Fermeture de Star Knitwear : un scandale social, financier et politique
Eclairages
Par A. Bartleby
La fermeture brutale de l’usine textile Star Knitwear marque un tournant préoccupant pour l’industrie mauricienne. Derrière les portes closes de cette entreprise, c’est toute une mécanique d’opacité, de négligence et d’irresponsabilité qui semble avoir été mise en œuvre, aboutissant au licenciement de 470 travailleurs, dont 312 Mauriciens et 158 étrangers. Mais ce n’est là que la partie visible de l’iceberg.
Faillite sociale aux conséquences humaines dramatiques
Pour les employés, cette fermeture est une double peine. Non seulement ils perdent leur emploi du jour au lendemain, mais ils se retrouvent aussi sans garanties salariales, ni perspectives claires. Selon les témoignages syndicaux, certains attendent encore le paiement de deux semaines de salaire dues depuis janvier. Le Redundancy Board tarde à statuer, et l’incertitude règne.
L’intervention du ministre du Travail, Reza Uteem, rassure partiellement avec la promesse d’activation du Wage Guarantee Fund (Section 40 de la Workers’ Rights Act) et l’accès au Workfare Programme, mais ces mesures restent insuffisantes face à l’urgence.
Détournement présumé de fonds publics : le scandale de trop
Ce qui choque davantage l’opinion, ce sont les allégations de détournement de fonds publics. Star Knitwear aurait bénéficié de prêts massifs de la Mauritius Investment Corporation (MIC) et de la MauBank, sans qu’un véritable suivi n’ait été effectué sur l’usage de ces ressources. L’argent public, censé soutenir la relance économique post-Covid, aurait ainsi servi à maintenir en vie artificiellement une entreprise mal gérée, avant que celle-ci ne s’effondre, laissant ses salariés sur le carreau.
Le ministre Reza Uteem a été catégorique : “Tous ceux qui ont commis des fautes doivent prendre leurs responsabilités et rendre des comptes devant la Financial Crimes Commission.” Une enquête a été ouverte. Mais ce scandale pose une question plus large : qui contrôle vraiment l’octroi et l’usage des fonds publics ? Et où était le mécanisme de « due diligence » ?
Hébergement des travailleurs étrangers : un désastre humanitaire
Autre volet honteux de cette affaire : les conditions de vie indignes des travailleurs étrangers. Hébergés dans des dortoirs jugés insalubres, certains ont été contraints de dormir dans des postes de police ou des centres d’accueil. Ce traitement inhumain a porté un coup dur à la réputation internationale de Maurice en matière de respect des droits humains.
Face à ce constat, le Gouvernement annonce la construction de dortoirs centralisés aux normes, des inspections régulières et un encadrement plus strict du recrutement étranger, notamment par l’obligation pour les employeurs de prouver leur viabilité financière.
Des intentions louables, certes, mais tardives. Comment a-t-on pu en arriver là sans que personne ne tire la sonnette d’alarme plus tôt ?
Faillite de l’usine, Faillite du modèle
La chute de Star Knitwear ne doit pas être traitée comme un incident isolé. Elle reflète les défaillances systémiques d’un modèle économique basé sur la sous-traitance bon marché, la précarité des travailleurs, le manque de régulation, et l’opacité dans la gestion des fonds publics.
Il est temps pour l’État mauricien de prendre ses responsabilités, de réformer en profondeur le cadre légal du travail, d’instaurer des mécanismes de contrôle indépendants sur les prêts publics, et de garantir la protection effective de tous les travailleurs, sans distinction de nationalité.
Les travailleurs de Star Knitwear attendent des réponses. Mais, au-delà d’eux, c’est toute une société qui réclame des comptes car si les responsables de cette débâcle ne sont pas identifiés, jugés et sanctionnés, ce ne sont pas seulement 470 familles qui auront été trahies — c’est l’État de droit lui-même qui aura été bafoué.
* * *
Mein Kampf, 100 ans après
Le 18 juillet 1925 marquait la publication de Mein Kampf (« Mon Combat »), l’œuvre autobiographique et idéologique d’Adolf Hitler. Écrit derrière les barreaux de la prison de Landsberg, où il purgeait une peine pour un coup d’État manqué en 1923, ce livre allait devenir le manifeste du Parti Nazi, traçant les contours d’une vision du monde terrifiante qui mènerait l’Allemagne et une grande partie de l’Europe à la catastrophe. Cent ans après, la lecture et l’analyse de Mein Kampf demeurent essentielles pour comprendre les racines de l’une des périodes les plus sombres de l’histoire.
