L’Etat, sage-femme du capitalisme

By Sydney Selvon

L’Etat mauricien disparaîtra un jour, c’est sûr, compte tenu de l’évolution de l’histoire humaine en termes de siècles et de millénaires, à la lumière des recherches universitaires à travers le monde sur l’évolution de la globalisation. L’indépendance acquise en 1968 n’aura, alors, plus le sens qu’elle a eu depuis le 12 mars de cette année-là.

Les gouvernements du monde entier, incluant Maurice, sont devenus les « sages-femmes » du capitalisme national et international, la recherche académique donnant en fait à leur rôle réel, plusieurs noms du genre « custodian, demiurge, midwifery and husbandry », comme le rappelle le chercheur Nurullah Ardic dans le ‘Journal of Economic and Social Research’ (2009, 17-42, Friend or Foe? Globalization and Turkey at the Turn of the 21st Century ).

Cependant, il est encore trop tôt d’annoncer le trépas de l’Etat-nation. Il disparaîtra sans doute de lui-même après avoir été déjà réduit à l’état de sage-femme du capitalisme, le seul modèle socio-économique encore viable et auquel aucun Etat ne peut plus échapper. Depuis l’indépendance, les grands mots des gouvernants mauriciens contre le capitalisme ont, en fait, uniquement tourné en ridicule les tenants de la notion de démocratisation de l’économie, car, probablement, celle-ci n’aura lieu que si elle est promue par les capitalistes eux-mêmes.

C’est ce que font d’ailleurs certains gros groupes depuis assez longtemps en sous-contractant certains services, le franchising, voire en aidant directement les petits et moyens entrepreneurs comme le font des groupes tels que Food and Allied de Michel de Spéville, ou la BAI de Dawood Rawat. Même l’Etat mauricien est promoteur de petites et moyennes entreprises par le biais de plusieurs institutions comme la Banque de Développement – en bonne sage-femme…

Depuis l’indépendance, le secteur privé a contribué, beaucoup plus que le gouvernement ou l’investisseur étranger, à l’investissement qui a produit le miracle économique. Dans le livre que je publie ces jours-ci, je souligne cela et je cite également la recherche universitaire, notamment Blin, une universitaire mauricienne :

“Some Mauritian specialists suggest that the large proportion of private domestic investments in the leading economic sectors (…) also contributed in the economic success of the island (Hein, 1989; Assidon, 1990; Dommen and Dommen, 1999; Blin, 2004). Indeed, the large proportion of private domestic investment is thought to have prevented large dependency on foreign capital (Hein, 1989) and to have facilitated joint ventures and therefore technological spillovers (…)

“The Mauritian government has generally been conductive in promoting private domestic investment seeing itself as complementing rather than replacing the private sector (Blin, 2004).”

Effectivement, le gouvernement a été une sage-femme du capitalisme tant local qu’étranger, mais surtout local, quoiqu’en disent certains conférenciers politiques du samedi. On braillera tant qu’on voudra, mais l’Etat est l’allié naturel du capitalisme – et je crois que c’est positif au stade historique où nous sommes dans l’évolution sur les siècles et même le millénaire actuel, comte tenu de l’histoire de l’humanité.

C’est une étape historique que d’avoir l’Etat-nation « sage-femme » et cela dure depuis l’indépendance, les petites rebellions anti-secteur privé de Navin Ramgoolam n’ayant pu affecter, en fin de compte, l’alliance conclue carrément avec le secteur privé par son père, Sir Seewoosagur Ramgoolam, avant même l’indépendance « dans l’intérêt du pays », comme ce dernier le disait si bien.

Les gouvernements sages-femmes sont, en quelque sorte, le résultat de la globalisation économique, mais il y a aussi la globalisation culturelle et la globalisation sociale, et la globalisation à plusieurs autres niveaux. Nous n’avons qu’à voir nos enfants. Ils nous apparaissent souvent trop rebelles, voire « méchants », nous confient souvent des parents de toutes les communautés, y compris à la campagne où la musique pop style américain fait des ravages, souvent dans les langues indiennes.

Ces jeunes ne lisent plus les journaux, pour la plupart, ils ont des goûts culturels que n’aiment pas les extrémistes , y compris les extrémistes et autres communalistes locaux, lesquels mènent un combat d’arrière-garde qui disparaîtra lorsqu’ils auront quitté ce monde.

Dans un sens, ces derniers pratiquent une escroquerie intellectuelle qui vise à mettre la nation à feu et à sang, mais ils sont des microbes eu égard au phénomène historique de la globalisation. Et même leurs enfants, la plupart du temps, ne croient pas en leurs balivernes. Ils savent que ces gens-là sont, en fait, des opposants au progrès du pays, tant que celui-ci restera un Etat-nation.

Il s’avère que la post-modernité est déjà là, et annonce une floraison encore plus grande des unions mixtes – et pourquoi croyez-vous que les dirigeants politiques sont contre un recensement sur la base des communautés, est-ce pour des cerises ou pour assurer la continuation de l’ethnic politics ? De toute manière, ils seront condamnés par l’Histoire, même après la disparition de l’Etat-nation d’ici, peut-être, la fin du siècle présent, ce qui n’est pas si loin, dans la perspective historique.

Pour l’instant, il y a deux phénomènes concurrents, ce qui justifie encore l’Etat-nation : l’homogénéisation et l’hétérogénéisation des sociétés. C’est un peu une lutte entre le passé et l’avenir. L’avenir triomphe toujours. Le chercheur turc Ardic, tout en reconnaissant la survie actuelle de l’Etat-nation, n’en écrit pas moins que : « … the nation-state is an unusual, and perhaps an ephemeral, form of political organization in terms of the long history of mankind (the dominant form of state before the 19th century had mostly been empire) ».

En attendant, vive l’Indépendance nationale!


* Published in print edition on 8 March 2013

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