« Le poêlon sera chaud pour le prochain gouvernement »

Interview: Cader Sayed-Hossen

« Nous avons affaire à des gouvernants gourmands et un grand secteur privé naturellement gourmand…

Dans une société telle que la nôtre, où existent de telles inégalités de détention des ressources économiques, il ne peut y avoir de justice sociale »

Nous n’avons aucune appréhension en ce qui concerne les résultats des prochaines élections. Notre défaite de 2014 n’a rien à voir avec quelque notion de « highest bidder »’

Célébrer la fête de l’Indépendance : Célébrer l’autonomie et l’émancipation des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes qui vivent sur le sol mauricien. Prise de conscience de l’étendue du territoire de la République de Maurice et des défis guettant les citoyens. C’est Cader Sayed-Hossen, homme engagé politiquement et socialement depuis des années, qui nous donne son opinion à propos de l’évolution du paysage politique et économique de son pays depuis 51 ans. 

Mauritius Times : A voir les souhaits d’anniversaire qui ont circulé sur les réseaux sociaux et le nombre croissant de Mauriciens qui ont déployé le drapeau national à leur domicile ou sur le toit de leur voiture cette semaine-ci, il semblerait que le sentiment d’appartenance à la République prend de l’ampleur. Faut-il aussi reconnaitre que la liste de décorés paraît moins politique — ce qui constitue une « rupture » –, on peut même déceler une volonté de reconnaître le mérite. Ce n’est pas mal pour un 51e anniversaire de l’indépendance, non ?

Cader Sayed-Hossen : Cela fait quand même longtemps que le sentiment d’appartenance à la nation est un sentiment fort parmi nos compatriotes. Malheureusement, pendant longtemps, on a établi une fausse dichotomie, presque une contradiction coupable, entre l’appartenance à la nation et l’appartenance à une entité religieuse ou ethnique – ou autre.

Une telle attitude tient pour acquis qu’un individu ne peut avoir qu’une seule et unique identité, et oublie qu’en fait nous avons – tous – dans le monde entier, des identités multiples – nationale, religieuse, ethnique, idéologique, sexuelle, etc.

Et, de manière générale, une identité contredit rarement l’autre ou les autres. Je ne dirais pas que l’exercice d’élaboration de l’identité nationale est complétée, mais il est en très bonne voie – surtout quand nous considérons que nous sommes une nation très jeune.

Cela étant dit, il ne faut pas trouver de « rupture » dans la liste des décorés pour trois raisons.

Premièrement, la liste des décorés a toujours été très peu « politique ».

Deuxièmement, je connais beaucoup de personnes d’inclination travailliste et toutes aussi méritantes d’être décorées, mais aucun de ces noms ne figure sur la liste.

Troisièmement, il est aussi normal que des personnalités politiques soient décorées. Et soyons sérieux, qui ce gouvernement pouvait-il décorer ? Karo kann ? Kala prison ? Bal coulere ? Sekspire ?

* Passons. S’il y a un consensus sur les effets bénéfiques de l’indépendance pour la grande majorité des Mauriciens durant ces 50 dernières années, comment se présentent les choses aujourd’hui ?

La question des effets bénéfiques de l’indépendance ne se pose même pas. Mais je suppose que vous donnez à votre question un biais social et économique. La République et la Nation sont des entités qui sont en construction permanente et, 50 ans après, cette élaboration se poursuit comme elle se poursuivra encore dans 50, 100 ou 200 ans.

Personnellement, je me fais peu de soucis sur l’avenir du sentiment national. Je ne pense pas être sur-optimiste, mais je suis convaincu que le sentiment national ira en se consolidant et en se renforçant. Pour la simple raison que nous avons intégré le vivre-ensemble non seulement parce que les hasards de l’Histoire nous l’imposent comme option unique mais aussi, et peut-être surtout, parce que nous sommes un peuple généreux et foncièrement bon.

