Seul, le MSM ne peut espérer gagner

Législatives 2019-20

Seul, le MMM peut espérer gagner. Seul, le PTr peut également prétendre à la victoire

By Shiva Patten


Pour la première fois depuis 1976 se dessine un scénario d’une triangulaire impliquant trois formations, auxquelles vont se greffer d’autres partis moins influents dans une sorte de rassemblement plutôt que dans une alliance proprement dite. De ces trois grands partis, les deux plus anciens ayant un « hard core » numériquement plus important me semblent être les mieux placés pour remporter les prochaines législatives.


Seul, le MSM ne peut gagner

Des analyses post-législatives de décembre 2014, celle effectuée parle cercle d’étude sur le comportement et les stratégies électoraux, O.R.A.C. (Opinion Research Analysis Consult), me semble être la plus pertinente et cohérente (Lire : ‘Quasi-certitudes et certitudes’, Mauritius Times 1er juin 2018). Selon ses chiffres qui me semblent fiables et que j’arrondis, sur l’ensemble des électeurs inscrits en 2014, le MSM représentait une force de 25% dont 20% sont des électeurs traditionnellement travaillistes ayant « viré » pour des raisons que l’on sait, notamment à cause des promesses de « miracle économique » — entendez plus concrètement un taux de croissance d’au moins 7% — et de fin de corruption-népotisme, etc. Ces engagements n’ont manifestement pas été respectés. De surcroît, les dérapages un tant soit peu sectaires et les bêtises des uns et des autres de la majorité gouvernementale constituent un bien sérieux handicap.

Or, pour espérer jouer le premier rôle lors des prochaines législatives sans « grand » partenaire, le MSM doit, d’une part, retenir les « viré mam » de 2014 – ce qui est loin d’être acquis malgré le festival de cadeaux qui a démarré -, et d’autre part, mordre dans le seul réservoir qui lui est disponible à savoir le « hardcore » travailliste. Mais ce noyau – 15% de l’électorat selon ORAC – qu’on peut qualifier de très dur puisqu’il a résisté au tsunami exceptionnel de 2014, ne bougera pas. Donc, le MSM et son partenaire, le Mouvement Libérater, en net recul, ne peuvent espérer conserver le pouvoir sans alliance avec un « grand parti ».

Ce « grand parti » ne peut être que le MMM, malgré ses 15% de 2014 selon ORAC d’où les génuflexions à peine voilées dans un interminable « koz-kozé » avec un MMM résolument intransigeant et dont la base électorale est foncièrement hostile à toute alliance pré-électorale. Deux des conditions de Bérenger ne me semblent pas poser problème :

1) le partage 50-50 des tickets, et

2) sa liste noire d’indésirables. Il y en a bien une trâlée – de Soodhun à la bande à Collendavelloo en passant par les transfuges.

La troisième condition, c’est bien entendu la réforme électorale que le MSM a finalement voulu offrir en guise de « dowry » au MMM. Toutefois, Bérenger l’a snobée. Pour l’instant…

En attendant l’acceptation d’une quatrième condition que je considère comme déterminante : le partage du prime ministership et ses modalités. Donc les « koz-kozé » vont probablement reprendre mais sur la base des conditions de Bérenger.

Il faut dire que l’hostilité de la base électorale MMM est telle que pour vendre une alliance avec le MSM, Bérenger n’a d’autre choix que de se montrer particulièrement exigeant. Il veut, par exemple, que la réforme électorale soit perçue comme celle du MMM, même si, dans les faits, il y aurait des détails à revoir. Cette question est bien évidemment liée à celle des modalités du partage premier-ministériel. S’il n’y a pas d’accord sur le prime ministership, la réforme remaniée pour plaire au MMM sera rejetée.

Quant au ruling du Privy council dans l’affaire Medpoint, je ne suis pas certain que cela modifiera la position inflexible de Bérenger. Considérons ce qui suit :

  • Le ruling est favorable à Pravind Jugnauth. Pour autant, cela ne changera pas l’arithmétique électorale de manière significative. Il aura toujours besoin du MMM pour espérer gagner. Certes, sur le plan éthique, Bérenger se sentira mieux à l’aise dans les négociations d’alliance, cependant ce « blanchissement » définitif de Jugnauth ne le fera pas céder sur ses conditions.
  • Le ruling est défavorable à Pravind Jugnauth. Il y aurait alors deux possibilités :
  • Pravind Jugnauth ne lâche pas le fauteuil premier ministériel. L’alliance sera alors définitivement enterrée.
  • Pravind Jugnauth « steps aside». Les négociations reprendront avec celui qui le remplacera à la tête du pays avec une bonne chance de succès si c’est Nando Bodha qui est désigné. C’est d’ailleurs le seul scénario qui rend possible une alliance MMM-MSM.

