« Ramgoolam s’est aSAJi”

Interview: Rabin Bhujun, Journaliste

‘Le rapprochement PTr/MMM/PMSD est possible avec Ramgoolam transformé en PM de transition puis Mentor’

* ‘Nous sommes à trois ans des prochaines législatives. Tant de choses peuvent arriver d’ici là…’

* ‘Aucun gouvernement ne sort indemne d’une confrontation directe et prolongée avec les médias’


Autrefois considérée comme une des plus grandes démocraties de l’Afrique, la République de Maurice peine à conserver ce statut aujourd’hui. Reporters sans Frontières, par exemple, dresse un portrait peu reluisant de ce qui se passe dans le paysage médiatique mauricien. Cet organisme évoque une dichotomie avec l’existence de deux catégories de reporters mauriciens : ceux qui font de la propagande en faveur du gouvernement en place et ceux qui sont mis à l’écart, boycottés, donc réduits au silence par le pouvoir. Étant donné la dégradation constante perçue et décriée dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux, l’organe de régulation en prend un coup. Dans ce contexte, Rabin Bhujun nous explique les raisons pour lesquelles la sérénité doit revenir afin que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 soit totalement respectée. Mais il pose aussi la question importante de la déontologie qui marquerait les limites nécessaires à l’intérieur de toute démocratie tout en assurant le fonctionnement efficace des médias.


Mauritius Times : On avait l’impression, il n’y a pas si longtemps, que le rapport de forces était en faveur de l’alliance gouvernementale, malgré d’incessants scandales de corruption alléguée depuis le début de son mandat, et on se disait que Pravind Jugnauth aurait toutes les cartes en main pour un renouvellement de son mandat, vu l’incapacité de l’opposition à se présenter comme une alternative crédible et forte face au gouvernement. Selon des échos provenant de la base depuis un certain temps, il semble que le vent serait en train de tourner. Est-ce conjoncturel, à votre avis?

Rabin Bhujun : En 2011, quand le MSM a quitté le gouvernement, qui pensait que Navin Ramgoolam allait mordre la poussière en décembre 2014 ? Qui croyait, alors, que le MSM allait connaître une victoire éclatante trois ans plus tard ?

Le rappel n’est pas inutile : nous sommes à trois ans des prochaines législatives. Tant de choses peuvent arriver d’ici là. Toute analyse sur les chances de victoire ou de défaite des uns et des autres est donc forcément conjoncturelle, à ce stade.

Toutefois, il faut reconnaître que le pouvoir est pris dans des vents de travers et est aussi malmené dans l’opinion publique. Entre le nombre alarmant de décès liés à la Covid-19, l’inflation des cas d’infection, le carton “rouge écarlate” puis “rouge” administré par la France à notre secteur du tourisme, et enfin l’amendement de l’Independent Broadcasting Authority Act, le gouvernement ne fait rien pour notre indulgence. C’est à croire qu’il n’y a plus que les diehards du MSM qui soutiennent l’action récente du gouvernement. Je dis bien diehards, parce que même des membres du gouvernement sont mal à l’aise avec la performance actuelle de Pravind Jugnauth et de son équipe.

* En effet, peu de Mauriciens seraient d’avis que le gouvernement est en train de bien gérer la recrudescence de la Covid-19. L’affaire de l’étiquette «rouge écarlate», heureusement passée au «rouge» ce mardi, corse les choses. Quelle lecture faites-vous de tout cela?

Remettons les choses dans leur contexte. Durant trois semaines, la situation sur le front de la Covid-19 est apparue chaotique aux yeux des Mauriciens et de ceux qui nous regardent de l’étranger.

Les journalistes qui exercent à Maurice ou qui sont correspondants auprès de médias étrangers ne se sont pas livrés au jeu de la divination. Ils ont rapporté des statistiques, des faits alarmants et des drames humains au moment même où l’Etat demandait de l’aide à nos voisins réunionnais.