Donc, quelque soient les soubresauts épisodiques, les blocages qui surgissent ou resurgissent de temps en temps et quelque soient les obstacles que des esprits et des mouvements et politiciens obscurantistes puissent ériger pour créer des divisions communautaristes, les choses se présentent de manière positive.

* On attribue le développement qu’a connu le pays et qui a permis de sortir des milliers de personnes de la pauvreté au “contrat social” négocié par les dirigeants politiques de l’après-indépendance et les capitaines de l’industrie et du commerce. Le PTr avait plaidé, par la voix de Rama Sithanen, en faveur d’un autre «contrat social » lors de la campagne électorale précédant les élections générales de 2005 et récemment encore. L’exigence d’un tel contrat est-elle toujours d’actualité ?

Au vu de la situation économique et sociale, cette exigence est non seulement toujours d’actualité, mais plus nécessaire que jamais. Au bout du mandat du Gouvernement Lepep, que voyons-nous ? Une forte croissance des inégalités économiques, une croissance du PNB qui s’appuie de manière insoutenable sur les grands travaux d’infrastructures publiques financés par une augmentation massive de la dette publique, une chute vertigineuse du taux d’épargne autant public que privé et du taux d’investissement du secteur privé, un grand secteur privé local qui n’investit plus dans des secteurs productifs et qui se contente, avec la complicité du Gouvernement des Jugnauth, de tirer des plus-values de sa situation de grand propriétaire terrien, une augmentation inacceptable du coût de la vie, entre autres.

Ce qui existe actuellement est un contrat de partage des ressources nationales entre le Gouvernement Jugnauth, plus particulièrement La Kwizinn, et le grand secteur privé. Le peuple est exclu de ce contrat. Nous avons affaire à des gouvernants gourmands et un grand secteur privé naturellement gourmand.

Dans une société telle que la nôtre, où existent de telles inégalités de détention des ressources économiques, il ne peut y avoir de justice sociale et économique sans une régulation adéquate des activités du grand secteur privé.

Par conséquent, pour établir un véritable contrat social, il faut que le peuple évince le Gouvernement Jugnauth et que le prochain gouvernement travailliste régule le grand secteur privé dans des secteurs tels que le commerce, la banque, le foncier.

 * Vous prônez donc un autoritarisme étatique en matière d’économie ?

Absolument pas. Soyons honnêtes et parlons vrai.

Tout secteur privé est naturellement gourmand. C’est son propre et je ne passe pas de jugement de valeur. Mais la responsabilité d’une autorité politique qui souhaite la justice sociale ne peut pas tout simplement s’accommoder d’un tel état des choses et adopter une politique de laisser-faire.

Une règlementation économique adéquate est nécessaire afin que les ressources nationales et les fruits de leur mise en valeur puissent bénéficier à tous. Ceci est pour nous une nécessité – non seulement pour établir une paix sociale à long terme, mais ceci s’impose comme obligation morale et éthique dans un pays où règnent de telles inégalités sociales. Il n’est pas du tout question d’autoritarisme étatique.

Prenez un pays comme la Norvège. Ce pays a un mode économique capitaliste, mais sa population est protégée par un Etat Providence extrêmement développé, 70% de ses employés sont protégés par des syndicats forts et près de 85% de son PNB est produit par des entreprises ou appartenant à l’Etat ou par des entreprises où l’Etat a un contrôle régulatoire.

Laissez-moi préciser ma pensée sur le fameux « contrat social ». Qui dit « contrat » sous-entend un accord, un consensus, un objectif commun pour la mise en marche du dit contrat. Il faudrait cependant que le grand secteur privé joue le jeu.

* Qu’est-ce qui expliquerait cette aggravation des inégalités dans notre société ces dernières années ? Est-ce en raison de l’incapacité des gouvernements récents d’arbitrer comme il se doit ?

 Réduire les inégalités dans une société qui émerge de la colonisation avec une économie de plantation – et où, par définition, la richesse est la propriété foncière et où cette richesse est concentrée entre les mains d’une toute petite minorité, une oligarchie sucrière dans notre cas, est une tâche extrêmement difficile.

