Un vent plus serein ?

Nous voilà, en cette fin d’année politiquement mouvementée, avec nos espoirs, nos attentes, nos craintes et nos peurs. Dans un réflexe de rejet qui a été déjà largement analysé ici et ailleurs, une configuration nouvelle, une « musical chair » de notre « Establishment » et de nos dynasties politiques, a été plébiscitée pour nous représenter au Parlement en décembre de cette année. Une majorité confortable en sièges qui fait la part belle au MSM, un résultat qui doit beaucoup à la personnalité propre de SAJ, offrant un exutoire crédible à tous ceux qui, pour des raisons aussi multiples que variées, ne voulaient pas de ce « package » bicéphale incongru PTr-MMM, posant plus de questions qu’elle n’apportait de réponses.

SAJ, en vieux routier de la politique et de ses rebondissements quelquefois inattendus, a rapidement tiré les leçons de cette victoire de l’Alliance MSM-PMSD-ML, en constituant son cabinet ministériel de 25 ministères, avec 19 au MSM, 4 au PMSD et 2 au ML. C’est une configuration inédite car jamais auparavant le MSM ne s’est retrouvé dans une position de pouvoir aussi confortable, lui permettant avec l’aide de ses deux « juniors partners », de donner la pleine mesure de ses capacités et de répondre aux attentes de ses sympathisants autant que des frileux et des sceptiques dans la gestion du pays.

Il est vrai que la vague, le tsunami qui a balayé le PTr et ses principaux lieutenants et qui a abasourdi le MMM et son leader historique, repose – les états-majors politiques le savent – sur une base encore fragile. De quoi mettre une petite note de sobriété dans l’euphorie méritée des gouvernants. L’important pour le pays, c’est de savoir comment SAJ et le MSM, en prenant à bras le corps les ministères les plus importants, vont remplir leurs engagements et quelle direction nouvelle ils vont insuffler à la République.

Un premier sujet qui doit préoccuper le secteur privé, le tourisme, les industries manufacturières, les secteurs financiers et l’offshore, les investisseurs potentiels et les PMEs, c’est l’attente des grandes orientations budgétaires repoussées pour mars 2015. On comprend parfaitement que le nouveau Grand Argentier, un peu à l’écart depuis une vingtaine d’années, ait besoin de consulter ses cadres aux Finances, d’étudier les besoins des différents ministères, ainsi que l’ensemble des forces vives et productives avant de tracer la charpente et les détails de la nouvelle politique de développement.

Mais c’est un prolongement des attentes pour une économie nationale qui tourne à petit régime depuis plus d’un an, ballottée par l’international et les incertitudes associées aux chamailleries et tractations politiques prolongées. Souhaitons une reprise en main et une définition rapide des principaux axes qui permettront aux investisseurs d’arrêter et d’exécuter leurs plans.

Si les premières mesures « d’apaisement national », avec la hausse des pensions et des allocations, la révision de la compensation salariale et l’appel à la MSPA de faire un juste effort envers ses salariés, ont généré la satisfaction, la population ne s’y trompe guère et reste inquiète. Quelqu’un quelque part va devoir payer cette facture assez colossale qui se monterait selon le Grand Argentier, à plus de 9 milliards.

Les économies que tout le monde souhaite dans la gestion – quelquefois hasardeuse – des fonds publics, que tout Directeur de l’Audit répertorie avec acuité depuis des lustres, année après année, sont-elles pour demain (même si on accorde au nouveau régime le bénéfice du doute) ? Et que dire de la reprise d’une croissance forte et soutenue ? Entretemps, et en attendant le prochain budget, chacun aura quelque raison de s’interroger, même si le nouveau gouvernement n’hérite pas de caisses vides.

Pour le moment, c’est le renouvellement du personnel appelé à appuyer et traduire en réalités la nouvelle politique gouvernementale qui mobilise les énergies de nos gouvernants. Une Operation Lev Pake qui n’ose pas trop dire son nom mais qui s’étend par circulaire, dit-on à l’ensemble des Chairmen et des DGs des corps constitués.

Depuis 1991, nous vivons dans une ère d’alternance démocratique, avec changement de régime tous les cinq ans (si on fait exception de la période de deux mandats du PTr entre 2005 et 2014). A chaque renversement, nous assistons à cette valse inévitable de ce personnel essentiel d’encadrement de la politique générale du pays.

De quoi s’agit-il donc ?

D’abord, il y une catégorie de postes constituant autant de positions stratégiques pour tout gouvernement. Secrétaire au Cabinet, Chief of Staff du PMO, Gouverneur de la Banque de Maurice, DG de la station nationale de radio-télévision en forment indubitablement partie, et ils ont souvent l’élégance de partir avec un changement de régime.

