L’impôt sur le revenu est-il assez progressif ?
Budget 2025-26
Dans le budget 2025-26, le ministre des Finances a introduit une réforme de l’impôt sur le revenu personnel (Personal Income Tax) qui remplace l’actuel barème gradué de l’impôt (avec dix taux d’imposition variant de 2% à 20%). A partir du 1er juillet 2025, le revenu personnel sera assujetti essentiellement à trois taux d’imposition : 0% sur les premiers Rs 500 000, 10% sur les Rs 500 000 suivants, et 20% sur le revenu au-delà de Rs 1 million. La nouvelle structure fiscale se veut plus progressive que la structure existante. L’est-elle vraiment ?
Avant de répondre à cette question, comparons le nouveau régime fiscal avec le régime existant (jusqu’au 1er juillet 2025).
Système existant
Comme le montre le tableau 1, le système existant contient 10 taux d’imposition de 2% à 20% avec une addition de 2% sur chaque tranche de revenu supérieure.
– La première tranche de revenu jusqu’à Rs 390 000 est frappée d’un taux d’imposition de 0%.
– Le taux d’imposition marginal (Marginal Tax Rate – MTR) supérieur est de 20% sur le revenu annuel de Rs 2 390 000 ou plus.
Dans ce tableau, nous avons calculé l’impôt sur le revenu brut (après l’exemption personnelle de Rs 390 000) sans tenir compte des déductions permises pour diverses dépenses (personne à charge, intérêt hypothécaire, prime d’assurance médicale, frais d’études universitaires, etc.).
Ainsi, un contribuable qui a un revenu brut de Rs 1 190 000 paie un montant d’impôt total de Rs 76 800. Toutefois, son taux d’imposition réel (Effective Tax Rate – ETR) sur le revenu annuel est de 6,5%. Ce taux d’imposition réel mesure le montant d’impôt payé en fonction du revenu global. Un contribuable qui a un revenu brut de Rs 3 millions paie un montant d’impôt total de Rs 394 800, soit un taux d’imposition réel de 13,2%.
Si l’on calcule l’impôt sur le revenu net (revenu brut moins les déductions permises), le taux d’imposition réel sera moindre significativement. Ce qui compte dans l’évaluation du fardeau fiscal du contribuable, c’est le taux d’imposition réel (ETR) plutôt que le taux d’imposition marginal (MTR).
Nouveau système
Le nouveau système d’impôt augmente l’exemption personnelle de Rs 390 000 à Rs 500 000, ce qui épargnera 44 000 contribuables de l’impôt. Un contribuable qui a un revenu annuel de Rs 1 million paiera un montant d’impôt de Rs 50 000, soit un taux d’imposition réel de 5%. Le taux d’imposition marginal de 20% s’applique au revenu supérieur à Rs 1 million. Un contribuable ayant un revenu annuel de Rs 3 millions paiera un montant d’impôt de Rs 450 000, soit un taux d’imposition réel de 15% (contre 13,2% sous le système existant). Son fardeau fiscal s’accroit légèrement sous le nouveau système. De même, un contribuable ayant un revenu annuel de Rs 12 millions paiera un montant d’impôt de Rs 2,2 millions, soit un taux d’imposition réel de 18,8% (contre 18,3% sous le système existant). Son fardeau fiscal augmente d’un demi pour cent (0,5 %).
A partir du revenu annuel supérieur à Rs 12 millions (incluant des dividendes), un impôt additionnel (Fair Share Contribution) de 15% s’ajoute au taux d’imposition marginal de 20%, ce qui porte le taux d’imposition marginal supérieur à 35%.
Toutefois, un contribuable qui a un revenu annuel de Rs 15 millions paiera un taux d’imposition réel de 22%. Les contribuables aisés se plaindront sans doute du taux d’imposition marginal de 35%, mais il faut relativiser les choses. Il s’agit d’un taux d’imposition marginal sur la tranche de revenu supérieure à Rs 12 millions. Une innovation à noter : les dividendes redeviennent imposables pour les contribuables fortunés.
Le nouveau système d’impôt comporte essentiellement trois taux d’imposition (10%, 20% et 35%), ce qui simplifiera les calculs pour les contribuables. Le taux d’imposition marginal de 35% est une Taxe de Solidarité en ces temps de déficit budgétaire (9% du PIB) où les contribuables aisés sont appelés à faire une contribution supplémentaire pendant trois ans (du 1er juillet 2025 au 30 juin 2028).
La Taxe de Solidarité n’est pas une nouvelle idée. En 2022, l’ancien ministre des Finances Padayachy avait introduit une taxe de solidarité de 10% (en sus du taux d’imposition de base de 15%) sur le revenu annuel supérieur à Rs 3 millions (incluant les dividendes). Ce taux d’imposition marginal de 25% (10% + 15%) fut remplacé en 2023 par le taux d’imposition marginal de 20%. L’élimination de la taxe de solidarité avait pour résultat alors d’exclure les dividendes de toute taxation.
Aujourd’hui, le gouvernement rétablit la taxation des dividendes, mais elle s’applique à partir de la tranche de revenu supérieure à Rs 12 millions. Le seuil d’imposition des dividendes est très haut car tous les contribuables touchant moins de Rs 12 millions seront exemptes de l’impôt sur les dividendes. Les dividendes auraient dû être taxables pour tout le monde comme une source de revenu afin d’assurer un système équitable.