Puis est arrivé le variant Omicron qui a déclenché une panique – qui semble aujourd’hui injustifiée – dans de nombreux pays, y compris en France. Dans ces circonstances, quand un passager ayant transité par Maurice est testé positif à ce variant à la Réunion, les autorités mauriciennes ont un devoir d’information et de collaboration.

Or, la stratégie d’en dire le moins, comme on la pratique ici, peut provoquer des retours de manivelle. Ainsi, de ce que j’ai compris, c’est d’abord à cause d’un déficit de collaboration et d’échange d’information de Maurice, en temps et en heure, que la France a pris cette décision.

Heureusement que le tir a été rectifié relativement vite. Néanmoins, cet épisode démontre, une énième fois, à quel point certaines administrations sont gérées avec une imprévision et un amateurisme déconcertant.

* L’affaire de l’étiquette « rouge écarlate » nous rappelle la dépendance de notre industrie touristique sur le marché touristique européen, mais aussi la vulnérabilité de notre économie aux mesures de rétorsion des grands pays…

Je pense que vous allez vite en besogne et confondez l’attitude de la France, qui reste un pays ami, et celle du Royaume Uni, beaucoup plus perfide.

Lors du vote sur les Chagos aux Nations Unies, le 22 mai 2019, la France a eu l’élégance de s’abstenir de voter contre Maurice, alors que l’Australie ou nos voisins des Maldives ne se sont pas retenus de voler au secours du duo Etats-Unis et Grande Bretagne.

J’ai vu passer une analyse sommaire à l’effet que c’est la référence de Pravind Jugnauth sur la souveraineté de Maurice sur Tromelin au Parlement, la semaine dernière, qui a déclenché ce tir de semonce.

C’est une vision étriquée de la géopolitique par des esprits encore colonisés, car la France a certainement d’autres moyens de faire pression sur Maurice.

D’ailleurs, ce serait une manière étrange de faire pression que de placer notre pays sur la liste «rouge écarlate» et de le déclasser deux jours plus tard!

Je penche plutôt en faveur de l’explication suivante : c’est une mauvaise communication des autorités mauriciennes et leur manque de prévoyance qui nous ont valu ce carton rouge.

Sous d’autres cieux, quelqu’un en assumerait les conséquences. Ici, on nous répondra « kot mo finn fote? »

* Beaucoup pourront se demander pourquoi le gouvernement est en train de se tirer une balle dans le pied avec toute une série d’initiatives – Press Council, l’Offshore Petroleum Bill, et la dernière, ce sont les amendements votés à l’Independent Broadcasting Authority Act. Qu’en pensez-vous?

J’enlèverai l’Offshore Petroleum Bill de ce lot. Il faut éviter de faire le jeu des politiciens qui mélangent des problématiques distinctes avec des raccourcis faciles afin de s’opposer au gouvernement et tenter de rallier le soutien populaire à travers la couverture que leur donnent les médias.

Le fait est que l’Offshore Petroleum Bill est en préparation depuis début 2020. Son vote a été retardé à cause de l’enchaînement des évènements liés à la Covid-19 depuis l’an dernier. Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’à l’étape de la prospection, ce qui nécessite l’élaboration d’un cadre juridique permettant de définir comment celle-ci se déroulera.

Les opposants sont hypocrites, car s’ils avaient été au gouvernement, ils n’auraient jamais craché sur la gigantesque manne financière que représente un éventuel gisement rentable d’hydrocarbures ou de gaz dans nos eaux territoriales. Cette nouvelle ressource permettrait au pays et à ses citoyens d’accéder à un nouveau palier de développement très rapidement.

Certes, il y a des questions à se poser sur la gouvernance, l’attribution d’un éventuel contrat d’exploitation, la sauvegarde de l’environnement marin, etc… si jamais on trouve des gisements exploitables. Mais on n’en est pas encore là.

