Entre Quatre Murs

Par  Nita Chicooree-Mercier

C’est un simple constat qui ne cherche en aucun cas de soutenir ou de promouvoir une culture de l’excuse pour tous les malfaiteurs qui pourrissent la vie des autres.

On affirme que ceux qui peuplent les prisons sont issus des milieux pauvres et démunis matériellement. C’est un fait indéniable, dit-on, qui doit constamment nous interpeller.

On ne peut que compatir avec cette pauvre mère de 73 ans qui soutient que son fils était pourtant un bon garçon. Comment s’est-il laissé entraîner dans un tel guêpier, Gros Derek? Recalé de CPE à 10 ans, quelques années d’errance, y avait-il un père pour l’encadrer? Au départ, ce jeune homme s’est pris en main, il a quand même travaillé dans un magasin de la Capitale. Avant que quelqu’un lui fasse miroiter la possibilité de gagner beaucoup plus en travaillant moins.

Quelques veinards, plus chanceux, y arrivent en gagnant au Loto. D’autres, toujours dans le but de gagner plus en travaillant moins, par un trait de plume, parviennent à détourner des fonds publics et dormir tranquillement. Ces veinards bardés de diplômes ont mille astuces pour s’en sortir. Certains ont été anoblis par Sa Majesté La Reine. Le ‘Sir’ accolé à leur nom les protège d’un vernis indécrottable quand ce ne sont pas les Frères bien placés qui courent à la rescousse. Et pire encore pour des actes d’horreur !. Ah! ces Frères qui ont l’art et les moyens de faire voler en éclat le dossier le plus accablant d’un des leurs. En a-t-il, Gros Derek? Un Frère costaud, qui pourrait lui fabriquer un dossier en béton ? Mais tant qu’on est en vie, c’est déjà pas mal. Il n’est que le baron d’une mafia, il aurait pu voler une Rolex et nourrir les vers sous la terre à l’heure qu’il est.

Une lutte acharnée dictée par les Etats-Unis au monde entier depuis que sa jeunesse s’est mise à chercher un paradis artificiel. Lutte anti-drogue pour des raisons de santé publique. Mais aussi, toute cette économie parallèle qui passe à travers les mailles du fisc. Compter des millions à huis clos, un sacré culot, ces mafieux de la drogue! D’autres le font dans une transparence totale.

Admettons que Gros Derek avait réussi le CPE, la HSC et les études universitaires, et qu’il soit quand même quelque peu tordu et pervers, il se serait trouvé dans un bureau climatisé par la volonté de ses mandants, et d’où, par un simple coup de fil, il ferait fi de la loi et ordonnerait aux gardiens consciencieux de cesser de fouiller le religieux qui a pour mission de sauver ces damnés qui croupissent dans leur trou. C’est quand même plus confortable.

Un peu partout dans le monde, on a cru bon de pratiquer une politique de l’enfermement pour tous ceux qui dérangent la société. Les fous, on les enferme. Fauteurs de trouble, délinquants, voleurs, consommateurs de gandia, vendeurs de rêve, au trou. La condamnation est excessive dans certains cas.

Ainsi donc, il travaillait dans son magasin lorsqu’un dealer, plus malin que lui, l’envoie faire le sale boulot. Il s’est tout de suite fait coffrer. Pendant combien d’années? La prison n’a rien arrangé, bien au contraire. Les gros requins qui s’y trouvaient l’ont entraîné dans les profondeurs des eaux troubles où il s’est embourbé depuis. Enfin, le beau rôle, chef de bande. Triste constat.

On connaît d’autres qui, désespérant de pouvoir améliorer leur habitat un jour, se sont laissés tenter de faire pousser quelques plants de gandia dans la cour. Histoire de pouvoir s’acheter quelques matériaux pour transformer la case en tôle. Ils se sont trouvés derrière les barreaux. Tout le monde ne peut pas se permettre de braver les interdits.

