Rien ne presse

Par Nita Chicooree 

La presse est-elle en panne? En cette semaine internationale de la presse, nous sommes en droit de nous interroger sur l’étrange silence des principaux titres de presse en France sur les nombreux scandales de corruption qui ont émaillé le mandat du président sortant. Il a fallu attendre l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1981 pour mettre un terme au harcèlement des journalistes par le gouvernement de droite. La mainmise des plus grosses fortunes sur les médias n’est plus un secret ainsi que le licenciement arbitraire de ceux dont le ton ne plaisait pas à Sa Majesté le Président. Bien avant 2007, des sommes faramineuses s’étaient envolées dans des caisses occultes, le Karachigate, conflits d’intérêts de tout poil, détournement de fonds, avantages régaliens pour les proches, l’ancienne ministre des Finances parachutée de justesse à la tête du FMI, une autre trempée dans une affaire de contrat pour le frère en Tunisie, et tant d’autres casseroles que traîne derrière lui l’actuel locataire de l’Elysée qui a tout intérêt à se faire élire de nouveau pour remettre à plus tard les explications dues aux citoyens.

Du jamais vu en France, un ancien président de droite soutenant ouvertement, photo à l’appui, un candidat socialiste. Cela en dit long sur ce qu’il sait de l’actuel président. Les allégations par rapport à ses origines, sa performance universitaire moyenne, son parcours semé de tous les coups fourrés, la vente d’un tiers des réserves en or de la France lors de son passage à Bercy – bêtise monumentale, un registre langagier qui ne fait pas honneur à son statut officiel : il a réussi à ternir l’image de la France dans le monde. Un cas pour les psychanalystes, certes.

A une époque où tout fout le camp – l’économie, les valeurs, la morale, les relations humaines, le climat, le pétrole, l’eau -, le cynisme du monde politique nous laisse, en permanence, un arrière goût d’impuissance. Entre-temps, l’électorat se complaît dans une bipolarité gauche-droite, histoire de perpétuer les vieilles habitudes, même en France. Le peuple veut du rêve. La réalité? La voilà, dévoile le candidat centriste, François Bayrou avec uniquement 9% dans les sondages. Le peuple regarde ailleurs. Et pourtant, il semble bien que c’est l’homme qui représenterait mieux la France.

Les débats politiques, les promesses des uns et des autres, les enjeux majeurs des années à venir, les solutions à préconiser défilent sur l’écran. Mais les tenants de ces discours n’ont pas l’air d’y croire et le peuple encore moins.  

La presse a perdu de sa pugnacité et les journalistes semblent dérouler le tapis rouge devant les puissants du jour, hormis quelques exceptions. Néanmoins, le rituel de passage à l’antenne se perpétue et on s’étonne que la presse étrangère ne pipe mot des prochaines élections en France, le centre du monde. L’Europe s’inquiète de son avenir. Quant aux Etats-Unis, faut-il encore que l’Américain moyen arrive à situer la France sur la carte du monde… 

* * * 

Revenons à ces scandales de corruption et d’enrichissements personnels certains dans le milieu politique, et le silence de la presse. Et dire qu’ici, à Maurice, certaines personnes ne jurent que par le modèle français. Il est évident que la presse anglaise ne se serait pas soumise aux diktats des dirigeants, même s’ils étaient bien soutenus par de puissants lobbys.  

Et chez nous, le journalisme d’investigation piétine aussi tant il se heurte à l’opacité du monde des affaires publiques et privées. Volontaire ou pas, le silence est de mise. Comme un aveu d’impuissance. 

Lorsqu’on voit la liberté d’expression mise à mal dans les grands pays démocratiques, et que les rapports de force et le trafic d’influence sont monnaie courante, on est certain que les libertés ne sont pas acquises définitivement.  

D’autre part, peut-on être satisfait d’une presse ‘internationale’ gérée par quelques pays occidentaux? Malgré le professionnalisme dont les journalistes font preuve, ils s’adressent surtout à des sensibilités occidentales. Nul n’ignore la force des pays puissants et la mainmise sur l’information pour sauvegarder leurs propres intérêts.  

L’outil béni de notre époque, l’Internet, s’avère un moyen indispensable pour lecteur avide d’information. La jeune génération peut se vanter d’être la génération la mieux informée. Elle peut se constituer une mine d’information. A 18 ans à peine, nos jeunes ont un esprit critique qu’ils ne peuvent qu’affiner au cours des années. Pendant que leurs aînés s’accrochent à l’idéologie qui les a formés jadis, eux, ils s’en sont éloignés. Leur manque de passion apparente est, au fond, un signe de désidéologisation. Moins imprégnés d’idéologie, ils sont plus libres. Ils se sont gardés de sacrifier leur intelligence au culte d’un quelconque leader qui prétendrait détenir la clef des vérités politiques. 

La presse, ils la lisent en diagonale. L’Internet reste un incontournable outil d’information qu’ils manient à merveille. L’adrénaline, étalée par les anciens dans les blogs, risque de s’évaporer au fil des ans, faute de public. Les mentors des jeunes ne se trouvent pas dans les colonnes des éditoriaux. Ils ont leur propre réseau et ils laissent le temps au temps, moins pressés de changer le monde en urgence. Dans ce contexte, la survie de la presse écrite dépendra, certes, d’une nécessaire adaptation à un nouveau public. 


* Published in print edition on 13 April 2012

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