A écouter certains opposants, on a toutefois l’impression que les multinationales du pétrole sont dans les starting blocks pour se faire des milliards de dollars dès l’année prochaine sur le dos du citoyen mauricien, tout en décimant nos fonds marins.

* Et les critiques sur l’amendement à l’IBA Act et la mise sur pied d’un Press Council ?

A ce sujet, je suis comme vous et de nombreux autres Mauriciens : je peine à comprendre pourquoi il fallait amender l’IBA Act de toute urgence et sans aucun dialogue préalable. Je ne comprends pas non plus la raison pour laquelle le gouvernement se borne à consolider son image de fossoyeur de la liberté d’expression en encourageant la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) à initier un débat sur la question d’un Press Council.

J’ai participé à ce débat à la MBC, il y a deux semaines. J’étais le seul à défendre un dialogue avec les médias et l’élaboration d’un Code national de Déontologie et d’un éventuel Complaints Commission à la condition expresse de trouver un consensus avec les professionnels de l’information sur ce que j’appelle un new deal de l’espace médiatique mauricien.

Cette réforme d’envergure comprendrait

  • l’élaboration d’un Code national de Déontologie pour les journalistes,
  • la mise sur pied d’une institution indépendante pour en assurer le respect,
  • une loi de type Freedom of Information Act (une loi sur la liberté de l’information),
  • une réforme du mandat actuel du Media Trust,
  • le toilettage de la MBC Act,
  • ainsi qu’une forme juridique nouvelle afin que des entreprises de presse à but non lucratif puissent se financer à travers des dons déductibles des impôts d’individus et d’entreprises.

L’humeur, à entendre les voix au gouvernement et la soupe propagandiste anti-journaliste que sert quotidiennement la MBC, est à la mise au pas des médias qui n’encensent pas le pouvoir.

Rien dans les discours récents des hauts responsables du gouvernement ne permet de déceler une quelconque volonté d’apaisement ou de dialogue. C’est une pente dangereuse sur laquelle s’engage le gouvernement : celle de l’autoritarisme.

* S’il y a, à la base, une stratégie de diversion de certaines initiatives, par contre neutraliser la force de frappe des radios privées, cela en vaut probablement la chandelle pour l’Alliance gouvernementale, paraît-il?

Ironiquement, ce mercredi, l’IBA a fait exactement ce qu’on s’attendait d’elle: elle a renouvelé le permis d’opération de la radio dont on disait qu’elle était la victime expiatoire désignée de l’IBA Act amendée.

Je vois déjà les affidés du pouvoir défiler pour affirmer que ce renouvellement démontre que cette radio n’était pas visée et qu’on a injustement intenté un procès d’intention au gouvernement.

C’est un peu court comme argument car ni cette radio, ni les autres – non sponsorisées indirectement par le système MSM – ne sont hors de danger tant que l’Independent Review Panel de l’IBA disposera de son nouvel arsenal répressif, et ce, sans avoir l’obligation de suspendre l’application d’une sanction en cas de contestation devant la justice.

Permettez-moi de faire une parenthèse sur la question des sources. Je pense que vu l’affirmation du Premier ministre à ce sujet, notre Cour suprême tranchera en faveur des journalistes si jamais l’IBA leur demande de divulguer leurs sources.

Après les déclarations solennelles de Jugnauth et de ses ministres, l’intention du législateur de sauvegarder le principe de la confidentialité des sources a été clairement énoncée. A l’avenir, si la Cour suprême doit rechercher l’intention du législateur afin d’interpréter cette disposition de la loi, celle-ci sera claire.

A mon sens, toutefois, par pudeur ou par gêne, les médias ont oublié d’évoquer un autre amendement qui pourrait être utilisé contre certaines radios.

* A quoi faites-vous allusion ?

A l’article 29A, qui prévoit qu’une « administrative penalty» ou une sanction administrative maximale de Rs 500,000 peut être infligée au détenteur d’une licence, notamment si celui-ci est suspecté d’avoir commis un délit financier.