On pense à l’ancien Mr Mauritius, Rajen Sabapatee qui, réputé ‘bon garçon’ par ses amis en Angleterre, eut le malheur de faire un retour au pays natal. Retour qui, le moins qu’on puisse dire, lui fut fatal. Tant il s’est laissé embobiner par les uns et les autres dont, dit-on, des personnalités haut placées qui ont profité de ses services et, que le commerce souterrain l’a enfermé dans un piège ! Il aurait mieux fait de rester en Angleterre, disait-on.

Lorsqu’on voit l’état dans lequel se trouvent certains quartiers en dégradation, on s’interroge non seulement sur les chances des mâles de préserver leur statut de ‘bon garçon’ mais aussi sur la force morale et les motivations dont il faut faire preuve pour mener une vie normale sans être tenté de chercher du rêve ou le vendre.

* * *

Mémoire

On vous l’accorde. Ces lieux qui ont été marqué l’Histoire du pays sont quelque peu délaissés. Certains vont même jusqu’à soupçonner les autorités compétentes d’avoir un hidden agenda d’abandonner délibérément le patrimoine, héritage d’un passé pas si lointain. La visite de ces lieux s’avère être d’un intérêt touristique et économique pour le touriste de passage. Car, il faut l’admettre, il n’y a pas grande à chose à ‘voir’ dans le pays. Le pays s’apprécie plutôt par la sérénité qui s’en dégage dès qu’on y met le pied.

Il serait aussi utile pour les habitants de connaître ce passé dans lequel ils ont été, pour la plupart, que des exécutants. Un passé façonné par ceux qui décidaient du cours de l’Histoire. Lieux de mémoire, dit-on. La mémoire de qui? Les contribuables sont censés se passionner pour préserver ce ‘patrimoine national’ avec des fonds publics. Qu’on ne s’inquiète pas pour la préservation de mémoire entre quatre murs. Ceux qui en sont les héritiers directs ont pris le soin d’en faire l’historique au Blue Penny Museum avec une recette non négligeable.

Il faut être naïf pour ne pas y voir que l’Histoire est racontée que d’un point de vue, celui de ceux qui détenaient le pouvoir économique et politique. Les ‘personnages importants’ sont mis en exergue. Les ‘autres’ font figuration dans un arrière-plan peu reluisant. Normal. Rien de glorieux à être serfs et coolies. Une Histoire des pionniers, seigneurs et vainqueurs. Un musée à la gloire des bâtisseurs. Les ‘winners’ d’hier et d’aujourd’hui quels que soient les circonstances.

Tout le bon peuple est censé être fier de cette Histoire sans y apporter un regard critique. On vous demande de venir contempler votre servitude passée et de contribuer financièrement à conserver des lieux où les ‘personnages importants’ ont guerroyé, où ils ont été soignés, où ils ont érigé des bâtisses en pierre de leurs propres mains… Un patrimoine ‘national’ ne va pas de soi, il est ‘national’ dans la forme, certes. Mais dans le fond, ça dépend des rapports qu’on entretient avec le passé, la terre et l’avenir à construire.

On a frôlé l’absurde lors de la célébration du bicentenaire de la bataille de Vieux Grand Port. Les enfants déguisés en soldats anglais ou français. Ces peuples qui se sont livrés des batailles sur les quatre continents, une histoire qui vous concerne qu’accidentellement. Par hasard. Pas de quoi soulever des passions.

Donc, qu’on y aille doucement avec ces appels à sauvegarder tout et n’importe quoi. Sur un petit territoire, chacun veut y laisser sa marque. C’est le propre de l’homme. Dans un pays indépendant où tous les noms des rues de la Capitale, des villes et des villages sont restés inchangés depuis des siècles, il faut se poser des questions. Hormis quelques écoles du secondaire qui portent le nom des personnalités qui ont marqué une mémoire fraîche et contemporaine, les dirigeants ont pris soin de ne rien bousculer et de ne pas heurter les sentiments des fiers héritiers d’une Histoire coloniale.

Il est temps de commencer à renommer certaines rues, villes et villages. Au nom de quoi faut-il conserver tous ces noms? On ne peut pas tout avoir. Il faut laisser les autres apporter leur pierre à la construction commune et choisir d’y mettre un nom selon leur volonté. Un nom, c’est toute une histoire.


* Published in print edition on 14 September 2012

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