Genèse d’une idéologie radicale
Dans Mein Kampf, Hitler se présente comme le leader de l’extrême droite allemande. Il y entrelace des éléments autobiographiques – sa jeunesse, sa « conversion » à l’antisémitisme, son expérience de soldat pendant la Première Guerre mondiale – avec l’expression virulente de ses convictions politiques. Le livre est un brûlot (une machine de guerre employée autrefois pour lancer des dards enflammés) contre le Traité de Versailles et les réparations imposées à l’Allemagne, un rejet catégorique de la démocratie parlementaire, et un réceptacle débordant d’idées racistes, de haine des Juifs et des communistes.
Hitler y développe en profondeur sa vision pour l’avenir de l’Allemagne. Il y exprime son désir d’étendre le territoire allemand en Europe de l’Est pour acquérir un Lebensraum (espace vital) et d’expulser les Juifs d’Allemagne car il les considérait comme une menace existentielle pour le peuple allemand. Bien que Mein Kampf ne décrive pas explicitement l’Holocauste, il révèle la genèse d’une haine profonde et d’une idéologie génocidaire qui se concrétiseraient des années plus tard. Des passages comme « la nationalisation de nos masses ne réussira que si, en dehors de toute la lutte positive pour l’âme de notre peuple, ses empoisonneurs internationaux sont exterminés » sont des précurseurs glaçants des atrocités à venir.
Un ouvrage à succès de la propagande nazie
Initialement, les ventes de Mein Kampf furent modestes. Cependant, avec l’ascension d’Hitler au pouvoir en 1933, le livre devint un bestseller retentissant en Allemagne. En 1933, Hitler avait déjà accumulé environ 1,2 million de « Reichmarks » grâce aux ventes, alors que le revenu annuel moyen d’un enseignant était d’environ 4 800 « Reichmarks ». Ironiquement, sa dette fiscale de plus de 405 500 « Reichmarks », accumulée avant de devenir chancelier, fut annulée.
Malgré ce succès, Hitler lui-même commença à prendre ses distances avec l’ouvrage après 1933, le qualifiant de « fantaisies derrière les barreaux ». Néanmoins, pendant les années de son régime, le livre était très demandé dans les bibliothèques, largement cité et même offert gratuitement à chaque couple de jeunes mariés et à chaque soldat sur le front. En 1939, 5,2 millions d’exemplaires furent vendus dans onze langues.
Controverses et rééditions
Après la mort d’Hitler, le droit d’auteur de Mein Kampf fut transféré au gouvernement de l’État de Bavière, qui refusa systématiquement toute réimpression en Allemagne. Cependant, en 2016, suite à l’expiration de ce droit d’auteur, le livre fut republié en Allemagne pour la première fois depuis 1945. Cette réédition, une version annotée de près de 2 000 pages par des universitaires de l’Institut d’Histoire Contemporaine de Munich, suscita un débat public intense et des réactions partagées, notamment au sein des groupes juifs. Une édition française, également annotée, parut en 2021, avec deux fois plus de commentaires que dans le texte original.
Réflexions critiques
Dès sa parution, Mein Kampf suscita des réactions contrastées. Benito Mussolini le qualifiait de « tome ennuyeux » et de « clichés banals ». L’analyste littéraire américain Kenneth Burke, en 1939, y décelait déjà une intention agressive sous-jacente. George Orwell, en 1940, reconnaissait la force magnétique de la personnalité d’Hitler à travers l’écriture, notant son appel à la « lutte, au danger et à la mort » plutôt qu’à une vie facile, ce qui séduisit inexplicablement une nation.
Pour des figures comme Winston Churchill, Mein Kampf mérite un examen intensif après l’accession d’Hitler au pouvoir. Le philosophe George Steiner le place parmi les œuvres nées de la crise culturelle allemande après la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui, Mein Kampf demeure un livre controversé en raison de son contenu raciste et de l’impact historique dévastateur du nazisme et de l’Holocauste. Il sert de rappel brutal de la manière dont une idéologie de haine, articulée et propagée, peut entraîner le monde dans l’abîme. Son étude est cruciale pour comprendre les mécanismes de la propagande et les dangers de l’extrémisme.