Seul, le MMM peut espérer gagner

Comme je l’avais déjà souligné, l’échiquier politico-électoral dans l’état actuel des choses est favorable à ce que le MMM puisse envisager de remporter seul les prochaines législatives dans le cadre d’une lutte à trois. La division du réservoir électoral commun du PTr et du MSM est à un niveau intéressant pour le troisième larron mauve à condition que le MMM retrouve une bonne partie de son électorat traditionnel ayant choisi le PMSD, le ML et l’abstention en 2014. La moitié de son électorat (33% des inscrits) de 2010 l’avait abandonné en 2014. C’est une tâche certes difficile, mais pas impossible.

Le PMSD n’a pas réussi à fidéliser les déçus du MMM de 2014 alors que le ML est en chute libre. D’autre part, l’alliance avec le PTr ayant été une des causes principales de cette défection, un MMM – se présentant seul – peut espérer remotiver une bonne partie de son électorat traditionnel siphonnée par le PMSD et le ML. Quant aux dissidences MMM, et les dissidences de ces dissidences, elles n’ont pas véritablement décollé. Les rumeurs d’alliance « pour faire partie du prochain gouvernement » certainement les desservent au regard de leur objectif d’attirer les électeurs indécis mauves. D’autres mouvements embryonnaires de renouveau – genre « en marche macronienne » –– ne sont pas une menace sérieuse dans un système électoral ‘First Past The Post’. La réelle menace se trouve, à mon avis, dans la tendance abstentionniste de l’électorat MMM.

Seul, le PTr peut également prétendre à la victoire

A l’instar du MMM, en 2014, le PTr avait été dépouillé par le MSM de la moitié de son électorat de 2010. Pour gagner dans une lutte à trois, le PTr doit absolument récupérer la majeure partie de ces « viré mam ». Il ne pourra pas compter sur les déçus du MMM pour une raison bien simple : leur déception résultait essentiellement de leur hostilité à l’alliance avec le PTr. Quant aux dissidents MMM susceptibles de se présenter sous le drapeau rouge, rien ne montre qu’ils ont une quelconque assise – à part Alan Ganoo au No. 14. D’ailleurs on voit mal comment ces dissidents pourront faire accepter, auprès des désabusés mauves, une alliance avec le PTr. On peut même se demander si, au fond, en se présentant en indépendants, ils ne seront pas plus « nuisibles » au MMM et donc plus « rentables » au PTr.

C’est donc quasi-exclusivement sur les « viré mam » de 2014 que le PTr doit pouvoir compter. Dans un premier temps, il s’agit d’une sorte de premier tour électoral entre le PTr et le MSM. Certes, cela ne se présente pas comme une promenade de santé. Le MSM qui joue sa survie a déjà commencé à sortir l’artillerie lourde :

1) le mud-slinging – de préférence sous la ceinture — comme en 2014 qui sera mené très probablement par Sir Anerood Jugnauth en personne,

2) le money-politics, et

3) les cadeaux électoraux quitte à défoncer la caisse du pays.

Défi difficile certes pour le PTr en vue de récupérer les « viré mam » de 2014, mais pas impossible non plus. D’abord, l’histoire électorale montre que le PTr a toujours récupéré son électorat parti au MSM. Certes, cette fois-ci, ce sera un peu plus compliqué. Ensuite, le facteur anti-incumbency généré par la non-réalisation des promesses de « miracle » économique et surtout de moralisation de la vie politique, profitent directement au PTr au détriment du MSM. Par ailleurs, la gestion désastreuse de l’affaire BAI a fait déplacer un certain nombre d’électeurs vers le camp des rouges.

Donc la possibilité d’un retour à « la caze mama » des électeurs travaillistes est bien réelle. Reste que ce retour doit être assez important quantitativement pour éliminer dans une lutte à trois le « nuisance value » du MSM. A cette fin, il leur faudra songer sérieusement à mieux cerner la problématique. Quelques pistes :

1) Une appréciation méthodique et réaliste du rapport des forces et du comportement électoral, afin de définir une stratégie efficace ;

2) Une utilisation optimale et visible des ressources humaines – atout du PTr — surtout au niveau « grassroots » ;

3) Des propositions « bread and butter » simples et claires touchant la vie quotidienne de la majorité.

En définitive, le MMM et le PTr semblent les mieux placés pour remporter les prochaines législatives dans un « multi-cornered fight ». Pour autant, cela ne signifie pas que l’éventuel vainqueur gouvernera. En 1976, le MMM, pourtant le « largest single party », n’avait pu former le gouvernement, le PMSD ayant préféré soutenir le PTr de SSR. On peut donc s’attendre à un tel scénario à l’issue des prochaines législatives. Si le vainqueur n’a pas de majorité parlementaire à lui tout seul, et est talonné par le deuxième, ce dernier pourrait former le gouvernement avec le troisième, ce qui fera de ce dernier le « kingmaker ». On peut donc s’attendre à une intense bataille électorale, limite « dirty »


* Published in print edition on 11 January 2019

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