Grève de la faim des pêcheurs de banc : Une question de dignité humaine

Plusieurs manifestations ont lieu pour sensibiliser le public sur le sort des pêcheurs de banc et atteindre les autorités. Des pêcheurs ayant un certificat de marin professionnel sont au chômage depuis cinq ans. Ils envoient une lettre officielle au Premier ministre pour proposer l’instauration d’une allocation de chômage technique.

2010 – Premier travail de sensibilisation au niveau national : Gandhi (Muhamed Mustafa), porte-parole de l’association « La Voix le Peuple Pêcheur », marche pieds nus de Moka à Port-Louis pour faire entendre la voix des pêcheurs de banc (pêcheurs hauturiers). Il démarre une grève de la faim au Jardin de la Compagnie. Les pêcheurs sont inquiets. Où sont les financements reçus de la Commission européenne pour aider les pêcheurs mauriciens ? Que fait donc le ministère de la Pêche ? Pourquoi ne renouvelle-t-on pas le contrat des pêcheurs mauriciens ? Et pourquoi embauche-t-on autant d’étrangers sur les bateaux mauriciens ? Pourquoi les compagnies mauriciennes qui font flotter des pavillons étrangers obtiennent-elles des permis d’opérer dans la Zone Exclusive mauricienne ? Quelles sont les conditions de travail des Malgaches par rapport aux Mauriciens ?

Premiers résultats positifs : Le ministère de la Pêche constitue un comité où siègent, entre autres, le Permanent Secretary et des officiers du ministère de la Pêche, des officiers du ministère de la Sécurité sociale et du ministère du Travail. Il y a sept rencontres. Le comité se penche sur plusieurs aspects du problème, notamment,

(1)        établir une liste de pêcheurs de banc,

(2)        redéfinir le terme « pêcheurs actifs »,

(3)        trouver des solutions pour résorber le chômage des pêcheurs de banc – identifier les bateaux qui recherchent des marins pêcheurs,

(4)        développer une meilleure liaison avec le ministère du Travail pour un emploi alternatif, si nécessaire,

(5)        établir une structure pour enregistrer les doléances des pêcheurs, leurs employeurs et les propriétaires de bateaux,

(6)    tenir compte des requêtes des veuves des pêcheurs (King Fish I et King Fish II), et

(7)        développer des stratégies pour apporter une aide financière aux pêcheurs sans emploi.

Quelque temps plus tard, une liste de pêcheurs de banc est élaborée et acceptée par le comité. Le ministère de la Pêche contacte les bateaux qui acceptent d’embaucher des Mauriciens. Le ministère propose la formation d’une coopérative afin de s’occuper d’un bateau de pêche saisi. Les pêcheurs pourraient alors se procurer un bateau de pêche pour la pêche de banc et ils auraient uniquement à s’occuper des frais de fonctionnement et des assurances. Ils pourraient aussi effectuer des démarches pour démarrer de petits projets et obtenir des prêts de la DBM. Ils sont aussi invités à suivre des cours sur les nouvelles techniques du domaine de la pêche. Ils apprennent que les autorités réfléchissent sur le système d’octroi de permis aux opérateurs étrangers. Le rapport du NRB de mai 2014 doit donner des détails sur la rémunération des pêcheurs et les employeurs devraient suivre ces indications.

2014 – Nouvelle grève de la faim sur fond de désaccord : Le 9 mai 2014, Gandhi émet des réserves sur la liste des pêcheurs de banc acceptée par le comité. Il fait un walk-out et décide d’entamer une nouvelle grève de la faim au Jardin de la Compagnie. Il a 49 ans. Il est un habitant de l’Avenir Saint-Pierre. Il est père de 2 enfants. Il a de l’expérience en mer depuis 1989 et il est au chômage depuis 2010. Quatre autres pêcheurs l’accompagnent dans cette grève –

·       Mario Joana (49 ans, habitant d’Albion, père de 5 enfants, 20 ans d’expérience en mer et au chômage depuis 2010),

·       Jean Sylvain Orian (49 ans, habitant de Cassis, père de 5 enfants, 25 ans d’expérience en mer et au chômage depuis 2010),

·        Giorgo Malepa (49 ans, Petit Pointe aux Piments, père de 2 enfants, expérience en mer depuis l’âge de 18 ans et au chômage depuis 2010),

·       et John Ferret (49 ans, habitant de Cité la Cure, père de 3 enfants, expérience en mer depuis l’âge de 13 ans et au chômage depuis 8 ans).

Le 10 mai 2014, un cinquième gréviste, Louis Ternel (60 ans, habitant de Sainte Croix, père de 4 enfants, expérience en mer depuis l’âge de 12 ans et au chômage depuis 10 ans), les rejoint au Jardin de la Compagnie.

Jeff Lingaya, porte-parole du « Komité soutyin pou bann Marin Pésér an Grév », rappelle que les grévistes demandent l’aide de l’Etat et une compensation financière pour les 250 familles de pêcheurs sans emploi.

Samedi, les discussions vont bon train au Jardin suite à la rencontre des pêcheurs avec Jim Seetaram, Suren Dayal et Shakeel Mohamed. Il y a une note d’optimisme dans l’air. L’attente est longue mais la cause est juste.

Mais après 26 jours de grève, l’état de Gandhi (Muhamed Mustafa) devient inquiétant (faiblesse, vertige, ne peut pas tenir debout) et il est transporté à l’hôpital. Il demeure déterminé et donne la déclaration suivante à Mauritius Times le jeudi 12 juin 2014 :

« Ce combat est un combat pour la dignité humaine. Tout père de famille doit travailler. Il doit donner l’exemple à ses enfants et à sa famille. Lorsque nous avons commencé ce combat, il y avait 450 familles. Certains sont décédés, d’autres ont trouvé un emploi alternatif, et certains ont trouvé un emploi qui leur convient. Il reste 250 familles et il faut rétablir la qualité de la vie de ces familles.

