La patrie des droits de l’homme en danger immédiat

La victoire du parti de l’extrême droite, le Front National de Marine Le Pen aux élections régionales du week-end dernier en France, car c’est bien de cela qu’il s’agit même si ce n’est qu’un premier tour, démontre encore une fois la vulnérabilité des systèmes démocratiques formels en ces périodes troubles.

En l’absence d’une réponse claire et cohérente aux grands défis – chômage massif surtout parmi les jeunes, absence de perspective par rapport à l’avenir, menace climatique, perception de corruption d’où l’absence de confiance dans les « classes dirigeantes » du secteur privé comme du secteur public à contribuer à trouver des solutions — c’est un terreau fertile qui prend irrémédiablement place et sert de rampe de lancement à tous les extrémismes — religieux, politiques et sociaux.

Si nous parlons ici de la France (car elle n’est pas le seul pays européen, et loin s’en faut, qui souffre de cette inquiétante montée en puissance de l’extrême droite), c’est uniquement parce qu’elle est aujourd’hui, bien malgré elle, au centre d’une actualité dominée par une synthèse des maux qui attaquent les racines mêmes de la République.

Après les tueries chez Charlie Hebdo et les attaques « jihadistes » du 13 novembre, voici maintenant que ce qui était quasiment impensable il y a à peine dix ans est en train d’émerger comme une réalité incontournable.

Le Front National confirme son ancrage au sein du « mainstream » politique dans ce pays et menace de prendre la présidence de quatre régions sur six en devançant les deux grands partis traditionnels sur l’ensemble du territoire français.

Les Républicains de Nicolas Sarkozy et les Socialistes de François Hollande, décrédibilisés par les affaires et les retournements idéologiques rocambolesques et la langue de bois, se décarcassent pour faire barrage à ce nouveau phénomène. Ce que Jean Marie Le Pen, l’incarnation du Front National, même si contesté pour ses méthodes aujourd’hui mais pas pour le fonds de sa pensée, n’a pas tardé à décrire comme une velléité de s’opposer à la légitimité du verdict des urnes, non sans raison devrait-on admettre, même si c’est à contrecœur.

La France, qu’on le veuille ou non, représente encore dans l’imagination populaire le pays des « droits de l’homme », jouissant de l’aura de la patrie de Voltaire et autres Rabelais, Camus et Romain Rolland, d’un Général De Gaulle qui malgré toutes les critiques que l’on peut adresser au reste de sa politique, avait su s’opposer à la toute-puissance d’une Amérique triomphante à la fin de la deuxième guerre mondiale. Cette nation, dès le dix-huitième siècle, avait su instaurer une séparation entre l’Eglise et l’Etat pour en faire une République où l’école laïque allait constituer le tronc commun de la formation des citoyens.

En fait, la France subit aujourd’hui les contrecoups des contradictions qu’elle nourrit sans doute depuis trop longtemps en son sein. La première incombe, sans nul doute, à ses dirigeants politiques incapables de formuler une vision politique et économique cohérente pour prendre le relais du modèle vieillissant qui avait caractérisé les trente glorieuses (les trente ans suivant la deuxième guerre mondiale marqués par une croissance économique soutenue et une amélioration importante du niveau de vie des pays occidentaux).

Or, la République française est toujours armée de cette emblématique héritage de la Révolution de 1789, que constitue l’appel à la « liberté, l’égalité et la fraternité » au sein du peuple et entre les peuples. La réponse qu’elle apporterait à toute la problématique actuelle pourrait définir l’orientation des solutions à venir et qui garantirait la survie même des principes fondamentaux d’une République fondée sur le droit et la raison.

La mondialisation tous azimuts qui a caractérisé l’effondrement du régime qui s’était mis en place depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, sous le parapluie de la guerre froide, fait qu’aucun pays ne peut prétendre apporter de solution à un problème d’une telle envergure sans une action concertée avec d’autres partenaires qui possèdent les ressources et les moyens de faire échec à ce genre d’événements tragiques – la multiplication des attentats meurtriers liés au fondamentalisme religieux et son corollaire dans les pays avancés, la montée des mouvements de droite populistes et réactionnaires.

Les déclarations démagogiques et totalement irresponsables de Donald Trump, candidat probable des Républicains à la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis, viennent en effet donner la preuve, s’il en fallait encore, de la perversité et du danger que représente le raisonnement simpliste et dénué de principe qui sous-tend les solutions proposées par ces mouvements et individus qui n’ont, de cesse, d’exploiter les pulsions primaires des populations.

En effet, suite aux récentes tueries perpétrées par un couple dans ce pays, ce monsieur a proclamé haut et fort qu’il faudrait bannir l’entrée aux Etats-Unis de toute personne d’une certaine foi religieuse.

Comment sortir de cette ornière qui découle essentiellement de l’émergence d’un modèle mondial dominant basé sur la « financiarisation » outrancière de l’économie dont les acteurs sont essentiellement motivés par l’appât du gain et l’accumulation de biens matériels ?

Un modèle que le pape François et la dirigeante du Fonds Monétaire Internationale, Christine Lagarde, ont qualifié d’insoutenable à long terme parce qu’il accentue les inégalités et favorise la concentration des richesses entre les mains d’une infime minorité.

L’entêtement à faire accroire que ce modèle de création et de répartition de la richesse dans le monde n’a pas de lien direct avec l’émergence des soi-disant Etats Islamiques et autres mouvements extrémistes est de la pure folie.

L’essentiel de notre argumentation est donc que la profonde crise politique et institutionnelle qui sévit en France ces jours-ci représente à la fois une grande menace et une opportunité d’imaginer des alternatives crédibles et des solutions à long terme à toute la problématique d’un modèle de développement durable et surtout plus juste et égalitaire.

La tenue de COP 21 à Paris prend d’ailleurs dans ce contexte une signification tout à fait symbolique puisque les questions liées à l’écologie et aux changements climatiques font partie intégrante de cette remise en question du modèle dominant.

* Published in print edition on 11 December 2015

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