Dose de progressivité
Le taux d’imposition marginal de 35% introduit sans doute une dose de progressivité dans le nouveau régime fiscal. Mais son application est limitée dans le temps (trois ans). La temporalité ne devrait pas dicter l’application de la fiscalité si l’on veut un système progressif et équitable. L’impact de la réforme sur la capacité fiscale du pays sera atténué par l’exemption fiscale accordée aux contribuables de 18 à 28 ans sur leur revenu annuel jusqu’à Rs 1 million. Cette exemption leur permettra d’économiser Rs 50 000 en impôt par année.
Si cette exemption remplit une promesse électorale, elle constitue néanmoins une discrimination positive fondée sur l’âge. Or, dans un système juste et équitable, l’impôt devrait être payé par tout le monde selon leur capacité financière, et non pas leur âge. L’exemption fondée sur l’âge va à l’encontre du principe redistributif d’un système progressif. Le gouvernement se targue du fait que 80% des contribuables seront exemptés de l’impôt sur le revenu. Lorsque 20% des contribuables seulement paient l’impôt sur le revenu personnel, cela démontre un système inéquitable. On entendra dire que les plus riches financent l’Etat-Providence.
Dans les pays développés membres de l’OCDE, le barème gradué comporte 5 ou 6 taux d’imposition avec un taux de base de 15% et un taux marginal d’imposition supérieur de 30% ou plus. Au Canada, par exemple, les taux d’imposition sont 15%, 21%, 26%, 29% et 33% selon les tranches de revenu. Et les contribuables les plus aisés de ce pays ne s’en plaignent pas.
Le nouveau système d’impôt aurait pu être plus progressif avec six taux d’imposition suivants :
– 0% sur les premiers Rs 500 000,
– 10% sur les Rs 500 000 suivants,
– 15% sur les Rs 500 000 suivants,
– 20% sur les Rs 500 000 suivants,
– 25% sur les Rs 500 000 suivants, et
– 30% sur la tranche de revenu supérieure à Rs 2,5 millions.
Assiette fiscale
En général, la politique fiscale d’un pays vise trois objectifs :
(a) assurer l’équité fiscale entre les citoyens,
(b) redistribuer les richesses en taxant davantage les riches, et
(c) développer la capacité contributive de l’économie de façon optimale.
Une politique fiscale juste et efficace repose sur une assiette fiscale large qui comprend :
1. les sources des revenus (revenu d’emploi, pension de retraite, revenu professionnel, revenu d’entreprise, dividendes, intérêts sur les investissements, revenu de location) ;
2.la propriété (sujette à une taxe immobilière nationale) ;
3. la consommation (la TVA sur les produits et services) ; et
4. la richesse (une taxe sur les plus-values sur la vente des biens mobiliers et immobiliers).
Le budget fait l’impasse sur les items 2 et 4, ce qui rétrécit considérablement la possibilité d’optimiser la capacité fiscale du pays pour subvenir aux dépenses sociales croissantes (Rs 65 milliards par an pour les prestations sociales). Le gouvernement engage une réforme de la retraite en relevant l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse de 60 ans à 65 ans graduellement pendant cinq ans, ce qui lui permettra d’économiser Rs 16 milliards par an (à la fin de 5 ans) au titre de la pension de vieillesse payable aux bénéficiaires de 60-64 ans. Cette mesure provoque déjà une levée des boucliers de la part des citoyens qui font des métiers pénibles (construction, hôtellerie, usines) et envisagent une retraite à partir de 60 ans.
Terrain moral
Le gouvernement se trouve sur un terrain moral glissant : comment peut-il nier le droit à la pension de vieillesse à de pauvres travailleurs de 60-64 ans alors qu’il maintient la pension parlementaire pour les députés ?
Un député a droit à une pension à vie après deux mandats. Une personne qui est élue à 25 ans aura droit à une pension à partir de 35 ans. D’anciens présidents et vice-présidents touchent une pension d’au moins Rs 200 000 par mois sans payer aucune taxe. Le traitement préférentiel accordé à ces derniers est perçu comme une largesse injustifiable.
Pour alléger le budget social, le gouvernement peut considérer deux options alternatives :
(a) le ciblage économique de la pension de vieillesse en fonction du revenu en réservant la pension à ceux dont le revenu ne dépasse pas Rs 500 000 par an ;
(b) l’assujettissement de la pension de vieillesse à l’impôt lorsqu’elle est ajoutée à d’autres sources de revenu (pension de retraite au travail, revenu d’emploi, revenu d’entreprise).
Les gens qui ont la pension de vieillesse comme unique source de revenu seront automatiquement exemptés de l’impôt car leur revenu (Rs 15 000 x 13 = Rs 195 000) sera au-dessous du seuil d’exemption personnelle de Rs 500 000.
Même si une personne reçoit une pension de retraite au travail de Rs 20 000 par mois (Rs 20 000 x 13 = Rs 260 000), son revenu total de Rs 455 000 (Rs195 000 + Rs 260 000) sera inférieur au seuil d’exemption.
Mauritius Times ePaper Friday 13 June 2025
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