Entre 2005 et 2014, le programme de démocratisation de l’économie du Premier ministre, Navin Ramgoolam, a fait des percées très substantielles dans ce domaine avec l’assistance aux PME, la reforme cannière, la facilitation des opérations des affaires, principalement des PME, les initiatives d’intégration sociale, entre autres.

Mais, pratiquement, tous ces programmes ont été discontinués sous le régime Jugnauth. Et pour empirer les choses, les grands barons de l’économie se sont vus octroyer par le régime Jugnauth des facilités scandaleuses pour leurs projets de développement foncier – principalement les Smart Cities, un deal encore plus inégal et scandaleux que le fameux mari Deal Ilovo – sans aucune contrepartie pour l’Etat.

Et, ce faisant, le Gouvernement Lepep a encouragé ce grand secteur privé à renforcer sa position de classe rentière et à concentrer la majeure partie de ses investissements dans l’immobilier – au détriment des investissements dans le secteur industriel et agro-industriel, secteur dans lequel les investissements ont massivement baissé.

Il ne faut surtout pas mélanger les torchons avec les serviettes. Alors que la démocratisation de l’économie était une priorité pour le Premier ministre Ramgoolam du précédent gouvernement et ce dernier en avait fait une politique active, ce concept n’existe même pas dans le vocabulaire ou la pensée des Jugnauth.

* Les gouvernements se sont donc affaiblis au fil des années face à différents groupes d’intérêts en raison de l’influence de plus en plus envahissante des forces néolibérales dans l’économie sur la politique et la gouvernance publique – c’est ça ?

Non, ce n’est absolument pas ça. D’un côté, il est totalement vrai que les forces néo-libérales font jouer leur influence de plus en plus envahissante dans l’économie, la politique et la gouvernance publique.

Si un gouvernement est guidé par des principes de justice sociale, comme l’était le gouvernement de Navin Ramgoolam, il est de son devoir de résister à cette influence et d’agir pour le bien-être général. Souvenez-vous de cet épisode de signature de l’accord avec l’Union européenne pour réformer l’industrie sucrière pour que Maurice puisse bénéficier d’une somme conséquente en mesures d’accompagnement.

Navin Ramgoolam avait alors posé aux barons sucriers des conditions incluant une dose de réforme foncière, de nouvelles conditions pour les petits planteurs et pour les métayers, entre autres. Les dits barons sucriers y ont opposé une très forte résistance, convaincus que Navin Ramgoolam allait céder à leurs pressions alors que s’approchait la date limite pour un accord. Mais il n’en fut rien et, finalement, le grand secteur sucrier a été obligé d’accepter les conditions de Navin Ramgoolam. Et ce que je vous raconte n’est qu’un épisode parmi tant d’autres.

Mais, sous Pravind Jugnauth, les choses sont complètement différentes. Alors que Navin Ramgoolam s’oppose au grand capital pour le bien général, Pravind Jugnauth, lui, dépèce Rawat et Bhunjun et s’accroupit devant le grand capital.

Mais, pour véritablement lutter contre les inégalités croissantes dans notre société, au sein d’un monde en mutation constante, il nous faudra un paradigme socio-économique nouveau.

* Quel devrait être, selon vous, la place ou le rôle du parti travailliste dans ce nouveau contexte socio-économique et politique ?

Le Parti Travailliste est le seul parti capable d’assumer une place et de jouer un rôle de moteur de changement social dans ce nouveau contexte. Il en a les capacités de management et il a la vision d’une société plus juste, plus équilibrée et plus inclusive, non à travers des mesures à la va vite comme sous Lepep, mais à travers un développement à long terme durable et inclusif. Le Parti Travailliste est la seule force politique avec le leadership nécessaire pour effectuer les profonds changements nécessaires dans notre société.

