Mes cinq interrogations

Par Jack Bizlall

Quand j’ai écouté le ministre des Finances, j’ai eu cinq réactions:

1) J’ai eu l’impression d’écouter un Avatar d’Arturo Toscanini dirigeant l’orchestre philharmonique de Berlin et jouant ‘La Chevauchée des Walkyries’ de Richard Wagner.

‘Community development’ à Inopacan, Leyte. Photo – www.researchgate.net


Pas une phrase sans la mention de tant de milliards pour ceci et tant de milliards pour cela… qui seront distribués à profusion, et ce, pour « perfusionner » notre économie… en attendant et même en souhaitant la Covid-20… C’est ce que les spectateurs – que certains sont devenus de force – doivent maintenant attendre…

2)   Il est évident que le Mauricien, qui aime la vie simple, se demande ce que sera Maurice dans 3-4 ans avec une destruction massive de ce qui appartient à la population dans son ensemble, sans son assentiment… sans oublier sa vie qui sera bouleversée et épiée… Il faut vite passer à la Deuxième République. Avec tant d’argent on peut faire beaucoup mieux… et autrement.

3)   Le travailleur qui attend son salaire de juin 2020 n’a encore rien entendu de ce que sera sa situation économique à partir du 6 juin 2020. Rien au fond pour atténuer la peur des travailleurs.

Je me suis assis pour écouter ce qu’il avait à dire sur la protection de l’emploi, des salaires, des fonds de pension existants et de la restructuration des entreprises. Il est vrai qu’une grosse somme a été proposée. Sans modalités de principe. Rien n’est encore dit.

4)   l’anarchie dans les idées du ministre est monumentale. Je crois qu’il ne sait même pas de quoi il parle en termes d’applications, de destructions, d’accaparements et de gaspillages.

Sait-il que la détermination des contributions des travailleurs et des partons (par rapport à la pension escomptée) pour un nouveau fond de pension exige un travail d’actuaires ayant des connaissances avancées, que personne ne détient à Maurice ? Je sais de quoi je parle… plusieurs fonds de pension sont en crise.

5)   Quid du temps nécessaire pour exécuter ces travaux qui dépassent les 102 milliards en prenant en considération les travaux en cours… Quid des structures de contrôle et d’audit à mettre en place pour éviter trois choses : le paiement des commissions, le détournement des fonds et le gaspillage ?

Le New Normal… Qu’est-ce que cela signifie ?

Le terme ‘New Deal’ (Nouvelle donne) de Roosevelt après la grande crise qui surgit le 24 octobre 1929 doit être d’abord compris. Le ‘New Deal’ avait comme objectif principal de réduire la pauvreté et la misère, d’aider pour les salaires et des lois pour la protection syndicale. Le ‘New Deal’ a creusé par la suite des déficits et il y a eu un Second Deal. Notre ministre applique un Néo keynésianisme pour sortir de la crise Covid-19. Ma réaction : Il faudra que les gens comprennent ce qu’est le ‘New Deal’ et ce qu’est le Keynésianisme. Il faut situer sémantiquement, structurellement et programmatiquement, ce qu’il veut faire. Ou tout au moins ce qu’il dit. Ce qu’il veut faire, je me demande s’il en mesure les impacts et conséquences.

Retour à l’engagisme ?

Avec un taux de décroissance pour 2020 de l’économie mondiale de 3%et un taux de décroissance de 11% pour Maurice, je trouve impertinent pour quiconque d’investir tant de milliards dans un développement spéculatif, anarchique et mystificateur.

Chaque budget c’est la même chose : les mêmes travaux d’Héraclès. Il propose au coût de 12 milliards la construction de 1000 logements pour les bas salaires et 11,000 pour les autres SANS prendre en ligne de compte qu’il faudra faire venir des travailleurs par milliers pour compléter ces tâches. Donc, il faudra prévoir des logements décents pour eux.