A première vue, pourquoi inclure des délits financiers dans une loi gouvernant le fonctionnement des radios ? Le ministre Bobby Hurreeram a été le seul membre du gouvernement à évoquer ouvertement le raisonnement derrière cette disposition.

Lors de son intervention sur le projet de loi à l’Assemblée nationale, il s’est demandé comment font certaines radios pour rester à flot, sans soutien bancaire, tout en continuant à encourir leurs frais de fonctionnement alors qu’ils accumulent des pertes grandissantes. Ce faisant, il a lancé le pavé du financement dans la marre des radios.

Depuis quelque temps, certains au gouvernement veulent démontrer que des entreprises de presse sont financées de manière occulte par des hommes politiques locaux ou des expatriés officiellement ruinés. D’ordinaire, une entreprise de presse est financée par des emprunts bancaires, des injections de capitaux d’actionnaires ainsi que des revenus publicitaires ou des ventes.

Ne minimisons pas ce qu’un exercice de forensic audit rigoureux pourrait trouver comme financement louches. N’oublions pas les conséquences financières et l’impact sur l’image que ce type de découverte pourrait avoir sur certaines radios.

* Par ailleurs, à la question de savoir si les radios privées peuvent représenter une menace pour les hommes et les femmes politiques, Navin Ramgoolam doit en savoir plus que quiconque, cela suivant son histoire de ‘katori’ racontée en pleine campagne électorale en 2019. Cette histoire avait été reprise et commentée par Somduth Dulthumun le lendemain dans les bulletins d’information de la MBC… avec le résultat qu’on connait. Les hommes au pouvoir en pensent autant probablement, non?

C’est la MBC qui avait monté en épingle l’histoire du «katori» de Ramgoolam, ne l’oublions pas. Pour en revenir à votre question, aucun gouvernement ne sort indemne d’une confrontation directe et prolongée avec les médias. En ce moment, à l’exception de quelques médias intimement liés au pouvoir, l’ensemble de la presse semble opposée à la manière de faire du gouvernement aussi bien par rapport à l’IBA qu’à la proposition, dans ses contours actuels, d’un Press Council.

Malgré toutes leurs dénégations, il est évident que les têtes pensantes au gouvernement cherchent à faire taire les critiques et, plus généralement, ceux qui s’opposent à eux sur les réseaux sociaux, dans les journaux et les radios. Ils pensent ainsi pouvoir gouverner en paix.

Toutefois, l’erreur majeure de diagnostic du gouvernement me sidère. Les ministres, députés et nominés politiques communiquent mal, voire pas du tout, et pratiquent communément de la rétention d’information.

Comment peuvent-ils espérer se faire bien entendre, si déjà, au départ, ils ne se donnent pas les moyens d’être bien entendus ? Ils ne se rendent même pas compte de cette évidence. A chaque fois que je vois Kailesh Jagatpal bafouiller et se perdre, je repense à cela.

* Dans le sillage des relations très tendues avec les médias, l’opposition et les activistes de la société civile, le gouvernement avait grandement besoin d’un « alibi » pour justifier son action par rapport à l’IBA ou au ‘cybercrime’, et il l’a eu avec cette rumeur non-fondée quant à la présence de la fille de Steven Obeegadoo sur le vol en provenance de l’Afrique du sud, laquelle avait échappé à la quarantaine selon les pourvoyeurs de cette rumeur. Même si on n’en parle presque plus sur les réseaux sociaux et dans la presse, cela mérite une réflexion, non?

Cet incident est symptomatique de nouvelles pratiques insidieuses chez les «journalistes». On range au placard les méthodes établies de collecte d’information pour s’appuyer sur ce qui est dit et montré sur les réseaux sociaux afin de traiter un sujet qui fait le buzz. D’abord, le cafouillage lors de l’arrivée de ce vol afait le buzz sur les réseaux sociaux. Puis, un aspect de cette actualité a été monté en chandelle, sans aucune vérification dans des médias mainstream. Ils ont dû rectifier l’information… sans remords ni regrets.

