La mauricienne: peut-elle être porte-voix ?

Former des femmes porte-voix : n’est-ce pas une priorité dans un contexte où le silence, le manque d’esprit critique et l’autocensure sont prédominants ?

La Journée internationale de la femme marque partout dans le monde la présence de la femme. Pour l’heure, le constat est que la femme a acquis sa place au nom du progrès. La génération actuelle du moins a droit à la propriété, au choix de son partenaire, à sa vie dans les coulisses ou à une projection au premier plan. Les discriminations contre la femme en matière de santé, d’éducation et d’accès aux marchés de l’emploi ont considérablement reculé. Mais, il y en a toujours – les bastions comme la finance et la politique sont avant tout « mâles ». On rend responsable l’ajustement structurel sans mettre en cause la nature masculine.

C’est dans cette optique qu’il faut plutôt lancer les débats. Pourquoi les opportunités politiques et économiques sont plus que jamais la chasse gardée des hommes ? Manque de confiance dans le potentiel féminin ? Peur de se sentir disqualifié ? Ou pour être plus honnête, manque d’audace de la part des femmes qui sont incapables d’être un porte-voix valablement autorisé ?

Constat dans le contexte mauricien : virage à 100 pour cent difficile. En dépit des efforts continus de la part des ministres de la Femme qui se sont succédé pour promouvoir the « gender action » en accord avec les rapports de la Banque mondiale et protéger la femme contre toute forme de violence, les inégalités n’ont pas été éradiquées. Ce ne sont pas les seuls discours, les théories, les législations et tout le bataclan qui feront pression sur les secteurs où les mentalités sont telles que la femme voit encore sa route barrée.

Des noms ne seront pas cités. Mais certaines femmes se reconnaîtront dans ces situations de discrimination. Qui servira de porte-voix ? Dans certains départements du secteur privé ou public ? Sûrement pas un homme ! Il va jouer sa propre carte à fond pour être « in the limelight » et écarter la femme qui a les compétences voulues, qui respecte ses engagements et qui est capable de faire ses preuves. C’est ancré dans les mentalités. De la théorie à la pratique, il y a donc un pont à franchir pour la Mauricienne.

La représentativité politique dans notre pays est souvent rappelée pour montrer que des progrès ont été accomplis. Au Parlement et dans les mairies, des femmes sont présentes. Mais pour jouer quel rôle ? Contrairement à leurs consœurs d’Afrique et d’Asie, et ne parlons pas d’Amérique, la femme en politique n’a pas jusqu’ici adopté un langage d’opposante aux abus et crimes des hommes. Défendre avec acharnement le droit à la vie, au respect ou empêcher l’exploitation de la femme immigrée, ouvrière ou autre, cela est pratiquement absent dans notre contexte.

Le crime de Camp de Masque n’est qu’un parmi tant d’autres dont les procès traînent jusqu’à faire révolter la population. Ces crimes contre les filles et les femmes dans un si petit pays donnent le frisson aux partisans les plus chauds du droit à la vie. La presse remplit ses pages, frisant le sensationnalisme.

Mais parle-t-on des Mauriciennes qui se mobilisent pour une bonne cause ? On se le demande. Rappelons ici Sampat Pal Devi en Inde et son gang de saris roses armées de bâtons de berger, militant sans peur pour plus de justice en raison des viols répétés et des violences domestiques, les ‘black widows’ de Chechnya qui ont pris les armes après la mort de leur mari et fils dans la guerre, et des cas isolés où les femmes refusent d’encaisser sans broncher et se retrouvent aux Assises après s’être débarrassées de leur bourreau.

Suffit-il de promesses – souvent des leurres – aux femmes qui n’ont pas leur dû, qui sont des femmes battues ou qui pensent bêtement que leur destin est ainsi et que la société ne peut pas changer cela !

Nouveau constat : la Mauricienne, qu’elle soit élue par plus de femmes que d’hommes, qu’elle soit une nominée politique, qu’elle soit censée avoir une position pour devenir porte-voix, cela scelle malheureusement un pacte avec les hommes qui l’épaulent. Son rôle devient mineur. Rôle dicté par le code de la décence, de l’éthique. C’est un scénario qui existe depuis longtemps. Semblant de liberté d’esprit et d’expression ! Difficile pour ne pas dire impossible de s’impliquer corps et âme dans une véritable bataille de revendication des droits de la femme pour mettre fin à des cauchemars des femmes et des jeunes filles de plus en plus soumises à des harcèlements, des violences et d’autres sévices.

Et s’il s’agit de se battre pour occuper un poste identifié, ce sera encore une histoire sans fin. Les ambitions de la femme vont irriter l’épiderme d’un homme qui ne se gênera pas pour faire son propre lobbying et qui partira en croisade contre une femme même bardée de diplômes et affichant son dynamisme.

On imagine aisément la réponse de celles qui devraient être notre porte-voix. Former des femmes porte-voix : n’est-ce pas une priorité dans un contexte où le silence, le manque d’esprit critique et l’autocensure sont prédominants ?

* Published in print edition on 4 March 2015

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