Faites un tour à Baie du Tombeau et vous verrez les familles en détresse. Quand un père de famille ne travaille pas, ses enfants tombent dans toutes sortes de fléaux comme la drogue, par exemple. Je souhaite vivement que par mon action de grève de la faim et celle des autres pères de famille, nous allons ouvrir les yeux du Gouvernement sur ce problème. Nous attendons que le Gouvernement prenne ses responsabilités et que chaque père de famille ait un emploi dans un proche avenir. »

Sensibilisation sur YouTube : Sur le site http://ionnews.mu/video-gandhi-entame-son-10e-jour-de-greve-de-la-faim-2705/, Gandhi nous demande de réfléchir sur le sort des ti-dimounes. Peut-on dire que la République de Maurice est un paradis quand les pêcheurs de banc n’ont ni emploi ni aides nécessaires ? Quand les ministres et tant de députés du gouvernement au Parlement se penchent si peu sur les problèmes des malheureux tandis que l’opposition s’intéresse uniquement à la réforme ?

Pour filer l’idée de Gandhi, on pourrait ajouter ceci : Puisque tant de parlementaires ne servent pas vraiment la cause des petites gens, qu’avons-nous à gagner avec la réforme préconisée par le PM et le leader de l’opposition ? Combien de temps faudra-t-il encore pour trouver des solutions aux problèmes des petites gens ? Entre temps, la misère appelle la misère et tous les autres fléaux sociaux… Les chômeurs s’enfoncent dans la spirale de la pauvreté…

Attentes des grévistes et de leurs sympathisants : Certains membres du public se déplacent pour soutenir les grévistes. D’autres sympathisants espèrent de tout cœur que la grève de la faim se terminera bientôt. A nos détracteurs, nous posons la question suivante : « Qui entame une grève de la faim par plaisir ? Est-ce que c’est normal de rester indifférent au sort des nôtres qui n’ont pas d’emploi et qui ne peuvent pas s’occuper correctement de leur famille à cause du chômage et/ou de la léthargie de certaines institutions ? »

Le porte-parole Jeff Lingaya annonce qu’une réunion est fixée pour le lundi 16 juin 2014 à 13h00 avec les autorités pour trouver des solutions concrètes aux problèmes soulevés par Gandhi. Il est question d’accès à un emploi rémunéré sur un bateau ou un emploi alternatif dans le secteur. Le mouvement citoyen préconise le développement des blue jobs avec l’aide du ministère de l’Environnement et du développement durable, et aussi du ministère de l’Intégration sociale et de l’autonomisation économique pour accompagner les pêcheurs et les 250 familles. Il s’agit aussi d’accélérer les procédures pour la création d’une coopérative avec l’aide du Ministry of Business, Enterprise and Cooperatives.

ENCADRE

Le secteur de la pêche emploie environ 170 millions de personnes dans le monde. C’est un pan économique essentiel pour la sécurité alimentaire. La pêche est particulièrement importante pour les pays en voie de développement, notamment les populations en milieu rural et côtier. Si ce secteur se porte mal, alors la vie de ces populations en sera affectée. Plusieurs facteurs ont un impact négatif sur le secteur de la pêche : mauvaise gestion, absence de contrôle sur les activités des compagnies de pêche, et surexploitation et dégradation des habitats marins; mauvaise gouvernance et mauvaise implémentation des mesures correctives; augmentation de la pêche illégale.

Aujourd’hui, il s’agit de renforcer la sécurité alimentaire pour les habitants de la planète Terre, et de maintenir et/ou d’augmenter les emplois dans le secteur de la pêche. Toutefois, toute gestion doit tenir compte des écosystèmes et des impacts de tout type de développement sur la Nature. Il s’agit de promouvoir le sens de la responsabilité et de l’éthique dans le secteur et développer non seulement des pratiques de pêche durables mais aussi des emplois dans le secteur de la conservation des habitats marins. En Afrique du Sud, il existe des programmes de réhabilitation des ressources marines pour augmenter les stocks de poisson (en chute libre) et aussi des programmes pour une gestion plus efficace des ressources des océans [Department: Agriculture, Forestry and Fisheries, Strategic plan for the 2012/12-2016/17, 2012, p. 16]. Le Gauteng Environmental Management Inspectorate (EMI), aussi connu sous le nom de « Green Scorpions », aide à renforcer et/ou appliquer les lois sur l’environnement et à développer une culture de respect des lois. Les résultats, à ce jour, sont très positifs.

“Governance is the process of decision-making and the legal frameworks, structures and processes by which decision are implemented (or not implemented) (UNESCAP, no date). Governance is therefore largely about the politics of natural resource management (e.g. Béné and Neiland, 2006) and how policy and management decisions are made and implemented. It relates to how people are involved in decision-making and how this affects their abilities to empower themselves and others and derive benefits from the process. Power, and the way that power is distributed between different stakeholders, are key aspects of governance. Stakeholders include those directly involved in fisheries (the fishers, processers and fisheries departments) as well as those with a broader stake or interest in the outcomes of fisheries management — including NGOs, policy makers and wider civil society. Poor governance is variously characterised by corruption and a lack of transparency, lack of participation by key stakeholders, a lack of accountability and lack of the rule of law.” [MRAG 2010. Towards sustainable fisheries management: international examples of innovation. MRAG Ltd., London, p. 46]

 


* Published in print edition on 13 June 2014

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