Booster le secteur de construction en premier est d’une inconscience inacceptable. Il faut sauver d’abord le secteur touristique, l’aviation civile… Soyons raisonnables, quelle est cette folie qui perturbe sa rhétorique ? Au moment où j’écris, personne ne sait où la République se dirige et quel est son rôle dans tout cela…

Back to basics…

Combien de fois ai-je attiré l’attention des uns et des autres sur le fait que notre économie quitte trop le secteur de production pour le secteur hors-production. Heureux d’entendre que nous retournons à la case de départ à coups de milliards. Bien entendu, si nous l’avions fait 20 ans de cela, notre économie serait aujourd’hui sur ses jambes. Passons.

Je le dis et le redis, il faut maintenant protéger certains secteurs de service et entrer dans le secteur de production autrement : en fusionnant les secteurs de production à l’exportation et celle de l’importation et en tirer un bénéfice important dans l’application de l’économie d’échelle par rapport à la consommation locale et à l’exportation dans la région. C’est ce que fait la Chine. On est en train de détourner le Port Franc contre les intérêts de la population.

Community development

Il faut voir ce qu’il interprète comme ‘Community Development’. C’est à désespérer d’être né en 1946 quand le ‘community development’ était pratiqué sans intervention de l’État mais avec la participation de tous les membres de l’endroit où nous habitions. A Rodrigues c’était encore plus pratiquée.

Je ne vais pas me batailler avec lui sur sa sémantique. Je me place dans le cadre de ce que notre société est devenue avec ses exclusions, ses malaises, ses peurs. Il a mis 8.4 milliards à la disposition de la police. Il sait que les exclus vont se rebeller. Nous sommes dans une situation semblable à 1968. ça va chauffer. Croyez-moi.

Le ‘Community development’ incorpore un changement de paradigme de notre système d’éducation. Il faut qu’il soit d’assertion au lieu d’être d’insertion produisant un fordisme intellectuel pour grossir une classe moyenne qui s’accapare de tout et qui se croit tout permis.

Sur le seul aspect de ‘community development’, il y a un gros travail à faire. D’autre part, il y a plus de 130 régions à réhabiliter. Comment permettre aux travailleurs de s’en sortir avec le surendettement ? Il va sans doute permettre aux banques et à certaines « Mutual Aids » de vampiriser les salaires des travailleurs par la pratique de l’anatocisme. Il faut rayer tout surendettement.

Les petites et moyennes entreprises

Quand j’avais étudié l’économie pour mon propre savoir dans les années 70, mon attention avait été attirée par le nombre de ces entreprises en faillite aux États-Unis. Elles bouffaient leurs capitaux pour plusieurs raisons et n’arrivaient pas à faire des économies d’échelle.

Elles ne maitrisaient point la théorie du développement inégal et combiné, par rapport aux innovations technologiques. Quand j’étais en Angleterre à l’époque du Thatchérisme, des machines de seconde main étaient en vente par milliers. Nos économistes oublient la nature expansionniste du capitalisme. Il faut par contre laisser se développer le secteur informel et l’économie de proximité.

Le comble du ridicule

La palme d’or revient à notre Wagner local pour ses propositions sous le chapitre ‘Support to the Tourism Sector’. Le plus grand test qu’il aura à passer, ce sera sans aucun doute celui de rétablir ce secteur. Ses propositions contiennent des germes de la destruction de ce secteur.

Quand je fais un constat des positionnements de certains syndicats, de certains employeurs, du Gouvernement et de l’administrateur de MK, j’ai le droit de dire ceci tout haut : « Jusqu’à quand nos intellectuels vont-ils croire que l’intelligence est innée ? »

On entend : ‘new branding strategy’ par la MTPA et l’EDB. Un ‘commercial partnership’ avec Liverpool. Je lui demande d’aller consulter les statistiques pour 2019, de ventes d’appartement d’hôtels et ajoutez-les aux IRS, ERS et PDS…

Agaléga et Rodrigues

Le comble de l’insulte de la part du ministre, il l’a démontré à l’égard des habitants d’Agaléga et de Rodrigues. J’ai visite plusieurs dizaines de fois Rodrigues et Agaléga, mais plus souvent Rodrigues. Je constate qu’il ne sait rien de ces deux iles et encore moins du peuple rodriguais.


* Published in print edition on 5 June 2020

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