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Comores – 50 ans d’Indépendance : Une fête assombrie par la question de Mayotte
L’Union des Comores a officiellement marqué le dimanche 6 juillet le jubilé de son indépendance vis-à-vis de la France, il y a un demi-siècle. Cependant, cette commémoration historique est entachée d’une ombre persistante et douloureuse : la question de Mayotte. L’île, géographiquement et historiquement partie intégrante de l’archipel comorien, a choisi de rester sous souveraineté française, un statut que Moroni n’a jamais reconnu.
L’archipel des Comores se compose de quatre îles : Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte. Alors que les trois premières ont accédé à l’indépendance en 1975, Mayotte est restée dans le giron français. Pour la majorité des Comoriens, associés par des liens culturels, historiques et familiaux indéfectibles, la réintégration de Mayotte n’est pas seulement une question politique, mais une cause nationale et une quête identitaire profonde. Les discours des gouvernements successifs n’ont jamais dévié de cette ligne : “Mayotte est comorienne.” Néanmoins, des critiques au sein de l’opinion publique comorienne s’interrogent sur un assouplissement perçu de la position de Moroni vis-à-vis de Paris.
Un référendum aux conséquences dévastatrices
L’origine de ce désaccord territorial remonte à un référendum clé organisé par la France en 1974. La question posée aux Comoriens était simple : souhaitaient-ils l’indépendance ? Le résultat fut sans équivoque pour l’archipel dans son ensemble, avec près de 95 % des électeurs votant en faveur de l’indépendance. Cependant, Mayotte a fait bande à part : plus de 63 % de ses votants ont exprimé le désir de rester sous administration française.
Malgré les fermes objections des Nations Unies, qui ont exhorté la France à ne pas diviser l’archipel en vertu du droit international et du principe d’intégrité territoriale, le gouvernement français a maintenu sa revendication sur Mayotte. Après avoir évolué d’un statut de “collectivité d’outre-mer”, Mayotte a, par un nouveau vote en 2009, décidé de devenir le 101e département français, scellant davantage son ancrage dans la République française.
Une indépendance incomplète et un dialogue enlisé
Un demi-siècle plus tard, la question de l’intégrité territoriale reste au cœur des préoccupations comoriennes. HoumedMsaïdié, ancien ministre et conseiller présidentiel, a souligné sur Radio France Internationale l’urgence de la situation : “Cinquante ans ont passé. Le moment est venu. Nous voulons un dialogue sérieux avec la France, mais surtout, avec nos frères mahorais. Notre objectif est clair : l’intégrité territoriale.”
Si l’Union africaine (UA) et les Nations Unies continuent de reconnaître Mayotte comme faisant partie intégrante de l’Union des Comores, la question semble avoir perdu de sa prégnance sur la scène internationale. Cette relative léthargie s’explique partiellement par le renforcement des liens économiques et de développement entre Paris et Moroni, ce qui a pu donner l’impression d’une normalisation des relations bilatérales au détriment de la revendication territoriale.
Cependant, cette approche ne fait pas l’unanimité. Le Dr Mohamed Monjoin, président du Comité Maore pro-réunification, estime que “le dialogue bilatéral a échoué”. Il exhorte Moroni à relancer la question de Mayotte devant l’Assemblée générale de l’ONU, une démarche qui n’a pas été entreprise depuis trois décennies.
L’épine dans le pied de l’Histoire
L’histoire complexe de Mayotte et des Comores est un rappel des héritages tenaces de la colonisation et des défis inhérents à la délimitation de frontières durables post-coloniales. Le choix majoritaire des Mahorais de rester français en 1974 a engendré une situation juridique et politique unique, souvent décrite comme celle de “Mayotte, un département à part”.
Cette situation cristallise un conflit fondamental entre deux principes du droit international : l’intégrité territoriale, défendue par les Comores et l’ONU, et le droit à l’autodétermination locale, invoqué par la France et une majorité de Mahorais. Pour les Comores, le maintien de Mayotte sous souveraineté française demeure une blessure nationale ouverte et constante. En revanche, pour de nombreux Mahorais, l’intégration à la France est synonyme d’avantages économiques et sociaux substantiels, notamment en termes d’infrastructures, d’éducation et de santé.