Aux Casernes Centrales, au service des renseignements, à la VIPSU, ce sont également des mutations et des mises à la retraite qui sont de rigueur aux plus hauts échelons.

Institution encore récente, le personnel de l’ICAC en a aussi fait les frais dans le passé. Quant aux ambassades et les divers « Advisors » à la cellule du PMO ou affecté aux divers ministères, on s’attend également à ce qu’ils rendent leur tablier.

Ensuite viennent les « Chairmen » des corps constitués, qui sont, par essence, le relais entre le monde politique, le ministère, le ministre lui-même, le Board et l’administration du corps en question. Ce sont à la fois les rouages et l’articulation clef des politiques énoncées par un nouveau régime et sa traduction dans la réalité. Certains sont des postes de prestige, avec souvent des avantages et rémunérations non-négligeables, notamment à Air Mauritius, à Airports of Mauritius, au Mauritius Duty-Free Paradise, à Mauritius Telecom, à la SICOM ou encore au State Property Development et dans le secteur financier. Ils sont naturellement appelés à partir avec le changement.

Mais on ne devrait pas oublier que de nombreux postes de dizaines de corps para-étatiques relèvent plutôt du mécénat, car trouver des Chairmen compétents qui veulent bien consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à la chose publique dans des conditions souvent harassantes, n’est pas toujours facile. Et c’est un procès malvenu que de les traiter de « roder-bouttes ».

Reste ensuite la catégorie des DGs dont le mode de recrutement ou de nomination reste variable, certains recrutés par leur Conseil d’administration, d’autres par voie de sélection ouverte à l’international, et certains nommés directement par le ministre ou le PM en personne. Si le recrutement, par voie locale ou internationale, nécessite l’aval d’une signature ministérielle par la législation, le nouveau régime, comme c’est le cas actuellement, peut la qualifier comme une nomination politique et la traiter comme telle, quelles que soient les compétences de la personne. C’est la porte ouverte au sentiment d’une « chasse aux sorcières », comme le souligne justement KC Ranzé dans le dernier numéro de l’Express-Dimanche.

La République peut-elle continuer à chaque valse politique, à traiter par l’opprobre ceux qui ont servi au mieux de leurs capacités, le pays et ses institutions ? Les candidats du renouveau, les nominés aujourd’hui en quête d’une affectation, doivent-ils accepter le risque toujours réel d’être traités dans cinq ans de malotrus qui doivent déguerpir sans autre forme de procès ? Les contrats qui gouvernent leur affectation ou leur désignation ne devraient-il pas comporter une clause standard de départ qui éviterait que le cadre démissionné ne doive s’en référer à une longue démarche judiciaire pour obtenir réparation comme cela avait été le cas pour Jyoti Jeetun?

La démarche du DG de la MBC, en 1986 sous SAJ et en 2014 sous Navin Ramgoolam, n’en est que plus salutaire comme l’a souligné avec justesse Gilbert Ahnee (l’Express-Dimanche), même dans la presse privée pour des rédacteurs en chef soumis à de nouveaux employeurs ou à une nouvelle ligne imposée ou encore à ceux négociant un « golden handshake » de départ. C’est un contrat visé par le State Law Office entre un employeur puissant, l’Etat et un employé à un poste particulièrement exposé et éjectable, qui garantit à ce dernier une autonomie fonctionnelle et un départ dans des conditions pré-définies s’il le souhaite.

Nous avons besoin collectivement d’une République plus apaisée, capable de réfléchir aux enjeux du pays et moins sujette aux écartèlements issus de la politique et des campagnes électorales souvent dures, avec quelquefois des écarts de conduite inacceptables, comme « l’affaire du micro caché ».

Pourtant, tout n’est pas à jeter avec l’eau du bain dans les réalisations du PTr et ses divers alliés, y compris le PMSD et le MSM, depuis 2005. Et nous savons bien que la politique étant l’art du compromis réalisable, tout ne sera pas parfait demain.

Mais la République sera redevable envers ceux qui nous appelleront à regarder la forêt plutôt que de nous obnubiler sur les arbres, à nous élever plutôt que nous rabaisser vers l’insalubre et l’indignité.

Souhaitons que 2015 porte l’espoir d’un temps nouveau, d’un vent plus serein pour qu’on s’occupe des vrais problèmes de société et de développement qui méritent toute l’attention des gouvernants. Bonne et heureuse année 2015 aux amis de MT et à tous ses lecteurs!

 

* Published in print edition on 30 December 2014

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