Une nouvelle politique économique où le secteur privé est amené à jouer un rôle d’investisseur dans des secteurs productifs et modernes prenant en compte l’environnement économique international, une politique de l’environnement digne de ce nom, la poursuite de l’émancipation des femmes déjà entamée depuis 2005, une politique industrielle qui prenne en compte tous les défis internationaux, un développement qui prenne en compte les aspirations d’une jeunesse capable et ambitieuse : il n’y a que le Parti Travailliste qui soit capable de relever de tels défis.

 * Mais il n’y a manifestement pas eu de changement de paradigme interne depuis décembre 2014. Craignez-vous que le PTr ne conserve pas sa pertinence politique dans les années à venir ?

 Vous savez probablement comment les anciens Grecs définissaient la politique ? Les affaires de la cité, puisqu’ils étaient organisés en cités. A notre époque, il s’agit des affaires de la Nation.

D’accord, ni le paradigme interne ni la philosophie politique du Parti Travailliste n’a changé. La pensée et l’action du Parti Travailliste s’inspirent toujours et encore de la nécessité de changer en mieux la société, de représenter ceux que le développement économique sauvage guidé par un libéralisme débridé laisse au bord de la route, ceux que l’Histoire menace d’oublier. Penser le contraire équivaut à se dire que tout va bien: fermons les yeux et laissons faire.

Mais le Parti Travailliste n’est pas que cela. Le Parti Travailliste, c’est aussi un leadership national, c’est une capacité confirmée de gestion des affaires publiques, une gouvernance publique prouvée et une diplomatie éclatante de succès. Reprenons uniquement ce dernier point avec quelques exemples. Maurice existe dans un environnement politique et économique international qui se caractérise par des crises, des conflits latents et une concurrence de plus en plus effrénée pour des marchés.

La diplomatie politique et économique du Parti Travailliste, en fait de Navin Ramgoolam lui-même,

  • a obtenu l’inclusion de Maurice parmi les pays sub-sahariens dans le cadre de l’AGOA (Africa Growth and Opportunity Act),
  • a ouvert le marché américain à un grand nombre de produits mauriciens;
  • a massivement augmenté la superficie de notre zone maritime à travers des négociations avec les Seychelles;
  • a obtenu la cogestion avec la France de Tromelin,
  • a maintenu contre de multiples pressions des autorités indiennes le maintien de l’Accord de Non-Double Imposition avec l’Inde – jusqu’à ce que le gouvernement Jugnauth aille brader cet accord en l’espace de quelques jours;
  • a fait de la question des Chagos une affaire internationale en initiant un procès contre la Grande Bretagne auprès de la Cour Internationale de Justice – procès qui vient de déboucher sur un succès pour Maurice, un succès que les Jugnauth accaparent sans aucune honte.

Aussi longtemps qu’existeront les inégalités dans notre société et aussi longtemps qu’il nous faudra nous battre sur la scène internationale, le Parti Travailliste et son combat resteront profondément pertinents. Mieux encore, il sera incontournable.

* Le PTr avait critiqué l’annonce concernant l’augmentation de la pension de vieillesse faite par l’Alliance Lepep en décembre 2014. Cette promesse électorale fut très probablement un facteur déterminant dans la victoire électorale des ‘Lepeps’ lors des dernières législatives. Conseilleriez-vous à la direction du PTr de s’opposer à toute nouvelle augmentation de cette pension si l’actuel Gouvernement devait revenir avec une telle proposition en 2019 ?

 Ce n’est pas l’augmentation de la pension de troisième âge que nous avons critiquée, mais la manière dont elle a été annoncée et qui en faisait une bribe électorale.

Nous avons aussi dit qu’il fallait que la création des richesses (croissance réelle du PNB) suive afin que les mesures « faire la bouce dou » de Lepep ne créent pas un endettement qui pourrait devenir insoutenable.

Mais souvenez-vous de ce qui s’est vraiment passé. Le Gouvernement Lepep a augmenté la pension de troisième âge de 23%, et en l’espace des trois mois qui ont suivi, la roupie a été dépréciée de 28% par rapport au dollar US, notre principale monnaie d’importation.