Tant qu’un consensus partagé n’aura pas émergé entre les Mahorais et les Comoriens, la question de Mayotte continuera de symboliser une indépendance inachevée pour l’Union des Comores.
* * *
Sommet Trump-Afrique
Quand le partenariat vire à la démonstration de mépris
Le sommet qui s’est tenu du mercredi 9 au vendredi 11 juillet à Washington entre le président américain Donald Trump et cinq chefs d’État africains a suscité une vague d’indignation à travers le continent. Présenté comme une occasion de « faire évoluer les relations de l’aide vers le commerce », cet événement diplomatique a laissé un arrière-goût amer, révélant un déséquilibre criant entre ambitions africaines et posture américaine.
Réunis autour de la table à la Maison Blanche, les présidents de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, du Libéria, du Sénégal et du Gabon s’étaient déplacés, selon le discours officiel, pour discuter d’opportunités économiques et d’un avenir plus équilibré avec les États-Unis. Donald Trump, fidèle à son style percutant, a affirmé que l’heure était venue de transformer l’aide en partenariats commerciaux « mutuellement bénéfiques ». Mais derrière cette rhétorique séduisante, nombreux sont ceux qui y ont vu une manœuvre de plus pour renforcer l’accès américain aux ressources stratégiques du continent.
Les témoignages d’auditeurs africains dans l’émission « Appels sur l’Actualité » de RFI ont abondé en ce sens. Selon Estimé, un auditeur de Libreville, les États-Unis ne s’intéressent qu’aux minéraux rares africains, en particulier dans le contexte de rivalité avec la Chine. Il affirme que la rhétorique du « gagnant-gagnant » est trompeuse : « En réalité, seuls les Américains gagnent dans ce type de rencontres. »
Gêne diplomatique et incidents révélateurs
Le déroulement du sommet a été émaillé d’incidents perçus comme des marques de mépris. L’un des moments les plus commentés a été l’interruption abrupte du président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, alors qu’il évoquait les ressources minières de son pays. Trump, manifestement pressé, a lancé : « Si je pouvais juste vous demander votre nom et votre pays, ce serait super. » Une remarque jugée désinvolte, voire humiliante, pour un chef d’État.
Autre épisode controversé : après avoir reçu les remerciements du président libérien Joseph Boakai, Trump a cru bon de saluer son niveau d’anglais en s’étonnant : « Où avez-vous appris à parler si bien ? Au Libéria ? » Oubliant manifestement que l’anglais est la langue officielle du pays depuis sa fondation.
De Dakar, un auditeur a résumé ce sentiment d’indignation : « On aurait dit cinq candidats postulant à un emploi. Trump ne voyait en eux que des hommes d’affaires venus vendre leurs mines. »
Une soumission dérangeante
Mais au-delà de l’attitude de Trump, c’est aussi la posture des dirigeants africains qui a fait débat. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a ainsi complimenté Trump pour ses talents de golfeur et l’a invité à construire un terrain de golf au Sénégal. Pour Mokhtar, de Nouakchott, cette attitude de soumission est consternante : « Pourquoi devoir lui expliquer nos richesses ? Il le sait très bien. »
Ce déséquilibre dans les échanges a été résumé avec amertume par Jean-Martin, du Cameroun : « Le chassé ne peut pas négocier avec le chasseur. » Cette phrase exprime à elle seule la perception que les chefs d’État africains sont entrés dans cette rencontre en position d’infériorité, contraints de monnayer leurs ressources pour espérer attirer l’attention et les investissements.
Vers une nouvelle exigence africaine
Malgré ce tableau sombre, les réactions populaires traduisent une conscience politique de plus en plus affirmée en Afrique. Jean-Martin insiste ainsi sur un point fondamental : la nécessité de transformer localement les ressources africaines. Face à des droits de douane élevés imposés par les États-Unis (jusqu’à 10 %), l’enjeu n’est plus seulement d’exporter, mais de bâtir une industrie continentale capable de générer de la valeur sur place.
Cette aspiration rejoint une dynamique grandissante sur le continent : sortir du rôle de fournisseur de matières premières pour devenir un acteur industriel à part entière. C’est là que réside la véritable souveraineté économique.
Mauritius Times ePaper Friday 18 July 2025
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