Pendant ce temps, dans le monde :

Crise Financière, Boko Haram, Front National…

Plus d’un quart de siècle après l’éclatement de l’Union soviétique et la chute du mur de Berlin, et la disparition des conditions de la guerre froide, le monde souffre encore d’une incapacité à s’ajuster aux séquelles de la disparition d’un régime dominant qui aura duré, sous une forme ou une autre, pendant un peu moins d’un siècle. Avant toute chose, un régime politique est caractérisé par le fait que tous les acteurs qui y sont engagés en acceptent les règles et les conventions, même lorsqu’ils sont en conflit permanent.

Plusieurs générations sont donc nées et ont vécu à l’ombre d’une lutte idéologique sans merci pour la conquête et l’adhésion du plus grand nombre – gouvernements et citoyens des pays tiers – à une cause.

L’engagement à droite (libérale, centriste ou extrême droite) ou à gauche (socialiste, social-démocrate ou communiste) était alors quasiment un devoir citoyen, d’où la tradition d’une alternance bipartisane dans plusieurs pays développés.

L’opposition entre les deux grands adversaires – les Etats-Unis et l’Union soviétique – et leurs alliés respectifs dans cette guerre « froide » prenaient souvent la forme de confrontations violentes entre les partisans des uns et des autres de par le monde. Les foyers de guerre en Afrique, en Asie et même sur le continent sud-américain, occasionnés par l’affrontement entre les courants opposés dans le sillage des luttes pour ou post-indépendance de divers pays étaient les exemples les plus visibles de ce combat acharné pour la conquête de « sphères d’influence». C’est ce régime-là qui a disparu avec la chute du mur de Berlin et l’implosion de l’Union soviétique.

Un monde unipolaire

Nous n’avons, semblerait-il, pas encore totalement maîtrisé tous les tenants et aboutissants de la fin plus ou moins brusque de ce régime mondial dominant.

L’émergence d’un monde unipolaire, dominé par l’hégémon Américain, a complètement changé la donne. Une des conséquences en est la quasi-disparition des notions de gauche et de droite sur les échiquiers politiques. Pour beaucoup, la mondialisation a été menée par la puissance dominante qui s’est évertuée à instrumentaliser les institutions internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce, les Banques centrales et les gouvernements dans le but de desservir ses desseins, ne laissant que très peu d’espace pour une opposition « idéologique ».

Le développement spectaculaire des technologies de l’information a été savamment maîtrisé par quelques grandes banques multinationales aboutissant à la « financiarisation » outrancière de l’économie mondiale et à la création d’instruments financiers de plus en plus complexes qui n’ont, selon l’aveu même de leurs géniteurs, plus aucun rapport avec ce qui est impudiquement appelé « l’économie réelle » dans laquelle se débattent les communs des mortels (faillite, licenciement, inégalités sociales).

La crise de 2008, avec la chute de l’emblématique et vénérable Banque Lehman Brothers, semble avoir marqué le pas dans ce dérapage incontrôlé qui avait d’ailleurs déjà montré ses faiblesses lors des grands scandales financiers de la fin du siècle dernier — Enron, World Com, Barings Bank, etc. Moins de gouvernement (entendez moins de réglementations des nouveaux maîtres du monde) ne mène pas nécessairement à plus de prospérité comme ont voulu le faire accroire les Thatcher et autres Reagan de ce monde.

Le revers de la médaille

Initialement les grands théoriciens de la mondialisation, dans un élan d’optimisme béat pour ne pas dire de naïveté, s’étaient convaincus que celle-ci serait porteuse d’un partage des valeurs de la démocratie et du « modernisme » dans toutes les régions du monde.

Les grandes entreprises, surtout celles de l’Occident, profitant de la libéralisation du commerce mondial auraient été les vecteurs privilégiés de l’ouverture de nouveaux territoires qui seraient à leur tour subjugués par une vague consumériste soutenue par une nouvelle classe moyenne émergente.

Pour rendre à César ce qui appartient à César, il faut admettre que la mondialisation a contribué effectivement, dans un premier temps, à soustraire des centaines de millions de personnes de la pauvreté absolue et à promouvoir une classe moyenne dans des pays où elle n’existait pas. Cette dernière a aujourd’hui accès à plus de produits de consommation et à l’information. Elle a surtout des aspirations pour elle-même et les générations futures qui, dès lors, ne peuvent que créer les conditions pour un meilleur avenir pour leur pays.

Là où les thuriféraires de la mondialisation ont vraiment fait fausse route, c’est dans leur incapacité à jauger le niveau de résistance qui s’organiserait à l’intérieur de ces pays émergents, et pas seulement ceux-là. En France déjà, dès le début de l’installation de ce nouveau régime, une forte résistance s’est constituée pour combattre ce qui était perçue comme une volonté d’imposition d’une hégémonie culturelle. « L’exception française » en est devenue la marque de fabrique, surtout dans le domaine de la création culturelle.

Faute de s’aligner sur des divergences idéologiques et/ou politiques, les opposants ont surtout revendiqué les particularismes souvent ethno-culturelles comme point de ralliement à leur mouvement.

Dans les pays émergents, les institutions qui pourraient éventuellement canaliser de manière non-violente cette résistance sont quasiment inexistantes. Des groupuscules divers et surtout extrêmes ont sauté sur l’occasion pour en faire leur corps de métier. Le comportement outrageant de l’administration de GW Bush, faisant fi des règles les plus élémentaires de la diplomatie internationale dans sa « croisade » contre « l’axe du mal », a contribué à amplifier le mouvement.

Le rêve d’un monde qui partagerait des valeurs communes de démocratie et de progrès a finalement tourné au pire cauchemar de revendications de la différence et des particularismes dont la pire des expressions est le terrorisme international qui, ironie suprême, s’organise de plus en plus sur le mode des grandes multinationales et profitent des technologies de communication les plus sophistiquées.

Les conséquences néfastes d’une mondialisation en mode de rouleau compresseur ne se font pas sentir uniquement dans les pays émergents ou pays en développement. Dans les pays développés où la fin de la guerre froide avait fait naître les plus grands espoirs d’un avenir sans confrontation, « la fin de l’idéologie » semble avoir eu des effets dont la gravité était insoupçonnée jusqu’ici. Le triomphe du capitalisme effréné et l’incapacité de la « gauche » traditionnelle à formuler une réponse adéquate à celle-ci, favorise l’essor d’un populisme dangereux pour la démocratie.

Les partis de droite traditionnelle, plutôt du centre droit, privé d’adversaire crédible, sont souvent tombés dans le plus évident des pièges en s’acoquinant avec le monde des affaires. Apres l’expérience berlusconienne en Italie, après l’Autriche et la Grèce, la France semble vouer à faire la triste expérience d’une montée de l’extrême droite sur l’échiquier politique (sauf en cas d’un ressaisissement inespéré). Tout ceci ayant pour toile de fond le marasme économique et le chômage parmi les jeunes qui, désillusionnés par rapport aux « politiciens », deviennent des proies faciles pour tous les démagogues de service.

Boko Haram et le Front National, sans parler de la situation en Irak, ont tous un vivier dans lequel puiser leurs adhérents avec des promesses de solutions ésotériques ou racistes mais toujours simplistes.


* Published in print edition on 4 July 2014

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