Violence dans les établissements scolaires: Vers une conscientisation citoyenne?

De plus en plus fréquemment, les médias rapportent des cas de violence dans et hors des établissements scolaires mauriciens. Selon le dernier rapport du MACOSS, les cas d’indiscipline et de violence dans les établissements secondaires s’élevaient à 88 en 2010 et à 125 en 2012 ; 25% des jeunes sont exposés à la drogue, à l’alcool et au tabac et 35% aux combats physiques, au bullying et aux blessures causées sans le vouloir intentionnellement.

Il existe aussi d’autres types de violence affectant les deux sexes : combats dans la cour de l’école, menaces, insultes, violences sexuelles, violence des gangs et attaques avec une arme par un pair. De nouvelles formes de violence sont apparues avec l’arrivée des nouvelles technologies : le cyber-bullying à travers le téléphone portable, les ordinateurs, les site-web et les sites sociaux. La violence est parfois dirigée contre les enseignants par les jeunes et/ou leurs parents.

Selon Ravina (2012), la société s’est rapidement transformée en « société presse bouton » à Rodrigues et a influencé le comportement des jeunes, « animés d’un désir de s’imposer par la contestation systématique, voire la domination ». La violence scolaire se manifeste à travers la dégradation volontaire du matériel au racket d’argent, de matériel, de casse-croûte, le châtiment corporel, l’humiliation, l’isolement, l’agression physique et verbale, la raillerie et la taquinerie, et la violence sexuelle. Certains jeunes sont agressifs envers les membres de l’administration et des enseignants. 43% des jeunes scolarisés ont déjà pris part à des bagarres ; 27% ont subi des agressions de leurs camarades de classe et 45% ont fait l’objet de taquinerie dans l’enceinte scolaire.

Facteurs responsables de l’apparition de la
violence scolaire

Premièrement, il existe la vulnérabilité associée à la pauvreté et ses corollaires. Pour Bégué (2012), 8% des élèves victimes sont initialement considérés comme « à risque moyen » et 2% comme « à risque élevé » à Rodrigues. Ils sont en situation de vulnérabilité, laquelle « trouve sa source dans leur situation marginale à l’école ou encore dans la vie extérieure du fait de l’existence d’un certain nombre d’agents stressants actuels et chroniques comme la violence, le délaissement, la pauvreté ou l’alcoolisme des parents. » Le MACOSS report énumère aussi plusieurs facteurs de même ordre pour Maurice. L’on y retrouve des familles instables où les enfants sont soit non-désirés ou illégitimes, et ils se mettent à la recherche de l’affection et de l’amour dans les gangs. La violence domestique et l’abus sexuel des enfants entraînent des troubles du comportement et de l’apprentissage. La discrimination en milieu scolaire, à leur égard, augmente leur frustration et aussi des sentiments de vengeance vis-à-vis de la société en général.

Deuxièmement, il y a la manière dont les institutions gèrent les informations liées à la violence. Selon le MACOSS report, les cas de violence rapportés dans les médias banalisent les situations et en font une norme. Par conséquent, les jeunes adoptent des comportements négatifs, les considérant comme une normalité sociale. Ajoutons à cela, la culture de la banalisation de la violence à la télévision, que ce soit les reportages sur les guerres, les documentaires sur les crimes et autres formes de violence.

Troisièmement, Ballgobin (2012) explique que la société mauricienne a évolué vers une incapacité à contrôler des envies d’accroître exponentiellement des biens matériels. Diverses formes de publicité « accentuent le désir de paraître au lieu d’être chez les jeunes ». De plus, la compétition scolaire est devenue négative et a développé des formes de violence des uns à l’égard des autres au sein d’une seule et même famille, entre frères et sœurs, et aussi entre les membres de la parenté et les voisins. Les parents propulsent leurs propres rêves sur leurs enfants et ont parfois des attentes démesurées par rapport aux compétences réelles des jeunes. Les enfants se sentent alors non-aimés et exploités. Ils ont l’impression d’être les objets des parents (tout comme les esclaves d’antan étaient des biens meubles). Ils développent des attitudes rebelles par crainte de perdre leur identité. Ils sont étouffés et recherchent des moyens de se libérer, tombant parfois dans les pièges des groupes de délinquants, et/ou développant un penchant pour la consommation de produits illicites. De plus, le MACOSS report rapporte l’existence d’un réseau de distribution violent et une culture galopante de consommation de la drogue.

Quatrièmement, les problèmes d’inégalité des genres et des stéréotypes sociaux et culturels, les attitudes et comportements violents des parents et le manque de formation du personnel des établissements scolaires pour attaquer frontalement les problèmes affectent les jeunes et contribuent à la montée de la violence et de l’indiscipline.

Implémentation d’approches globales en milieu scolaire

Il faudrait penser en termes de développement de législations, politiques, allocations budgétaires, politiques d’emplois, gestion de chaque établissement scolaire et développement de capacités de leadership des directeurs et pro-activité du personnel scolaire, octroi d’une certaine autonomie pour régler des problèmes aux directeurs d’établissement, et aussi dénonciation systématique d’interférence politique sous n’importe quelle forme (Macoss report, 2012). De plus, sur le plan pédagogique, il s’agit de renforcer la formation des enseignants et de moderniser les contenus des curricula (droits humains, droits et devoirs du citoyen mauricien, développement des capacités telles que la connaissance de soi sur le plan émotionnel et le contrôle de ses émotions, les habiletés sociales positives, la résolution de problèmes et de conflits, et le travail d’équipe avec accent sur la connaissance interculturelle).

Le ministère de l’Education et des Ressources humaines a déjà élaboré un School Management Manual en lien avec les établissements éducatifs privés. L’on y retrouve des informations sur la discipline, développées par des professionnels et des travailleurs sociaux. Il existe aujourd’hui un système SMS et téléphonique pour contrôler les absences scolaires. Des campagnes de sensibilisation ont aussi démarré. A ce jour, il y a 68 appareils de surveillance vidéo dans les écoles. Certains établissements ont aussi un agent de sécurité. Il faudrait aussi multiplier les rencontres avec les parents afin de développer graduellement la confiance mutuelle et établir, éventuellement, une passerelle avec l’école pour les parents. La recherche devrait être renforcée dans ce domaine et les données affichées sur le site-web du ministère de l’Education nationale (Macoss report, 2012).

A Rodrigues, « un manuel sur les valeurs humaines a été mis à la disposition des établissements scolaires pour aider les enseignants à familiariser les enfants aux valeurs civiques et morales fondamentales de l’ordre social dès leur plus jeune âge. » Des psychologues participent aux travaux de la Commission de l’Education pour apporter des solutions et contribuer à la bonne gouvernance dans les écoles, sensibiliser les enfants en difficulté, et favoriser les attitudes les plus adaptées à leur insertion sociale et assurer la réussite scolaire (Bégué, 2012).

Par ailleurs, le rapport Macoss préconise l’introduction d’un Youth Risk Behaviour System pour sensibiliser la population au niveau national et encourager la dénonciation des cas d’abus et de violences à travers un hotline, et développer des mesures d’évaluation pour la prévention de la violence. Un système plus efficace pour effectuer des complaintes en toute sécurité et assurer la protection des dénonciateurs de violence contre les jeunes serait souhaitable. Les bonnes pratiques pour réduire ou éradiquer la violence en milieu scolaire devraient être vulgarisées. Les liens entre partenaires de l’éducation devraient être renforcés. Chaque établissement scolaire pourrait lister les cas de violence ou d’incitations à la violence, les facteurs favorisant leur apparition en milieu scolaire et aussi indiquer les solutions efficaces pour lutter contre tel ou tel fléau en collaboration avec d’autres ministères comme le ministère de la Santé (incluant la santé mentale), le ministère de la Justice, le ministère du Travail, le ministère du Logement, entre autres…

La réintroduction de l’enseignement d’une discipline de vie, et ce, dès l’école primaire serait souhaitable. Les médias, et surtout la MBC, devraient multiplier les programmes sur la discipline et la rigueur au sein de la famille, au travail et dans la vie quotidienne, et insister sur leurs avantages pour l’ensemble du pays. Les partis politiques, certains plus que d’autres se nourrissant de la division et de la haine ethnique, devraient apprendre à dépolitiser et à dé-ethniciser les problèmes humains, et s’abstenir d’utiliser le système scolaire à des fins idéologiques. Les mesures efficaces prises dans d’autres pays devraient être banalisées par les instances gouvernementales. Le ministère de l’Intégration sociale devrait jouer un rôle central pour coordonner les actions visant la réduction et l’éradication de la violence scolaire ou sociale (Ballgobin, 2012).

Vers une conscientisation citoyenne ?

Les recherches des chercheurs mauriciens (CERLI-Maurice) et rodriguais (CERLI-Rodrigues), et le MACOSS report démontrent que la situation n’est pas aussi alarmante dans nos îles qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis. Nos établissements scolaires représentent des endroits à risques limités. Toutefois, les problèmes en milieu familial et social sont en train d’augmenter et prennent de plus en plus d’ampleur. Par conséquent, le monde scolaire ne pourra pas toujours se prémunir et se protéger contre les maux de la violence et de l’indiscipline. Une somme de petites actions violentes au quotidien affecte obligatoirement l’atmosphère, l’ordre et l’harmonie des établissements scolaires, et donne naissance à une tension psychologique et émotionnelle chez le personnel scolaire et les apprenants. Ainsi, pour le bien-être de tous, il serait important que les citoyens mauriciens s’intéressent à ce problème et contribuent activement à implémenter les solutions pour éradiquer le fléau de la violence des établissements scolaires mauriciens et rodriguais, et assainir les autres lieux de vie (famille, environnement immédiat et milieu social) quand cela s’avère nécessaire.

Il est connu qu’une trop grande exposition à la violence influencerait les jeunes et les adolescents mauriciens, et les affecterait encore plus négativement dans le moyen terme. Il y aurait alors encore plus de dépendance à l’alcool et à la drogue, dépression, angoisses, développement de problèmes psychologiques et tentatives de suicide. Autre problème préoccupant : l’absence de discipline et le comportement de plus en plus violent et agressif des parents devant leurs enfants, petits et adolescents dans toutes les couches sociales chez eux ou au volant ! Ces derniers en sont influencés et, en l’absence d’un autre discours, les jeunes les considèrent comme des role models et les imitent.

Il est évident que le problème affectant le milieu scolaire ne pourrait être traité isolément des dangers et menaces touchant les jeunes en milieu familial et social. Tous les Mauriciens devraient être conscients des pistes proposées par divers groupes pour prévenir et lutter contre la violence grandissante, sous toutes ses formes, afin de protéger efficacement les enfants de la République de Maurice en milieu scolaire ou ailleurs, et ce, dans n’importe quelle île.

Références

Mauritius Council of Social Service. (2013). Civil Society Position Paper on Violence in Schools. Mauritius

Conférence internationale “De la violence en général à la violence scolaire en particulier”, 2012. Ile de la Réunion : (1) Ballgobin D. Vina, CERLI-Maurice. Perceptions des apprenants: La discipline en milieu scolaire à Maurice ; Bégué Liseby. La violence scolaire à Rodrigues: état des lieux et interventions ; Ravina Mary-Joyce, CERLI-Rodrigues. (2012). La violence dans les établissements scolaires à Rodrigues


* Published in print edition on 31 May 2013

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