Pour un Musée National

En attendant un hypothétique miracle économique, voilà un projet qui devrait stimuler notre capacité de rêver, de créer et de bâtir…

C’est un fait que le développement économique du pays a fait de grandes avancées durant quelques décennies et les institutions se sont consolidées malgré les quelques vagues qui ont menacé d’affaiblir le socle démocratique. Il n’y a pas eu de tsunami politique qui aurait fait basculer le pays dans l’autoritarisme absolu ni de crash qui aurait plongé le peuple dans une misère noire.

Le bouleversement qui s’est opéré dans les mentalités et les valeurs suivant le début d’une prospérité qui invitait tout un chacun à saisir des opportunités dans les années 90 a laissé des traces qui ne s’effaceront pas de sitôt.

Nous vivons une époque où la société a déjà connu les joies du consumérisme, l’envie de tout ce que l’Occident expose sur le marché mondial – des produits de luxe aux gadgets dernier cri.

Ensuite dans la catégorie professionnelle de jeunes cadres du secteur privé et de la bourgeoisie des hauts fonctionnaires, on y décèle les caractéristiques des pays émergents – ils raffolent des voitures de luxe et les paradent comme un emblème de leur réussite sociale.

Enfin, l’identité nationale continue à se construire au-delà des soubresauts qui secouent et inquiètent.

Avant qu’on soit englouti dans un mode de vie ou une identité superficielle, et que la mémoire nous échappe, il est permis de penser que le pays possède la maturité et les moyens de se ressaisir et de rassembler la mémoire collective dans un seul édifice qui retracera toute l’histoire du peuplement de l’île.

Il s’agit ici de construire un musée à plusieurs étages financé par les deniers de l’Etat et qui restera un bien public. Après un bref survol des premières vagues de découverte, arabe et peut-être africaine, on y introduira ceux qui y sont restés brièvement, les Hollandais de la Dutch East India Company, leurs motivations et recherches.

Le véritable peuplement commencera avec les différentes vagues de migration dans un ordre chronologique en décrivant avec des gravures, des peintures, des sculptures et divers objets les premiers Français, leur objectif commercial, leur vie quotidienne, les us et coutumes, les tenues vestimentaires de l’époque, les objets et style de mobilier, etc. Une carte de France précisera leur lieu d’origine, que ce soit la Bretagne ou d’autres contrées de France et l’itinéraire maritime.

Une référence aux Protestants refoulés à l’île de France et qui mettent le cap sur Rodrigues ne sera pas superflu. Des textes en anglais d’abord, ensuite en français, entre autre langues, expliqueront davantage tout ce qui est exposé.

Il conviendrait de décrire l’organisation politique, économique, religieuse et culturelle de ceux qui se sont aventurés loin de leur terre natale, propriétaires des usines ou fonctionnaires.

Tout le monde comprend le sens du terme ‘migration’. Volontaire ou forcée, il s’agit ici de présenter les faits historiques en toute objectivité. Dans le même esprit d’entretenir la mémoire et d’informer, on y exposera l’organisation sociale et la vie quotidienne des esclaves transportés des côtes africaines, les travaux forcés, les tenues vestimentaires, les huttes, les ustensiles de cuisine, etc.

Ce sera un véritable défi pour les historiens et les anthropologues de retracer l’origine des premiers Créoles, fils et filles d’esclaves.

–       Viennent-ils des différents pays africains, et pas de la côte est uniquement ?

–       Ont-ils tous fait escale à Zanzibar et quel pourcentage était issu de Madagascar ?

Il semble que peu de travaux de recherche ont été effectués sur la provenance des esclaves, et encore moins sur leurs langues, leurs cultures et le mode de vie. On laissera ces réflexions aux historiens.

L’histoire douloureuse, les conditions de transport, les chaînes, les punitions, le marquage au fer, et les conditions de vie étaleront toute la vérité historique.

L’histoire de leur métissage, la nouvelle religion, les langues et la musique sera plus facilement réalisable par les supports artistiques et illustrations textuelles. On pourra aussi se tourner vers les sculpteurs pour créer des statues qui représenteront les hommes, les femmes et les enfants de l’époque.

De même, l’histoire des engagés provenant de l’Inde et de la Chine y trouvera sa place. Le contexte politique et économique des pays d’origine, les causes et objectifs de la migration illustrés par des cartes ainsi que l’itinéraire seront dévoilés.

Tous les aspects de leur vie familiale, les types de logements (huttes et maisons en toit de chaume, entre autres) leur installation dans différentes régions de l’île, les tenues vestimentaires, la structure sociale interne, les occupations quotidiennes et les activités religieuses et culturelles rempliront bien des couloirs.

C’est un travail gigantesque qui mobilisera toutes les têtes pensantes, entre autres, historiens et anthropologues, linguistes et mains créatrices des artistes.

Ce regard porté sur l’histoire des divers groupes qui peuplent le pays dans un musée national est nécessaire pour conserver la mémoire, éduquer et informer écoliers, collégiens, adultes et le grand public.

L’intérêt touristique n’est pas négligeable et surtout la manne financière qu’apportera la visite des milliers des touristes par an. En attendant un hypothétique miracle économique, voilà un projet qui devrait stimuler notre capacité de rêver, de créer et de bâtir…

 

 

  • Published in print edition on 21 August 2015

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