Alimentation. La loi des prix

Par Nita Chicooree-Mercier

D’une part, les autorités lancent un appel à la responsabilité des gens sur la qualité de l’alimentation. D’autre part, le prix des produits alimentaires, notamment les légumes frais, suivent une course folle, soulevant des questions et des doutes sur les véritables causes expliquant une telle montée des prix… Ces prix qui ne donnent aucun signe de revenir à leur valeur marchande réelle depuis des mois.

D’abord, merci à la radio nationale de prodiguer des conseils aux professionnels de l’agriculture, de la pèche aux fermiers et, de faire un rappel régulier à la société toute entière d’agir en adultes responsables quant à la qualité des produits et le mode de cuisson pour le maintien d’une bonne santé désengorger les hôpitaux pour les anomalies de sante qui peuvent être évitées. La MBC le fait gratuitement depuis des décennies, fait inexistant dans d’autres contrées. Mais la contradiction saute aux yeux et fait froncer les sourcils du bon peuple, les végétariens et quasi végétariens en première ligne.

A la radio, le gras, le sel et le sucre sont désignés comme ennemis principaux à l’assaut de nos organes vulnérables. Or, les produits surgelés, le processed food, les aliments transformés, gorgés de gras et de sel, restent les moins chers et les plus abordables pour les ménages aux petits revenus, même s’ils ont subi en plein fouet l’augmentation des prix depuis plus d’un an.

Les autorités prennent soin de mettre un price cap sur la viande importée en période de grande consommation lors de certaines fêtes religieuses. Qu’en est-il des fêtes et des ‘services’ religieux qui exigent un repas végétarien, sans parler des jeûnes qui ponctuent ces fêtes toute l’année ? Point d’annonce à grande publicité à la radio et à la télévision d’une quelconque intervention de l’État pour réglementer les prix ? Qu’en est-il des végétariens et de ceux qui consomment principalement des légumes, des féculents et des grains secs ? 

Pommes d’amour entre 40 et 80 roupies, brèdes à Rs20 ou Rs25, chou-fleur et brocoli à Rs75 et Rs100 la livre, un poireau maigrelet a Rs25, pomme de terre à Rs25, manioc à Rs25, betterave entre Rs25 et Rs30, etc. Les herbes essentielles telles que persil, cotomili, menthe et thym coûtent entre Rs20 et Rs25 pour quelques brins, un prix catastrophique, plus chers qu’en Europe. Des prix aussi élevés créent de grosses difficultés dans la vie quotidienne, lors des fêtes et de nombreux services religieux. Les autorités du ministère de la Santé ne peuvent ignorer l’utilité médicinale des herbes fines, l’importance de certains légumes et féculents, et des fruits dans une alimentation saine.

Est-ce que la hausse du prix de pétrole créée par le conflit en Ukraine justifie cette flambée générale du prix de l’alimentation ? L’impact du prix de l’essence est brandi comme un repoussoir pour toute velléité d’un retour à la normale des prix. D’aucuns se posent la question sur le coût réel impliqué dans la logistique des produits agricoles du champ au marché. Est-ce la loi du marché qui dicte la valeur marchande ou le libéralisme effréné dont certains entendent profiter au détriment des consommateurs ?

De même, est-ce la loi du marché ou la loi des industriels qui dicte les prix dans la grande distribution, dans les supermarchés à travers l’île ? C’est-à-dire la folie d’un libéralisme au service d’un capitalisme sans loi. A la question sur la cherté de ses produits dans les supermarchés, le patron d’une chaîne locale de production agricole répondit lors d’un Salon de l’Agriculture que les supermarchés prennent une marge de 30% de profit sur les produits, ce qui est énorme.

Entre industriels internationaux et grandes surfaces commerciales, qui profite d’une situation internationale instable pour procéder à un enrichissement indécent sur le dos du public ?

On n’apprend rien au public, espérons-le, en rappelant que la viande congelée est nocive pour la santé. Or c’est le seul recours de 65% à 80% de la population. La qualité du poulet frais, dit ‘fermier’, vendu dans les supermarchés laisse planer des doutes quant à son authenticité. A 250 ou 280 roupies la livre, l’agneau congelé importé de la Nouvelle Zélande, de mauvaise qualité, de surcroit, reste inaccessible tandis que l’agneau frais de Rodrigues se fera attendre jusqu’en septembre. Le cerf frais avoisine les 280 et 300 roupies la livre, donc, inabordable pour la majorité des gens. Le porc local est une alternative abordable pour ceux qui peinent à débourser de l’argent pour les autres viandes. Les médias en Europe ont amplement pointé du doigt le nitrate utilisé pour enjoliver le jambon porc ou poulet d’une couleur rose car ce produit est réputé cancérigène, la couleur naturelle du porc étant le gris. Faut-il rappeler aussi à tous ceux qui sont soucieux de l’avenir de la planète que la consommation de la viande bovine devrait être impérativement réduite au minimum pour des raisons écologiques ?  Laissons les raisons éthiques au bon vouloir des uns et des autres.

Produits à valeur nutritive zéro, le corned mutton et corned beef qu’un produit artificiel rend tout rose pour être plus attrayant, sont très prisés par bon nombre des gens à Maurice, aux Seychelles et dans les îles de la Polynésie et du Pacifique. Ces produits en boite de conserve consistent en un pot-pourri d’abats, de tripes, etc., broyés et mis en boite de conserve. Fabriqués en Australie et Nouvelle Zélande, ils agrémentaient l’alimentation des gens des îles à l’époque coloniale. En France, ce type d’aliments est destiné aux chiens et aux chats. Il faut peut-être se réveiller ici ! Un père de famille se plaignait à la radio du fait qu’il peinait à garnir le sandwich de ses enfants avec le fameux corned mutton en raison du prix élevé. Pour le même prix, et même moins, entre 70 et 80 roupies, il était possible d’acheter une livre de thon frais l’an dernier, ce qui est nettement meilleur pour l’alimentation de ses enfants. Il faut bien aider les gens à se débarrasser des vieilles habitudes, une prise de position délicate pour une radio.

L’information diffusée par l’Organisation mondiale de la Santé sur la dangerosité des éléments chimiques, des sweeteners dans les boissons douces et gazeuses, est tout sauf une révélation. Il n’est un secret pour personne dans les milieux où l’alimentation est prise au sérieux que la quantité de sucre dans ces boissons est plus élevée dans les îles que dans d’autres pays. Dans certains cas, l’industrie agro-alimentaire agit comme une véritable mafia. La Food and Drug Administration aux Etats-Unis en ont fait la triste expérience maintes fois, toute vérité des experts sur la qualité de certains produits est parfois suivie de menaces de mort. C’est une affaire de milliards de dollars en jeu.

Ici, tout comme à l’échelle internationale, c’est le public qui paie les conséquences de la rapacité des puissants lobbys du monde industriel. On se souvient de la montée en flèche du prix du pétrole après la première guerre du Golfe en 1990. Alors que les prix ont chuté après la guerre, les compagnies aériennes ont maintenu le prix fort jusqu’à aujourd’hui. Un capitalisme débridé laisse un boulevard au grand banditisme du monde industriel, les hors-la-loi en toute impunité.

Il est impératif pour l’État et l’Association pour la protection des Consommateurs d’enquêter sur les prix pratiqués dans le commerce en ce temps de budget familial restrictif.


Mauritius Times ePaper Friday 7 July 2023

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *