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Elections 2010 : Des leçons à tirer ?

 

U.C.

 

Ce vendredi matin, à la parution de Mauritius Times, la joute électorale aura pris fin, le suspense qui aura duré jusqu’au bout sera terminé et les urnes auront rendu leur verdict. En 2005, l’Alliance Sociale faisait mentir tous les pronostiqueurs patentés et remportait haut la main une bataille épique non seulement contre le poids politique des deux autres formations alliées (MMM et MSM) avec leurs énormes moyens logistiques et financiers mais aussi contre la formidable armada de la presse écrite anti-travailliste, des radios privées et d’un matraquage quotidien de la MBC.

 

Tout le long de la campagne électorale, il a paru que la joute était plus serrée cette fois-ci et même si l’Alliance de l’Avenir était donnée gagnante, peu s’aventuraient jusqu’à pronostiquer le décompte final des élus. Les états-majors et les analystes politiques chevronnés se pencheront sans doute à tête reposée sur les leçons à tirer de cette joute électorale qui aura éreinté la classe politique et tenu en haleine toute la population.

 

En tant que challengers, le MMM, affublé de ses deux colistiers Ashock Jugnauth et Eric Guimbeau sous le symbole du cœur et de la couleur mauve, disposait de la possibilité d’exploiter toutes les insatisfactions ponctuelles ou locales de nos concitoyens qui attendent que leur député participe non seulement à la gestion du pays mais soit aussi disponible pour répondre à leurs aspirations immédiates, préoccupés par leurs rues, leurs drains, leur quartier, leur emploi, leur environnement ou leur sécurité.

Autant le MMM était très mal à l’aise pour défendre son bilan en 2005, autant il se révèle redoutable dans cet exercice qui consiste en la dénonciation systématique et vigoureuse des mécontentements montés en épingle. Certes, les facteurs de proximité ne sont qu’un élément sur une palette de facteurs qui déterminent le choix de l’électorat. Mais ces facteurs, mal gérés ou mal assumés, peuvent se révéler redoutables pour certains sortants. Trois députés ou ministres sortants battus, même par quelques voix et c’est un écart entre les alliances qui se réduit non de trois élus mais bien de six…

La longévité et la popularité d’un Arvind Boolell, d’un Anil Baichoo ou d’un Alan Ganoo dans leur circonscription respective témoignent de l’importance de cette disponibilité et de ce travail de terrain malgré de hautes responsabilités quand ils sont au gouvernement. Rajesh Bhagwan, en mode « postmortem », reconnaissait que la défaite de 2005 n’était nullement due à une quelconque campagne communale de l’Alliance Sociale mais que le basculement du vote musulman avait jeté les bases pour une autre manière de voter et des facteurs locaux avaient fait le reste, en faisant chuter plusieurs ministres et députés sortants.

Durant les années 80, SAJ avait compris toute l’importance de ce facteur en imposant quasiment à ses ministres comme à ses députés et ses PPS, un labourage du terrain sans faille et sans relâche, relayé par une unité de développement communautaire, particulièrement efficace. L’avènement des radios privées n’a fait que renforcer cette dynamique de considérations et de frustrations locales, aidées en cela par les émissions politiques de face-à-face, circonscription par circonscription. Ce sont surtout les mécontents, pas toujours dénués d’une certaine arrière-pensée politique, qui s’y expriment et vitupèrent à tout propos. En 2005, les mécontents mettaient tellement à mal le régime en place qu’on a même frôlé la censure imposée par les pouvoirs publics.

On pourrait soupçonner que le MMM ait mis à profit sa déconvenue d’alors en accaparant sciemment les ondes des différentes émissions du style Kosé do mo le pep!… ou Controverses sans que l’alliance au pouvoir n’y remédie ou ne trouve une parade efficace pour conforter, encore moins pour étoffer ou élargir sa « majorité silencieuse ».

A part cette stratégie d’occupation des ondes, des irresponsables anonymes se sont appuyés sur une utilisation à outrance des réseaux internet et ont propagé une culture de la désinformation systématique, des allégations gratuites et des attaques vicieuses frôlant parfois la haine communale et mettant à mal une unité nationale toujours fragile. Cet abus de l’internet au profit des calculs et des ambitions politiques reste aujourd’hui un phénomène relativement limité mais il n’en sera pas de même demain et devrait faire l’objet d’un encadrement légal juste, d’une vigilance permanente et de sanctions sévères en cas de malversations et d’allégations grossières ou gratuites.

Si le MMM pouvait surfer sur les vagues des frustrations et des mécontentements locaux, il devait aussi reconstituer ou au moins donner crédit à sa plate-forme de prédilection depuis 1983, soit une alliance des « minorités » face à l’Alliance de l’Avenir et les Travaillistes d’une communauté majoritaire, transformés pour l’occasion en ogres rapaces et voraces, qui piétineraient et fouleraient ces mêmes minorités. Ce tour de force de spin-doctoring devait être réalisé en un mois environ, le MMM émergeant à peine des tractations avec ces mêmes Travaillistes honnis pour une alliance électorale qui en aurait fait d’eux les plus grands démocrates de la Terre! Il a fallu pour cela la collaboration de tous les relais habituels de la classe possédante qui veulent à tout prix ou dans le meilleur des cas, que le MMM partage le pouvoir avec le Parti travailliste, au pire, que le Parti travailliste et ses alliés soient considérablement affaiblis car ils ont fait de la démocratisation de l’économie leur cheval de bataille.

C’est sans grande surprise que certains médias se mettent sans vergogne et de manière stratégique au service de cette désinformation politique. Les dinosaures du communalisme scientifique, ratissant les peurs et les frayeurs des minorités, jouent à outrance la division communale et castéiste, la coalition de Bérenger avec ses Rasoir, Pac-pac, Bodo, Pagla mamou et Gros fey (condamné pour fraude et corruption électorale), font la une des colonnes de ces journaux, les prêtres d’un nouveau monde…

Au service de cette fin et de la mise à mal du mouvement historique vers une plus grande démocratisation de l’économie, tous les moyens et toutes les fabrications se justifient. me un certain Grégoire a délaissé son oasis yankee et sa soutane pour se précipiter au chevet du MMM, au risque d’entraîner la communauté créole vers d’autres déserts et d’autres ghettos. Tant pis si cette campagne et cette stratégie, profondément ancrées dans la division, laissent des blessures et des cicatrices béantes; les entrants n’auront qu’à se retrousser les manches pour panser les blessures, pendant que les mêmes spin-doctors du communalisme scientifique pourront nous tartiner des éditoriaux verbeux sur la démocratie ou la méritocratie…

L’Alliance de l’Avenir aurait certes pu se trouver plus mal face à cet acharnement des puissances occultes et de leurs relais : elle souffre du départ et de la cruelle absence d’un bulldozer respecté par tous et surtout au No.1, James Burty David, et du mal qu’elle a pour gérer les tribulations de Sithanen. La perte du premier laisse un vide important que personne ne pourrait remplacer au pied levé dans ses différents rôles et attributions au sein de l’establishment rouge.

Le deuxième, sans doute un proche et un ami de Navin Ramgoolam, surtout durant sa traversée du désert, se singularise par ses compétences économiques et financières, mal servis par des desseins et des positionnements politiques incompréhensibles pour le profane et le grand public. Sithanen, après ses lettres et ses menaces de démission se livre à un spectacle peu engageant dans l’ultime furlong, faisant même campagne pour le MMM. Ses agissements auront-ils l’impact politique voulu sur l’électorat?

En tout cas, malgré ces difficultés à enclencher sa campagne, l’Alliance de l’Avenir sort réconforté du fameux « premier round » du 1er mai, ce qui lui a permis d’espérer une large adhésion dans les zones rurales et les circonscriptions-clefs urbaines. Si elle gagne avec une majorité raisonnable ces échéances électorales, elle aura a en tirer les leçons. A l’heure de ces lignes, tout laisse croire que cette majorité oscillera autour d’un 41-19 ou 40-20 satisfaisant compte tenu de ces circonstances.

Ce score ne serait pas éloigné des scores de 83 et de 87 quand le MMM avait entraîné le pays dans une virulente opposition à forte connotation communale contre les bâtisseurs du bleu-blanc-rouge.

Attendons voir…

 

U.C.

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