Maurice : Le bon élève, le premier de la classe ?

Réflexions sur notre système de santé public

Le Cafard Enchaîné

La Santé a été, avec sa sœur jumelle l’Education, un des piliers du développement économique de notre pays. Cependant, alors qu’il existe autour de l’éducation, une réflexion constante sur les meilleurs moyens pour la rendre plus équitable, plus compétitive et adaptée aux besoins du siècle, il est malheureux de constater que rien de tel ne se passe pour la santé. Sauf, de temps en temps, quelques écrits furtifs traitent davantage les symptômes plutôt que le mal. Le système de santé mauricien est une copie du National Health Service anglais des années 60 et elle a très peu évolué depuis. Comprenons nous bien, nous parlons ici de système de santé et non de bâtiments nouveaux ou d’équipements nouveaux ou du service hôtelier des hôpitaux. Sur ce point, force est de constater que les différents gouvernements n’ont jamais lésiné sur les moyens pour doter le pays des meilleurs bâtiments et des meilleurs équipements. Mais, malheureusement, cela ne suffit pas car ceux-ci sont certes essentiels mais ne concernent que le ‘hardware’ et non le ‘software’ du système.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne nous a classé qu’à la 84e place en terme de performance alors que nous consacrons plus de 4.5 % de notre produit intérieur brut à la santé c’est-à-dire mieux que la Malaisie ou la Thaïlande qui eux n’y consacrent que 4.2% de leur PIB mais qui se retrouvent à la 49e et 47e places respectivement. De même, selon l’OMS, le système de santé mauricien ne fonctionnerait qu’à 70% de sa capacité réelle.

L’OMC, lui, nous classifie parmi les ‘Upper Middle Income Countries’. Il est donc important que l’on se compare avec les pays de cette tranche-là et non pas avec les pays de la zone Afrique qui, eux, se retrouvent le plus souvent parmi les ‘least developed countries’ ou les ‘Low Income Countries’. Nous ne l’avons fait que trop souvent, surtout lors des conférences internationales où Maurice a la réputation d’être le bon élève, le premier de la classe. Il est urgent que l’on modifie cette attitude suffisante qui nous caractérise et que l’on montre plus d’humilité. Comparons-nous donc à la Malaisie, la Thaïlande ou le Chili.

En premier lieu, il faut bien souligner que le système tel qu’il est aujourd’hui, ne ressemble en rien, ni de loin ni de près, à ce qui se fait dans les pays européens ou autre pays développés. Il s’apparenterait beaucoup plus à ce qui se fait dans les petits hôpitaux publics en Inde. Je dis bien, public et non privé, car les groupes indiens comme Apollo ou Fortis n’ont rien à envier aux meilleurs sur le plan international. J’utilise aussi l’adjectif « petit » car certains « grands » hôpitaux publics en Inde pourvoient des soins de grande qualité.

Que faire ? Tout simplement, l’on devrait avoir le courage de faire ce qui se fait dans les pays développés.

  1. Tout d’abord, transformer nos hôpitaux en centre hospitaliers universitaires (teaching hospitals). Il faudrait une étroite collaboration entre l’université et les hôpitaux. Comment voulez vous, sans ça, intégrer la dimension recherche et développement dans la chaîne de valeurs ? Il est malheureux de constater qu’il n’existe toujours pas de faculté de médecine, de pharmacie et d’art dentaire à l’université de Maurice. Ce n’est qu’à ce prix qu’une réflexion constante, source d’innovation, pourrait s’engager. Nous avons pris là 50 ans de retard. Nous ne pouvons être compétitifs en misant sur des formations extérieures ou privées. Pour bien comprendre cela, nous n’avons qu’à nous référer à l’industrie sucrière qui doit sa compétitivité en grande partie à la MSIRI.
  2. Créer un cadre légal solide pour la recherche et les essais cliniques. Il n’existe pas un pays développé où les essais cliniques n’existent pas. La recherche et les essais cliniques apportent dans leur sillage la création des institutions nouvelles comme les comités d’éthique et de bioéthique. Ils sont source de connaissances et de savoir-faire nouveaux grâce aux partenariats internationaux.
  3. Le plus difficile, sans doute, serait de revoir les soins en termes de chaîne de valeurs. Le but principal des services de santé devrait être, in fine, la création de valeurs pour les patients. L’accès aux soins, le volume, la diminution des coûts ou le confort du patient ne sont que des effets secondaires de la création de valeurs. Il s’agit tout simplement, pour chaque service, d’intégrer dans une chaîne de valeurs les différentes composantes telles que l’information, la prévention, le diagnostic, l’accès aux soins, l’intervention médicale, la convalescence, etc. Et, à chaque étape, créer de la valeur. Il s’agit de repenser le système en termes de chaîne de valeurs comme on le ferait pour une entreprise. Ce n’est qu’à ce prix seulement que nous pourrons prétendre à un système digne de ce siècle.

Finalement, il est temps d’enlever la santé à cette étouffante mainmise des administrateurs qui, de par leur ignorance, la maintient dans un sous-développement inacceptable. La délivrance d’une technologie médicale du 21e siècle ne peut se faire avec des méthodes de management qui n’ont guère évolué depuis l’Indépendance.


* Published in print edition on 28 January 2011

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