Hommage à Dheeraj Reetoo

Par Yashwant Jeewoolall

« na jāyate mriyate vā kadācit

nāyaḿ bhūtvā bhavitā vā na bhūyaḥ

ajo nityaḥ śāśvato ‘yaḿ purāṇo

na hanyate hanyamāne śarīre »*

— Bhagavad-Gita Chapitre 2 Verset 20

 
J’ai beau chercher mais je ne trouve pas. Les questions persistantes : « A quoi bon ? » et « Qu’est ce que cela va changer ? » – me paralysent l’esprit. Une lecture en diagonale des mots du Prophète de Khalil Gibran n’arrive pas à proposer l’ombre d’une réponse aux questions de mon cousin. Des questions simples a priori : Pourquoi si vite, pourquoi si tôt alors qu’il lui restait tant à accomplir ?

Le premier vendredi de février, mon oncle – Dheeraj Reetoo – nous a quittés. Les funérailles hindoues ont cette particularité de vous embarrasser avec tellement de rituels et de cérémonies que vous êtes pris dans un tourbillon de religiosité qui vous ne laisse pas trop le temps de mesurer le malheur qui vous afflige. Cependant, le mérite de ces cérémonies est d’établir un calendrier de rencontres où chaque membre de la famille élargie se fait un devoir d’être présent : un deuil collectif étalé dans le temps où chacun soutient l’autre.

Nombreux sont ceux qui ont trouvé qu’il a eu beaucoup de chance de partir ainsi, en évitant de longues et pénibles souffrances. Le paradoxe est que personne ne s’y attendait, d’où la difficulté pour nous d’accepter son départ. Mais voilà, il est parti dans la discrétion, un peu à l’image de sa vie. Une vie dédiée à sa femme et ses trois fils et, plus récemment, sa belle-fille.

Un semblant de fragilité trompait facilement ceux qui ne le connaissaient pas réellement. Quand il avait pris une décision, il tenait le cap. La valeur d’un homme se reconnaît à sa capacité de mener sa famille à bon port et à lui transmettre les valeurs pour qu’elle puisse faire face à la vie en son absence.

Bien souvent, sa rigueur et ses méthodes de rangement nous tiraient d’affaire quand il fallait retrouver des papiers administratifs, sans mettre la maison sens dessus dessous.

Il avait ce don de vous faire découvrir les fruits rares quand ce n’était pas certaines variétés très rares de fruits. La papaye, il ne la dégustait jamais en solo. Il suffisait qu’il vous entende traîner une toux au sortir d’une mauvaise grippe pour voir apparaître du safran vert dès sa prochaine visite.

Les deux seules années de sa retraite ont été occupées à accompagner à tour de rôle sa famille, ses frères, sœur et beau-frère en Inde pour des soins hospitaliers. Il n’avait pas de compétences médicales particulières ou de talents de garde malade exceptionnels, mais sa présence était essentielle car elle apportait un certain réconfort et donnait cette force que nous ressentons tous quand nous sommes bien entourés : impossible de baisser les bras. Quand il était dans les parages, il se passait toujours quelque chose qui nous faisait rire ; il savait combattre le stress des autres.

Il avait toujours une attention particulière pour chacun. Des petits riens qui font les grands bonheurs de tous les jours et qui construisent les souvenirs impérissables. Comment oublier ce sapin qu’il nous avait rapporté pour Noël, il y a une trentaine d’années, ce sont des souvenirs tellement précieux.

Son radar pour repérer les bonnes choses et les bons coins pour déjeuner ou dîner fonctionnait en permanence. Avec lui, nous patientions toujours en buvant un café ou de l’eau d’une noix de coco et en mangeant un gâteau. Il savait ajouter de la douceur dans nos vies.

Comment le caractériser ? Courageux, tenace, doté d’une grande faculté d’écoute qui n’avait d’égal que sa gentillesse. La simplicité avec laquelle il se liait d’amitié avec son prochain, nous ouvrait toutes les portes, des ambassades aux « guest houses », en passant par les hôtels, qui ne pouvaient que céder devant son amabilité : œuvrer pour l’épanouissement de ceux que nous chérissons est beaucoup plus important que de se mettre en avant.

Maintenant, il vit dans notre cœur, nous finirons tous par le rejoindre, si au moins je savais quand, je dirai patience nous irons le rejoindre dans tant de minutes, d’heures, ou d’années. Mais nul ne le sait. Tous ceux qui ont eu la chance de le connaître savent qu’il donnait aux autres sans rien attendre en retour.

« L’âme ne connaît ni la naissance ni la mort.
Vivante, elle ne cessera jamais d’être.
Non née, immortelle, originelle, éternelle, elle n’eut jamais de commencement, et jamais n’aura de fin.
Elle ne meurt pas avec le corps. »


* Published in print edition on 25 February 2011

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