Le plaisir du rêve

By Nita Chicooree-Mercier

Que dans l’imaginaire de l’homme, la femme représente la lumière du foyer, la reine de son existence, la compagne qui l’écoute et le console dans les déboires de la vie quotidienne. Soit. C’est peut-être aussi une vision indienne, que ce soit hindoue ou musulmane, que de vénérer la femme et de l’affubler d’épithètes flatteuses.

Courtisane ou impératrice. D’ailleurs, les plus belles chansons et les plus beaux poèmes que l’on connaît et qui chantent les louanges de la femme sont en hindi et surtout en ourdou, que l’on peut attribuer à l’influence persane. Ah ça, oui, dans ce domaine les langues européennes ne leur arrivent pas à la cheville. Passons. Quelle que soit la culture, c’est surtout une image de la femme qui plaît à l’homme. C’est un rêve qui lui procure du plaisir. Le plaisir de l’homme. Le problème est justement là.

Entre rêve et réalité

Du point de vue féminin, dans son image idéalisée de la femme, l’homme se cantonne, depuis des millénaires, dans le principe du plaisir. Son plaisir. Sa vision de la femme manque de pragmatisme et de réalité. Il n’est pas du tout dans l’empathie ; il ne s’est pas soucié de savoir si la femme se retrouve dans cette image d’elle qu’il affectionne tant, si elle s’y complaît, si elle aspire à autre chose que de jouer un rôle que la société des mâles lui a confié, si elle se voit comme faisant partie du confort de l’homme ou si elle souhaiterait être dans un rapport plus équilibré et sain que dans les concessions à sens unique, c’est-à-dire celles que fait la femme pour le bien-être du « mâle ».

L’homme a toujours trouvé normal de se débarrasser de tout ce qui entrave son plaisir et de le mettre sur le dos de la femme sans se rendre compte que celle-ci n’assume pas forcément ces tâches avec plaisir ou qu’elle aimerait bien s’en débarrasser aussi de temps à autre de ce qui lui est contraignant ! Dans sa quête d’un bien-être centré sur lui-même d’abord que ce soit matériel, professionnel ou même… sexuel, l’homme a su cultiver à merveille quelque chose dont il a l’art et le secret : l’égoïsme.

Paradoxes et contradictions

Revenons-en à la déesse que nous sommes, ghar ki lakshmi, ou la muse qui inspire les hommes dans leur rêve ou leur délire de ce qui est Beau et Sublime ; on en connaît les contours et les limites. La réalité est que cette déesse ou cette muse est tout simplement un être humain ayant une personnalité, un caractère, un tempérament, des aspirations, des désirs, une intuition féminine, une certaine sagesse, une intelligence et des… opinions. Aïe! C’est là où ça fait mal.

Ayant été habitué à se croire détenteur de toutes les vérités depuis des siècles, l’homme a encore du mal à admettre qu’une femme puisse avoir un point de vue différent et comble de péché, qu’elle ose donner son avis et prendre son interlocuteur à contre-pied. C’est l’égo du mâle qui en prend un coup. Il la descend de son piédestal, elle perd sa statue de déesse car elle a montré son vrai visage, une réalité que, lui, ne veut pas voir.

Dans les milieux plutôt éduqués (et ce n’est pas sûr !), l’homme élève la voix, grogne, claque la porte et boude et, dans les milieux frustes, la foudre s’abat souvent sur la déesse déchue, et risque, parfois même, de l’envoyer à l’hôpital.

Combien de fois, on assiste à des conversations où la femme ménage l’homme, baisse la voix pour ne pas le froisser, préfère ‘laisser tomber’ ou se tait pour avoir la paix et lui laisser le dernier mot. En résumé: dans l’idéal masculin, la personnalité, que la femme se la garde!

Mais au fond, la femme aussi vit dans le rêve du mâle mi-prince et demi-dieu pendant des années. Si le rêve est si tenace, c’est qu’il forme partie de la réalité. Et c’est surtout dans le rêve qu’on est vraiment libre et heureux.


* Published in print edition on 18 March 2011

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