Hurler avec les Loups.

Disons-le d’emblée. Il est grand temps que les femmes prennent la parole sans attendre que les mâles veuillent bien leur passer le micro. A toutes celles qui foncent et qui osent, on vous dit : bravo et continuez. Encouragez d’autres femmes à faire de même. Les femmes dans les partis politiques ne peuvent pas être reléguées à jouer second fiddle en permanence, à réparer le micro, à défendre « mo lider » contre vents, marées et tsunami, à se contenter d’un rôle de ‘backbencher’, et à sacrifier leur intelligence et à faire tapisserie à l’Assemblée nationale parce que le lider en a décidé ainsi.

A tous ces mâles qui se posent en juges du comportement des éléments féminins de leur équipe ou de celles de leurs adversaires, et expriment leur désapprobation en français ou dans la version locale de la langue, on aimerait leur dire qu’ils ne sont pas obligés d’intégrer la misogynie qui accompagne cette langue. Une fois, un des liders réputé ‘intelligent’ a conseillé, en pleine Assemblée, à un Membre du Parlement de sexe féminin, de ‘alle rode ene mari’. C’était une manière rétrograde et vulgaire de lui intimer l’ordre de se calmer, état qu’elle ne peut atteindre qu’avec un homme à ses côtés. La connotation sexuelle n’est que trop évidente dans ce genre de commentaires de bas étage.

Dans une male-driven society, comme partout ailleurs dans le monde, le culte de la personnalité se pratique surtout dans un univers masculin autour de quelques hommes adulés par une clique de partisans qui leur passent, et encore plus ici, tous leurs défauts, caprices, états d’âme ; et plus grave encore, leur incompétence, sans parler de leur écart de langage, et leur colère… presque divine comme celle piquée au milieu du Temple transformé en lieu de négoce.

Un politicien en colère ? Oh là, quel homme ! ‘On’ a mis le bougre en colère ! Ah bon ? Et la femme ? D’elle, on attend certainement qu’elle soit réservée, docile, patiente et obéissante au milieu d’une assemblée politique dont les règles de ‘discipline’ sont fixées d’avance par les caciques, habitués à un fonctionnement autoritaire et répressif du parti.

Eh bien, non ! Ce temps est désormais révolu. Sheila Bunwaree a soulevé la chape de plomb qui étouffe l’intelligence et la parole. Ce geste est hautement symbolique. C’est un refus de suivre aveuglement une soi-disant ‘discipline’ dès lors que l’on considère une situation comme étant arbitraire et injuste, qu’elle empêche d’autres têtes pensantes d’exprimer leurs idées et opinions, et laisse les membres du public sur leur faim par manque d’opportunités de pouvoir débattre sur des sujets importants. On n’en veut plus de ces partis politiques qui fabriquent des moutons qu’on tient en laisse à condition qu’ils répètent ‘oui, chef’ toute l’année.

Aux grands maux, les grands remèdes.

A une situation exaspérante où les caciques issus d’un parti (jadis perçu comme révolutionnaire) se posent maintenant comme libérateurs et se comportent comme des potentats gauchistes qui comptent tout diriger sous une façade de cercle collégial, et il est fort à parier, qui comptent trôner sur leur siège jusqu’à ce que mort s’ensuive (du genre lider maximo Paul Vergès à la Réunion ou Fidel Castro à Cuba), il fallait répondre par l’exaspération.

C’est ce qu’a fait l’universitaire. Les autres feraient mieux de suivre son exemple. A longueur d’année, les uns et les autres crient : ‘Indignez-vous ! Indignez-vous !’ Eh bien, en voilà une qui l’a fait ! So what the hell now ?

Du grec hustera, le mot ‘hystérie’ signifie utérus ou matrice, source d’un trouble névrotique qui affecterait essentiellement les femmes, ce que croyaient les scientifiques autrefois. Vrai ou faux, la question n’est pas là. D’ailleurs, pendant des millénaires de mise à l’écart où la femme n’avait pas son mot à dire ni au sein de son foyer ni sur la place publique, on imagine les dégâts que cette frustration a pu engendrer.

A un ami qui racontait que son épouse avait fait sa thèse de médecine sur l’hystérie des femmes en Tunisie il y a vingt ans, on parlait de ce modèle patriarcal dominateur un peu partout dans le monde à différentes époques, en Europe aussi, qui démolissait les femmes au plus profond de leur être, en étouffant leur intelligence et les empêchant de vivre et de s’épanouir pleinement.