Le résultat a été que non seulement cette augmentation de la pension a été immédiatement annulée par cette dépréciation, mais le pouvoir d’achat de la pension de troisième âge a immédiatement baissé de 5%.

En fin de compte, cette augmentation de la pension de troisième âge a été une honteuse tromperie. Comment pouvez-vous imaginer que quelqu’un au Parti Travailliste s’opposerait à une augmentation de la pension de troisième âge ? Vous semblez oublier que la première augmentation conséquente (de presque 100%) a été accordée par le Parti Travailliste – quand Navin Ramgoolam l’a annoncée le soir même de sa victoire électorale en 1995.

 * Appréhendez-vous toutefois les conséquences politiques d’une nouvelle hausse de la pension de vieillesse sur le résultat des prochaines élections ? Craignez-vous que les électeurs choisissent encore « the highest bidder » ?

Nous n’avons aucune appréhension en ce qui concerne les résultats des prochaines élections. Notre défaite de 2014 n’a rien à voir avec quelque notion de « highest bidder ». Les raisons sont ailleurs.

Mais, par ailleurs, il est normal que la population choisisse un camp si elle pense que ce dernier est en mesure de répondre le mieux à ses attentes – en y incluant ses attentes d’ordre financier. Et, de ce point de vue, la campagne de l’Alliance Lepep en 2014 a été une tromperie énorme, une campagne basée sur des mensonges et des promesses dont ladite Alliance Lepep savait qu’elles ne seraient jamais tenues parce qu’elle n’avait à aucun moment l’intention de tenir ces promesses.

Je le répète, nous n’avons aucune appréhension. Apres avoir goûté pendant près de 5 ans à la gouvernance Lepep qui serait caractérisé, entend-on dire, par la braderie des ressources publiques, la corruption généralisée, le népotisme outrancier, la complicité avec le grand capital pour plumer le peuple, et surtout, une incompétence totale en ce qui concerne la gestion des affaires publiques, comme la santé ou l’éducation, sans parler des scandales qui éclaboussent la plupart de leurs députés et ministres, il n’y a aucun doute que la nation aura vite fait de se débarrasser de ce Gouvernement à la première occasion.

* Qu’en est-il du coût économique de telles mesures et de leurs conséquences sur l’économie mauricienne à moyen et long termes ? Le poêlon sera-t-il chaud pour le prochain gouvernement et en particulier pour son ministre des Finances ?

Oui, le poêlon sera chaud pour le prochain gouvernement, mais pour des raisons de mismanagement de l’économie par le gouvernement Jugnauth :

  • disparition de la confiance des investisseurs, locaux et étrangers,
  • déficit budgétaire systématique,
  • envolée de l’endettement public,
  • un PNB lourdement dépendant d’investissements publics eux-mêmes financés par des emprunts.

Il faudra rétablir la confiance, rétablir un meilleur équilibre budgétaire, réduire la dette publique tout en investissant dans l’amélioration des services publics, dont la santé et l’éducation, sans compter le nécessaire soutien aux PME et autres entrepreneurs émergeants.

Mais n’oubliez pas que nous avions hérité en 2005 d’une situation également catastrophique, laissée par le ministre des Finances d’alors (et qui était le même Pravind Jugnauth qui est aussi ministre des Finances dans le gouvernement actuel…) et nous avions redressé la situation économique du pays en quelques années – ceci en dépit de la crise financière et de la crise économique qui avaient frappé le monde à partir de 2008.

Arrivé à la fin de son présent mandat, Pravind Jugnauth va nous laisser dans la même pagaille qu’en 2005. Et le plus tôt il évacuera la scène, mieux cela vaudra pour le pays.

* Tout récemment, plusieurs usines de textile ont mis la clé sous la porte, plus de 2000 employés de ce secteur se retrouvent au chômage et d’autres usines menacent de fermer. Quelle est votre lecture de la situation dans ce secteur ?

