Res Publica

By Nita Chicooree-Mercier

Bien non-lucratif de l’Etat cherche sponsor. Parmi les magasins, boutiques, restaurants, et appartements pour touristes se disputant chaque pied carré autour de la baie, on est content de trouver un endroit civilisé qui accueille tout et chacun gratuitement. Superbement située face à la baie bleue turquoise, la bibliothèque de Grand Baie, une vieille construction d’un style colonial, est agrémentée d’un petit jardin et de quelques arbres à l’air triste.

La bibliothèque est fournie par le ministère, vous dit-on. Très mal fournie, hélas!
Quatre milles livres sont déjà sortis. Vous avez aussi des magazines vieillots et datés pour la plupart. Les auteurs contemporains sont inexistants, ni Mauriciens,ni Anglais, ni Américains, ni Indiens, ni Français, Africains, Arabes, Antillais, Afghans ou Japonais. Absents des listes informatisées. C’est révélateur de l’ambition intellectuelle du ministère pour le bon peuple.

Cette bibliothèque orpheline vous donne envie de l’adopter, de trouver les moyens de la fournir correctement avec des ouvrages variés des auteurs des différents continents, d’y mettre des magazines qui donnent envie de lire et d’y organiser des ateliers de lecture pour jeunes et moins jeunes. On a envie de grimper sur le toit avec un seau de peinture et de redonner un coup de pinceau à ce vieux bâtiment, un ancien couvent peut-être, qui forme partie du patrimoine. Le bassin vide réclame d’être à nouveau rempli et un peu plus d’eau et un peu plus d’amour tous les jours feront revivre les plantes chétives et redonneront aux feuilles des grands arbres plus d’éclat.

Dans ce quartier béni des mannes financières, la bibliothèque est sans aucun doute le parent pauvre du développement. Sans en faire une affaire d’Etat, c’est dire, l’intérêt que portent certains aux biens de la République.

Face au monologue

A moins de se tromper complètement, on a le pressentiment qu’on court droit dans le mur. Alors que la paupérisation de l’Europe est bien enclenchée, que les hôtels ont tourné au ralenti pendant des mois, que Indiens et Chinois ne rêvent pas de Maurice tous les soirs et que la Russie est une chronique d’un dépeuplement annoncé, les grands projets d’agrandissement vont bon train. A Trou aux Biches, tracteurs et bulldozers défrichent, éventrent et déterrent allègrement. En face de la nouvelle Police Station flambant neuve, symbole du maintien efficace de law and order, quelques filaos attendent leur sort. La plage publique a bel et bien été grignotée par l’expansion du parc hôtelier. Y a-t-il des économistes ou les têtes pensantes de l’UOM qui pourront offrir un débat éclairé au public à la MBC sur la viabilité de tels projets? Où investir les profits des hôtels?

Il a suffi que les habitants protestent pour que tout projet de commerce aux alentours de la plage de Mon Choisy soit enterré. Déjà qu’un des hôtels les plus laids est un eyesore en face de la plage. Une des figures de la restauration de Grand Baie bénéficiant de protection, en guise de récompense de financement de campagne électorale, a failli y implanter un autre restaurant à la place des toilettes publiques. La réaction du public ne s’est pas fait attendre. Les contrats alloués en catimini, les habitants n’ont pas vu le coup venir. Un peuple qui commence à peine à vivre mieux depuis une quinzaine d’années a droit aux loisirs dans son environnement naturel, ne serait-ce que de se promener, se détendre ou se baigner et, pour ceux qui le désirent, de découvrir les îles au large des côtes.

On se souvient du projet de restaurant au Jardin botanique de Pamplemousses ; encore un copain de ceux qui se croient élus pour disposer des terres de la République comme bon leur semble.

Face au monologue de la République et la course folle du secteur hôtelier, il y a l’opinion publique. Si tant est qu’elle veuille sortir de son silence et qu’elle s’organise pour faire entendre sa voix comme à Mon Choisy.

Mon Choisy, c’est un plaisir

Quel bonheur cette plage ! En cette fin d’après-midi, quelques enfants se baignent encore dans le lagon. L’eau est un peu trouble, toutefois. Les adultes se détendent sous les filaos. Sa moto garée tout près, Mahmoud nourrit les oiseaux avec des miettes de pain qu’il emporte dans un sac. C’est un rendez-vous quotidien, dit-il. Moineaux et pigeons picorent ça et là et même sur ses jambes. Fixant la boule de feu à l’horizon, il reste absorbé dans ses pensées. Mais une fois sur sa lancée, il n’arrête plus. Il en veut à tout le monde, au gouvernement à cause des taxes, à la police pour les excess et son incompétence dans les affaires criminelles, au Premier ministre pour moult raisons, à Maurice qui ne sera jamais Singapour en raison de l’indiscipline et de la corruption et au monde entier qui voit le terrorisme partout.

En l’écoutant, Singh esquisse un sourire. Il a emmené son fils se décompresser à la plage avant les examens. Laurent ne répond pas. Il vient régulièrement donner des cours de natation aux enfants bénévolement. La boule de feu, sur le point de disparaître, éclaire encore l’horizon de quelques rayons orangés. Enveloppés dans leur serviette, les enfants contemplent cette merveille en silence. Mahmoud s’est tu et fixe le soleil couchant d’un regard intense. Laurent s’apprête à partir. Que voulez-vous que je fasse de ce que j’ai appris ? J’ai voyagé, j’ai vécu et j’ai appris des choses. Je ne les emporterai pas dans ma tombe. Alors, je transmets.

Il forme partie des Forces Vives. Plus loin, agents colleurs d’affiches convertis en loueurs de transats plument les touristes. Nouveau métier et nouvelle arnaque. Prix à la journée pour un transat: 500 roupies. 400 roupies, il y a quelques mois.

Il y en a qui ne manquent pas d’air.

Veillez bien sur Mon Choisy, Laurent.


* Published in print edition on 29 October 2010

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