Revenons à nos machos libérateurs du peuple. Après ‘rode ene mari’ il y a quelques années, maintenant c’est la femme censée être ‘hystérique’ qu’on montre du doigt. Rien que d’entendre le mot ‘hystérique’ balancé à l’encontre d’une collaboratrice d’hier, notre sang n’a fait qu’un tour. C’était insupportable !

La classe politique manque cruellement de femmes et d’intellectuels, hommes et femmes. Le combat est plus rude pour les femmes, mais il est plus que jamais indispensable et stimulant.

Rien ne leur sera servi sur un plateau, il va falloir ‘foncer, et forcer la serrure’ car ‘personne ne leur ouvrira la porte’ comme le souligne Sheila Bunwaree. Il y a trois ans, une militante du BJP en Inde, outrée par l’interdit fait aux femmes de pénétrer dans un temple, s’y est introduite sans crier gare. Dans ce temple, était assemblé un groupe d’hommes. Ainsi, elle a donné l’exemple de « be the change you want to see ».

Aux dires des caciques du nouveau parti, ‘la cohabitation des personnalités fortes’ pose problème. Donc, c’est la femme qui doit partir, si on a bien compris. Comme dans le divorce moderne. A vrai dire, dans cet univers politique dominé par les hommes, on n’aime pas trop la femme intellectuelle. Elle dérange. Ils préfèrent celles qui n’oseront pas trop bousculer leur manière de fonctionner. Or, les femmes savent que parmi les loups qui sont bien rodés dans l’arène politique, il faut hurler plus fort pour se faire entendre.

Les universitaires et autres fonctionnaires en politique, avec congé sans solde, et réintégration de leur poste en cas de non-élection : il était temps. Excellente idée. C’est la meilleure idée qu’on ait pu entendre ces jours-ci. The very idea is going to give sleepless nights to those who are well-versed in the art of keeping valuable people at bay.

Pendant trop longtemps, l’espace politique a été monopolisé par toute une ribambelle d’avocats et de médecins, une catégorie professionnelle qui se prend pour l’intelligentsia du pays et s’est accordée plus de valeur qu’elle n’en a réellement. Tous ces illuminés s’imaginent que les Mauriciens vivent encore dans les années 70 et ne sont pas en mesure de juger la vraie valeur de divers diplômes. Avec quelques experts comptables, économistes et autres qui se paient un salaire bien au-dessus de leur utilité et de la décence, dont profite tout ce beau monde sans broncher, on a un tableau complet de ceux qui monopolisent le discours politique, sans perdre de vue les prétentieux diplômés universitaires parmi les journalistes les plus volubiles de l’espace médiatique… Ceux-là font mieux : ils se substituent à tous – intellectuels, politiciens et économistes.

C’est dans ce milieu machiste et condescendant que les femmes doivent foncer pour prendre la parole. Parmi les machos qui pullulent toutes les instances décisionnelles, dans le domaine politique, il n’est pas aisé de trouver un homme qui a le calibre d’une Nathalia Vadamootoo, diplômée d’une Ecole Supérieure d’Administration.

‘En voie de sous-développement’ et ‘l’art de tuer les bonnes énergies’, vous le dites si bien, Mesdames. Plus qu’un art, c’est une spécialité que de promouvoir la médiocrité, l’imposture, le faux, l’apparence, le superficiel et les énergies dévastatrices.

En avant, Mesdames. Adelante ! Il est temps que les intellectuels, hommes et femmes occupent le devant de la scène. Ici, comme ailleurs, où le tout économie a donné une importance surdimensionnée à ceux qui en débattent dans les médias, il faut donner ses lettres de noblesse à la vraie élite composée aussi de ceux qui se sont spécialisés en Lettres, Littérature, Histoire, Les Classiques, les Sciences Humaines, Philosophie et les Sciences. C’est une tragédie lorsqu’un pays tente d’étouffer son élite.

L’année 2014 est bien partie pour être passionnante.


* Published in print edition on 4 July 2014

An Appeal

Dear Reader

65 years ago Mauritius Times was founded with a resolve to fight for justice and fairness and the advancement of the public good. It has never deviated from this principle no matter how daunting the challenges and how costly the price it has had to pay at different times of our history.

With print journalism struggling to keep afloat due to falling advertising revenues and the wide availability of free sources of information, it is crucially important for the Mauritius Times to survive and prosper. We can only continue doing it with the support of our readers.

The best way you can support our efforts is to take a subscription or by making a recurring donation through a Standing Order to our non-profit Foundation.
Thank you.

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *