux. Un d’eux, Huawei, a fourni une très large part des solutions télécoms aux opérateurs privés et publics à Maurice. Mauritius Telecom est très lourdement dépendante de ce géant chinois pour son fonctionnement quotidien. Par ailleurs, Huawei est aussi l’épine dorsale de notre système national de surveillance : Safe City.

Cet entrisme technologique, véritable – et dangereux – soft powerdans laquelle excelle la Chine, a été identifié comme une menace majeure à leur sécurité nationale par de nombreux pays. Ce qui a conduit le Royaume Uni, le Canada, l’Australie ou encore les USA à adopter une ligne très agressive à l’égard des géants chinois des télécoms.

Ce lundi, Rishi Sunak, qui brigue le poste de leader du parti conservateur britannique et donc de Premier ministre en Grande Bretagne, a tenu des propos peu diplomatiques à l’égard de la Chine. Dans une publication sur sa page LinkedIn, il a signifié son intention de « build a new international alliance of free nations to tackle Chinese cyber-threats and share best practice in technologysecurity » s’il se retrouve à 10, Downing Street.

* Où se situe donc Maurice dans tout cela ?

La Grand Péninsule dispose d’alliés objectifs qui estiment que l’entrisme technologique de la Chine est au service d’un axe Chine-Russie-Pakistan-Corée du Nord. Par opposition donc, l’axe Inde, USA, Royaume-Uni, Australie s’est constitué son propre réseau d’alliés.

On n’a aucun mal à imaginer dans quel camp Maurice a choisi de se ranger.

Tout comme on peut aisément conclure que le chef du gouvernement s’est sans doute retrouvé face à une requête, d’un ou de plusieurs membres de cet axe, pour qu’un audit soit effectué afin d’évaluer le niveau de sécurité de l’ensemble du réseau télécom de Maurice à partir du moment où le câble Safe touche terre à Baie du Jacotet.

Enfin, je ne m’étonne pas que le Premier ministre ait laissé une équipe indienne, externe à Mauritius Telecom, conduire cet audit. Mieux vaut tard que jamais, car il a peut-être dû se rappeler des « serious concerns » très diplomatiques qui avaient été communiquées, il y a plusieurs années au sujet de la menace d’entrisme technologique. Il n’y avait eu aucune réaction du gouvernement à l’époque. Il faut dire que Huawei était alors un « trusted partner » de Maurice, pour reprendre les mots prononcés par PravindJugnauth lors de sa visite chez le géant chinois en septembre 2018. Read More… Become a Subscriber


Mauritius Times ePaper Friday 29 July 2022

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