Plusieurs points importants sont à noter. Nous avons lu et entendu quelques avis de soi-disant experts selon lesquels le textile est une industrie mourante (sunset industry). Le secteur du textile (textiles and clothing) représente entre 8% et 10% du PNB et emploie plus de 40,000 personnes, sans compter toutes les activités et emplois que ce secteur génère en amont et en aval.

Le textile reste pour nous un secteur stratégique. Le problème, c’est que depuis 2015, l’actuel gouvernement a laissé ce secteur à l’abandon. Les problèmes majeurs auxquels fait face le textile ne datent pas d’hier. Déjà, au début de 2016, les industriels du textile ont tiré la sonnette d’alarme, mais le ministre de l’Industrie n’aurait rien compris. En fait le ministère de l’Industrie serait inexistant. Le ministre des Finances Pravind Jugnauth est plus occupé à repeindre en orange les lieux publics de sa circonscription que de se soucier du devenir économique du pays dont il aurait usurpé la charge.

Le soutien des banques à ce secteur est maintenant quasi-inexistant, cette institution très importante qu’est Enterprise Mauritius, qui a soutenu et contribué aux efforts marketing à l’international de nos industriels, a été démembrée ; les autorités refusent tout dialogue avec les industriels ; les procédures administratives sont devenues interminables et terriblement longues pour des choses très basiques comme l’importation de matières premières, l’exportation de produits manufacturés et les demandes pour des travailleurs étrangers – alors que la concurrence internationale se fait de plus en plus dure.

Le Gouvernement Jugnauth pousse même la mesquinerie jusqu’à harceler les industriels soupçonnés de sympathie travailliste. En deux mots, de 2003 à 2005, Pravind Jugnauth était ministre des Finances. Le résultat ? En 2005 Paul Bérenger, alors Premier ministre déclarait lui-même que Maurice était « en état d’urgence économique » et que la crise était « sans précédent ». Jayen Cuttaree, lui, déclarait que nous « perdions des emplois à une vitesse vertigineuse ». En 2019, c’est toujours le même Pravind Jugnauth qui est ministre des Finances et nous avons encore la même situation économique catastrophique.

* Cependant, le sentiment qui prévaut actuellement indique une amélioration de la cote de popularité du Gouvernement, surtout depuis la double victoire au Privy Council et devant la Cour internationale de justice. Par ailleurs, la classe ouvrière s’en sort mieux depuis l’introduction du salaire minimal – même si les riches se sont peut-être enrichis sous l’actuel gouvernement et le précédent — c’est indéniable, n’est-ce pas ?

De quelle double victoire parlez-vous ? Prenons le jugement du Privy Council en faveur de Pravind Jugnauth. La situation actuelle de Pravind Jugnauth est celle d’un individu accusé d’être un criminel de droit commun, condamné par des magistrats et acquitté en dernière instance. Rien de moins.

Ses partisans pensent qu’il mérite d’être félicité pour avoir échappé à un séjour d’un an à la prison de Melrose ? Soit. Mais

  • toujours est-il que la soi-disant clinique que l’Etat a achetée pendant qu’il était ministre des Finances appartenait à sa sœur ;
  • toujours est-il que la réévaluation de ladite clinique a été faite à la demande de la ministre de la Santé d’alors, proche de Pravind Jugnauth, et a fait passer sa valeur de Rs 75 millions à Rs 144 millions ;
  • et toujours est-il qu’un chèque a été signé un 31 décembre vraisemblablement pour éviter à un proche du pouvoir de payer à l’Etat la ‘Capital Gains Tax’.

En ce qui concerne l’opinion émise par les juges de la CIJ, favorable à Maurice, évidemment nous nous en réjouissons tous. Sir Anerood Jugnauth n’a même pas eu la décence de reconnaitre que toute cette procédure a été initiée par Navin Ramgoolam et que, lui, Sir Anerood Jugnauth n’a fait qu’être là dans le dernier épisode. Evidemment, force est de constater que la décence n’est pas le fort de cette personnalité.


* Published in print edition on 15 March 2019

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