Je ne sais pas si cet incident sera utilisé comme alibi, mais il illustre en tout cas un manque de rigueur et une méconnaissance des principes de base en journalisme. Le problème c’est que cette dérive ne date pas d’aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle le débat à propos de la mise sur pied d’un Code national de Déontologie, et l’ensemble de ce New Deal que j’évoque, doit avoir lieu. Mais, pour cela, il faut un climat apaisé.

Or, que constate-t-on? D’une part, il y a un gouvernement ouvertement hostile et menaçant envers la presse. D’autre part, des responsables de l’opposition se posent en termes de grands défenseurs de la liberté d’expression et de soutiens indéfectibles des journalistes… Toutefois, il n’y a pas si longtemps, ils menaçaient et sévissaient aussi contre les médias quand ils étaient à la place occupée par Pravind Jugnauth aujourd’hui.

L’appel à l’apaisement doit aussi être lancé aux journalistes pour qu’ils ne réagissent pas, non plus, de manière corporatiste et qu’ils évitent de s’acoquiner aux responsables de l’opposition qui ne leur offrent qu’un soutien intéressé et purement conjoncturel.

La question fondamentale ne doit pas être perdue de vue : au nom de quel principe, le journalisme à Maurice serait-il le seul corps de métier majeur n’ayant aucun code de conduite connu de tous et qui lui est opposable ?

A ce sujet, j’ai lu la missive d’un journaliste respecté apostrophant une élue du gouvernement après son discours médiocre sur l’amendement à l’IBA Act. Le journaliste a tancé la députée en lui expliquant que la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, élaborée à Munich par la Fédération européenne des journalistes en 1971, s’applique aussi aux professionnels mauriciens. Il faudrait encore savoir si les journalistes locaux connaissent l’existence de ce code et s’ils adhèrent à ce code !

Prenons une analogie. Même si la Déclaration universelle des droits de l’homme est un traité international qui consacre des droits importants, chaque pays doit transposer ces principes dans son droit national et les faire respecter par des institutions locales. Il en va de même pour la déontologie. Il nous faut donc un code national et une institution respectable et respectée pouvant placer les journalistes devant leurs responsabilités et les rappeler à l’ordre quand cela s’avère nécessaire.

Ce n’est pas un luxe dans un contexte où de nombreux journalistes sont obsédés à l’idée d’engranger des likes, shares, comments et views – devenus des unités de mesure de la valeur de leur travail. Certains feraient passer au second plan le devoir d’éclairer le public en donnant du sens à une information fiable, traitée de manière équilibrée et distanciée.

* Je vous disais au début de cet entretien que le vent serait en train de tourner selon les échos qui nous parviennent. Reste à savoir si l’Opposition va tirer parti de cette nouvelle situation si elle se confirme. Votre opinion?

Paul Bérenger et Xavier Duval, ont, au fil des dernières semaines, clairement indiqué leur volonté de réunifier l’opposition. Si les législatives ne sont pas pour demain, par contre, les municipales pourraient bien se tenir dans les six mois à venir.

Dans ce contexte, les principaux responsables de l’opposition ont tout intérêt à ranger leurs egos respectifs et à se concentrer sur ce qu’ils peuvent accomplir au sein d’une plateforme unie face à Pravind Jugnauth.

Arracher plusieurs villes – voire toutes les villes – à un MSM qui avait tout raflé lors des municipales de 2015 pourrait permettre à l’opposition de bénéficier d’un second souffle salutaire. Ces résultats seraient susceptibles de l’amener à se réorganiser et à engranger le soutien d’électeurs des régions rurales car ces derniers suivraient l’exemple fourni par nos cinq municipalités. Pour en arriver là, la raison doit primer sur les egos. C’est facile à dire, mais très difficile à réaliser en politique.

