Critiques et sens de la responsabilité : Quelle cohabitation ?

Nita Chicooree-Mercier

Certes, la période de fêtes de fin d’année a chassé la petite remontée de fièvre suscitée par les élections régionales avec leur lot d’invectives et de dérapages qui ont valu à une personnalité plutôt respectée de la classe politique le surnom d’un produit alimentaire italien dont il se serait bien passé. Si on peut se permettre d’évaluer une quelconque évolution dans la qualité de la récente campagne électorale, on admettrait pour être juste, qu’il y a eu un ‘léger progrès’ dans la mesure où les uns et les autres se sont abstenus de commenter l’aspect physique de leurs adversaires en évitant de comparer leur faciès à la partie inférieure et inesthétique de l’anatomie humaine, chose qui était insupportable pour les citoyens dans le passé.

Quant aux progrès de la mentalité dans la culture du travail dans les hautes sphères, il faudrait repasser. Le chef du gouvernement lui-même, dans les confidences faites à un rassemblement des jeunes en fin de stage de formation d’éducation civique, en a fait le constat.

En passant, dans la forme, chacun admet que l’usage de l’anglais dans ce discours officiel est un procédé correct, et surtout qu’un jeune public éduqué devrait être capable de comprendre la langue d’usage dans le milieu éducatif, qu’il ne serait pas exagéré d’exiger d’eux un effort intellectuel dans une pratique plus régulière de l’anglais oral et, qu’ enfin, il est important de renforcer la visibilité de la langue officielle.

La mentalité est au bouge-fixe dans les hautes sphères administratives, a lancé le PM. Connaissant les pratiques des différentes administrations, même en prenant soin de ne pas jeter l’anathème sur tous les administrateurs, personne ne pourrait le contredire. Lourdeur et inefficacité pèsent sur les vieilles habitudes. Et nombreux sommes nous à déplorer l’autoritarisme borné et le manque de bon sens manifeste dont fait preuve une pléthore de serviteurs de l’Etat. Ces derniers oublient trop souvent le sens même de leur mission : être commis de l’Etat n’est pas un simple ‘travail’ au sens moderne du terme. Si les étrangers, engagés par l’Etat, sont exaspérés par la propension de certains à retomber dans les vieilles habitudes après une brève adhésion apparente à une méthode moderne et pratique, qui en est responsable?

A cinq heures d’avion, la Ville du Lion, référence incontournable des milieux où on cogite avenir et progrès, jouit quasiment du même climat que Maurice mais celle-ci parvient à conserver un cerveau collectif de l’embrun marin et de l’indolence des tropiques.

L’inefficacité n’est pas une fatalité. En brossant un tableau peu flatteur de certains corps administratifs dans un discours servi plus d’une fois au public sur le plateau de la MBC, comme d’habitude, le Premier ministre donne l’impression qu’il parle d’un autre pays avec lequel il entretient un lien distant et, qu’il s’exclut, évidemment, de toute cette bande de lourdauds inefficaces.

C’est quasiment un art de s’exonérer de tout blâme dans la mauvaise gestion des ressources humaines ou de toute autre ressource. Certainement, le changement des mentalités ne s’effectue pas par décret ou par discours. Mais que l’on sache, le pays n’est pas un bateau ivre livré aux caprices de l’océan. Il y a bien un Capitaine à bord à qui le public a confié le devoir de veiller au bon fonctionnement du moteur. Que les rouages soient vieillots, rouillés ou bloqués, à qui la faute sinon à ceux qui ont été nommés aux postes clefs sans en avoir la compétence requise?

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Vers un projet civique « NICE for all ages »

Péna manière, c’est ce que chacun reproche aux autres dans les commentaires qu’on entend un peu partout sur les trottoirs encombrés, dans les lieux publics ou les conversations de salon. En effet, ce n’est pas la jeune génération qui a besoin de leçons en matière d’éducation civique et de savoir-vivre au quotidien. 40 ans, 50 ans ou plus de 60 ans, ils se montrent tous mal polis, frustes, impatients ou simplement autoritaires. En passant, attirons l’attention particulièrement sur les mâles au volant de leur voiture, s’énervant derrière la ligne d’arrêt. D’ailleurs, ils pourraient écraser le piéton tant ils sont pressés de poursuivre leur route sans s’encombrer du code de la route.

Assis devant leur bureau à jouer à fond le rôle de petit chef qui jouit du pouvoir de vous dire ‘non’ et ‘revenez une autre fois’, ils sont irrécupérables. On en sort, à chaque fois, exaspéré, abasourdi et les nerfs en boule. Ces comportements dans l’espace public laissent peu de doute sur la qualité des interactions dans le domaine privé, au sein du couple et en famille.

« NICE for all ages », c’est ce qu’on devrait mettre en place et organiser plutôt que de s’en tenir à une Journée de X à la française comme c’est courant à Maurice, une Semaine de Y pour sensibiliser la masse d’adultes; et les parents pour leur apprendre à assumer ce qui ressort de leur responsabilité, de ne pas toujours céder aux caprices des enfants, d’éduquer et de mettre des barrières, aux couples pour rappeler que l’autre n’est pas un ‘objet’ soumis à leur volonté, aux salariés des secteurs public et privé pour réapprendre la notion de service et du travail accompli.

Dans certaines professions, on a presque l’impression que les gens prennent un plaisir à mal faire leur travail. Au vu du vaste chantier qui requiert qu’on mette bon ordre, NICE serait occupé en permanence…

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Vision à court terme et manquements

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les dirigeants ont manqué de vision à long terme. Il ne s’agit pas, ici, de l’industrie hôtelière qui a plongé dans le capitalisme sauvage en couvrant le littoral d’hôtels. Le consul honoraire de Belgique n’a rien inventé en déclarant qu’il y a trop d’hôtels dans l’île. Nombreux sommes nous à tirer la sonnette d’alarme depuis longtemps. Il n’y a que les rapaces de l’industrie qui caressaient l’espoir que la manne leur tomberait dans les mains ad eternam et, les gouvernments successifs qui les ont laissé faire qui pensent autrement. Ils sont impardonnables.

Concentrons-nous sur l’infrastructure des villages. Triolet est un exemple flagrant d’absence de projet sérieux pour parer à la croissance démographique et le besoin en routes secondaires. Les routes perpendiculaires à la grande route sont d’une telle étroitesse que la circulation devient impraticable. Comme l’espace disponible convient à une seule voiture, on devrait trouver un système de routes à sens unique qui éviterait la galère au quotidien à chaque fois qu’une deuxième voiture s’aventure à emprunter la voie dans le sens opposé.

Passons sur le manque de création d’espaces publics qui agrémenteraient la vie des habitants. Les vieilles habitudes administratives gagneraient à se redynamiser si tant est que les nouveaux élus et élues manifestent une volonté de rompre avec la mentalité bouge-fixe. Rappelons que l’asphaltage des ruelles dans les régions côtières du nord a été stoppé une fois l’élection terminée. Les nids de poule et autres pièges « casse-gueule » ne sont pas prêts à disparaître.

Bientôt, la liste de décorés de la nation – avec les récompenses de fin d’année — sera rendue public. Des événements récents ont peut-être mis en exergue une certaine idée de Triolet véhiculée par un vieux cliché peu flatteur du comportement de ses habitants. On se permet de proposer que l’écrivain en langue hindi, Abhimanyu Unnuth soit décoré car il le mérite depuis longtemps…


* Published in print edition on 28 December 2012

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