A tout seigneur tout honneur – L’industrie sucrière

De l’urgence des remises en question

Un des grands patrons du secteur privé, en l’occurrence M. Cyril Mayer, Chairperson de Terra, a fait récemment une déclaration qui n’a pas eu l’écho qu’elle mérite auprès de tous les commentateurs politiques et économiques.

En effet, lors d’une récente interview, Cyril Mayer a déclaré que les producteurs de sucre devraient désormais être libres de commercialiser leur production de manière indépendante – entendez sans devoir passer par la Centrale de vente qu’est le Syndicat des Sucres. Une telle proposition est indéniablement révolutionnaire tant elle est lourde de conséquences et signale dans le même temps la fin définitive d’une « « ère ».

La centralisation de la vente et la mise sur pied du Syndicat des Sucres, plus que centenaire, en font une partie intégrante et constitutive du modèle qui a régi, depuis des siècles, la production sucrière à Maurice.

La remise en question du rôle et de la fonction de cette institution dans la chaîne de production sucrière causerait sans nul doute des bouleversements aux conséquences profondes pour toutes les parties concernées, à commencer par la communauté des petits planteurs. Ceux-ci ont le choix de résister à ces changements ou alors ils pourraient saisir cette opportunité afin de se réinventer.

Il est clair qu’une telle proposition ne saurait être mise en œuvre sans des négociations complexes et une préparation minutieuse. Cependant elle paraît tellement inéluctable que toute opposition frontale serait futile.

L’option la plus réaliste pour la communauté des planteurs (en effet, même les grands planteurs qui sont nombreux suite à la centralisation) seront objectivement dans la même situation. Un tel rassemblement de tous les planteurs constituerait une coalition conjoncturelle qui serait plus à même de négocier le meilleur « deal » vis-à-vis des usiniers/planteurs.

Le gouvernement devra aussi assumer ses responsabilités dans une telle conjoncture et tout mettre en œuvre afin qu’une solution juste et équitable pour toutes les parties soit trouvée. Il y va de l’avenir de l’industrie cannière dans le pays.

* * *

Torpeur et nombrilisme

Il est indiscutable que la réussite économique d’un passé récent de notre pays a été fondée sur des accords multilatéraux et bilatéraux, tels que le fameux Protocole Sucre, lui-même ayant ses origines des accords du Commonwealth, qui nous permettaient d’écouler notre production sucrière nationale sur des marchés assurés et à des prix favorables.

Outre les fameux accords commerciaux avec l’Europe qui favorisaient dans une large mesure l’essor de l’industrialisation basée sur l’exportation des produits « en franchise de douane et sans quotas », il y a eu la non moins bénéfique « Africa Growth and Opportunities Act » (AGOA) dont la prolongation vient d’ailleurs d’être agréée par le Congrès américain.

Or, pour un pays qui a su tant perfectionner la maîtrise de ces traités internationaux afin d’en tirer un maximum d’avantages, force est de constater cet énorme paradoxe qui fait que l’un des traits dominants de la nation dans son ensemble paraît être une forme de nombrilisme congénital tout à fait néfaste à son épanouissement.

Le grand malheur réside dans le fait que ce virus – qui s’attaque d’abord et de la manière la plus néfaste à l’intelligentsia – est extrêmement débilitante.

Quelques-unes des manifestations les plus évidentes en sont notre incapacité à définir une politique consensuelle et intelligente vis-à-vis de l’immigration des étrangers qualifiés souhaitant s’installer à Maurice, la dégradation manifeste de la maîtrise des langues française et anglaise de génération en génération, sans pour autant que nous ne cessions de nous gargariser de notre bilinguisme ou encore notre air de supériorité affiché par rapport aux autres pays africains vis-à-vis desquels nous avions su effectivement jusqu’ici développer certains « avantages comparatifs » mais qui fondent comme neige au soleil.

Sans une masse critique autochtone, il devient impératif d’attirer des compétences étrangères si nous voulons réaliser nos ambitions de créer un modèle de développement basé sur les hauts revenus. (Le modèle singapourien est, dans ce cas, un exemple à étudier).

Sachant que l’Afrique en croissance représente d’énormes potentialités pour notre pays de s’affirmer comme un acteur économique régional significatif à condition que l’on se donne les moyens, ces quelques exemples, parmi tant d’autres, illustrent parfaitement ce « nombrilisme » fatidique qui fait que nous risquons de nous réveiller demain de notre torpeur pour seulement constater les dégâts et regretter les occasions ratées.

* * *

L’heure de l’action a déjà sonné

La grande Crise Financière qui a débuté en 2008 n’a pas fini d’avoir des répercussions sur notre perspective de croissance économique. La crise en Europe et, plus particulièrement dans la zone euro depuis ces derniers mois, a pris le relais et provoque des dégâts importants dans tous les secteurs liés à l’exportation aussi bien des services que des produits manufacturés (tourisme, aviation nationale, textile et habillement).

La seule nouvelle positive qui émerge de ce tableau dépressif de l’environnement économique global est le prix du pétrole qui a pris une courbe descendante que l’on dit passablement difficile à renverser dans un avenir proche. Il n’empêche que dans l’ensemble la situation économique internationale est particulièrement sombre et le FMI a vite fait de réduire sa prévision de la croissance économique mondiale pour 2015 en conséquence.

Face à ce scénario potentiellement catastrophique pour l’économie nationale, nous constatons une quasi-indifférence de la part des leaders d’opinions ainsi que de l’ensemble de la classe politique. Ces derniers sont si empêtrés dans les dénonciations quasi quotidiennes de « scandales » les uns plus spectaculaires et lourds de conséquences que les autres…

Tout en admettant qu’un tel nettoyage des écuries d’Augias fait œuvre utile et s’avère absolument nécessaire, il faut quand même tirer la sonnette d’alarme lorsqu’une impression nette commence à se dégager selon laquelle ces dénonciations serviraient en fait à camoufler un manque d’initiatives et une absence de mesures concrètes pour faire face aux menaces qui nous guettent.

Autant il est de bonne guerre qu’un gouvernement nouvellement élu s’emploie à mettre à jour les « squelettes » cachés dans les armoires de leurs prédécesseurs, autant il est impérieux, après un certain temps, que les membres du nouveau gouvernement dévoilent tout au moins leur(s) plan(s) de travail et commencent à imprimer leur nouvelle vision pour l’avenir du pays.

Le gouvernement pèche par son incapacité à imprimer un réel sens de direction à l’économie du pays. Mais il est indéniable que l’impatience au niveau des patrons économiques aussi bien que de la masse populaire devient chaque jour plus palpable.

A bon entendeur, salut…

 

  • Published in print edition on 17 July 2015

 

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