* Lors d’une de ses conférences de presse hebdomadaires, Paul Bérenger a déclaré une nouvelle fois que si l’Alliance de l’Espoir est en faveur d’une unification, ce ne sera toutefois « pas sous n’importe quelle condition ». Et, récemment, Navin Ramgoolam déclarait à Radio Plus son souhait de se retrouver au PMO «une fois encore». Ce sera difficile de réconcilier ces deux conditions, non?

J’ai observé un certain nombre de changements chez Navin Ramgoolam depuis sa maladie. Se confronter à la possibilité que tout s’arrête mène sans doute un homme à se réévaluer et à revoir ses priorités ainsi que la place qu’il compte occuper quand il ne sera plus là.

J’ai noté que Ramgoolam a perdu de sa véhémence envers Pravind Jugnauth. Il y a quelques semaines, il est allé jusqu’à blâmer l’entourage du Premier ministre pour les mauvaises décisions du gouvernement. S’il s’emportait à l’évocation d’un rapprochement MSM-Parti Travailliste (PTr) après un échange mondain avec Jugnauth il y a quelques mois, le leader des rouges ne s’agace plus quand on le questionne à ce sujet.

Récemment, quand il a critiqué l’action du gouvernement au sujet de l’IBA, il n’a pas rejeté tout le blâme sur le Premier ministre, pourtant ministre de l’Information.

Pour faire un jeu de mots facile, je dirai que Ramgoolam s’est aSAJi. Comme Sir Anerood Jugnauth avant lui, il soupèse peut-être plus prudemment ses options. Le rapprochement PTr/MMM/PMSD est possible avec Ramgoolam transformé en Premier ministre de transition puis Mentor en dehors du gouvernement.

Sur l’autre front, ne nous en étonnons pas si, tout comme SAJ et Ramgoolam avaient enterré la hache de guerre à partir de 2008, le même dégel ne s’engage entre les leaders du PTr et du MSM. Les hommes se parlent, les femmes aussi, depuis quelques temps.

En se rapprochant du MSM, Ramgoolam pourrait préparer plus sereinement l’après dans le confort du pouvoir. Et il pourrait officiellement adouber un poulain ambitieux mais encore trop vert pour lui succéder si jamais le PTr demeure coincé dans l’opposition.

Je suis persuadé que Ramgoolam a désormais deux options politiques. Il choisira celui qui lui convient le mieux au moment venu, sachant que la conjoncture des municipales peut l’amener à une stratégie et celle des législatives, à un autre choix.

* En attendant, ce sont toujours les organisations de la société civile qui prennent les initiatives visant à contrer le gouvernement en place, l’opposition des partis dits traditionnels n’arrivant toujours pas à mobiliser les grosses foules. Ce sont toujours les mêmes qui organisent le rallye contre l’IBA Act ce vendredi. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?

Des restrictions sanitaires sont toujours en vigueur, et les principaux partis de l’opposition sont assez responsables en n’appelant pas leurs partisans à manifester en masse. Reconnaissons-leur la sagesse de ne pas attiser des feux qu’ils auraient du mal à éteindre, vu le contexte sanitaire actuel.

Par ailleurs, les organisations de la société civile que vous évoquez sont nécessaires et occupent un espace politique que les partis traditionnels de l’opposition ont du mal à conquérir, vu la défiance d’une frange de Mauriciens à l’égard des partis politiques installés.

Toutefois, nous avons affaire à un ensemble très hétéroclite, fourre-tout et attrape-tout. On voit mal cet ensemble rester uni et solidaire à l’approche des échéances électorales. D’une part, il y a un nombre limité de tickets disponibles au sein de toute plateforme électorale commune. D’autre part, au-delà des sujets spécifiques sur lesquels ils se mobilisent conjointement, ces mouvements n’ont que peu d’affinités avec les partis politiques installés de l’opposition, dont ils combattent les dérives, par ailleurs. Cela signifie donc que l’entente cordiale d’aujourd’hui n’a pas vocation à durer.


* Published in print edition on 10 December 2021

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