La Saga Bad Boys

By Nita Chicooree-Mercier

Un pavé dans la mare, censé éclabousser quelques-uns à col blanc immaculé, est-ce bien à cela que se réduit toute cette affaire qui défraie la chronique ? Les principaux concernés se rebiffent, certains jouent aux vierges effarouchées tant leur innocence est indiscutable, un est contraint de vider les hauts lieux, un autre disparaît du radar de l’ICAC, mais tous sont prêts à montrer patte blanche.

Nous voilà rassurés ? Eh bien, non. Pour le public qui se rend aux urnes tous les cinq ans, ceux qui réclament des commissions d’enquête à tout bout de champ et ceux qui aiment les commissions sont interchangeables. C’est l’épine au cœur du problème.

Il faut croire que le pays arc-en-ciel est doué pour figurer sur les listes des instances internationales – noire, grise ou rouge. Les accusations de blanchiment d’argent sont rejetées en brandissant la juridiction qui régule le transfert des capitaux et les compagnies offshore. Difficile de convaincre une institution financière mondiale peu encline à entrer dans le jeu de séduction des acteurs locaux !

En même temps, la transparence proclamée par les gouvernants laisse un goût mi-figue mi-raisin à un public qui s’interroge sur la volonté des gouvernants de fermer les yeux parfois sur la légalité des flux financiers d’investissement.

Le ministre de la Justice de la République démocratique du Congo, l’équivalent de l’Attorney General, se fait épingler pour faux et usage de faux et est sommé de démissionner en attendant son procès. Ici, il y a quelques années, un ministre avait fait fi de l’interdiction de voyager émis par la police à un trafiquant impliqué dans le blanchiment d’argent et avait autorisé, par courrier ministériel, le malfrat à reprendre son périple vers des destinations douteuses.

Aucun procès n’a été intenté à ce ministre qui s’est autorisé à pavoiser tout sourire et sans gêne au parlement. Ce comportement toléré par un laxisme certain indique une grave crise morale rongeant le pays. C’est l’absence même de tout sens moral. Avec de tels boulets, il serait présomptueux de jouer l’innocent auprès de l’Union européenne (UE) et consorts.

Quant au financement du terrorisme, silence radio alors qu’il faut répondre au blâme porté par l’UE. Quelle suite a-t-on donné à la cargaison d’armes qui apparemment se dirigeait vers Port-Louis il y a quelques années de cela ? C’est la responsabilité et le devoir du gouvernement de faire toute la lumière sur cette affaire. Des actions ponctuelles discrètes et sans bruit menées par les services de renseignement montreraient qu’il y aurait une volonté de surveiller et de traquer toute association de malfrats malintentionnés et de veiller à préserver la paix.

Mais que l’Etat garde l’œil sur les allées et venues des personnes suspectes locales et d’autres expédiées des contrées peu fiables, cela ne suffit pas. Faut-il encore savoir repérer ceux qui propagent une idéologie radicale sous couvert d’un discours en apparence modéré et soft surtout quand les colonnes de la presse leur sont ouvertes pour les articles et interviews, et qu’entre eux et leurs groupies journalistes, les compliments s’échangeraient en toute réciprocité.

Commissions, pots de vin, enrichissement à coup de baguette magique, campement à Rs 40 millions : le public est témoin de plusieurs cas où la politique serait la porte d’entrée d’un Eden où l’argent pousse sur les arbres. Avec un peu de cynisme, on pourrait presque conseiller aux jeunes diplômés et les sans diplômes de s’engager en politique car c’est la voie royale au favoritisme et à l’argent facile. D’abord comme agent politique car il faut récompenser tous les canvassers, colleurs d’affiches, organisateurs de réunions politiques en période électorale.

Les quelques cas impliquant les partis aux couleurs différentes qui parviennent à nos oreilles laissent pantois. Une générosité débordante pour un simple moniteur de sports, plusieurs lots de terrains dans un quartier résidentiel huppé plus une maison. La vie en rêve bleu…

Un receveur d’autobus se retrouve entrepreneur dans la construction depuis une bonne dizaine d’années avec contrats obtenus sous parrainage politicien. Acquisition des biens à une vitesse éclair. Un changement de fortune qui suscite des interrogations. Au changement d’équipe aux élections, aucune hésitation de se tourner là où le soleil brille encore pour lui.

Cet autre aurait obtenu depuis des années, en échange de contribution financière en période électorale et de loyauté du vote bank de minorité, des contrats octroyés par l’Etat pour l’approvisionnement de l’essence et la livraison de ciment. Une enquête, quartier par quartier, lèverait-elle le voile sur la fortune inespérée des biens de certains proches du pouvoir politique, et ce, par conflit d’intérêt et favoritisme ?

Les cas des seniors Grade 3 nommés et, ensuite, promus chefs par favoritisme politicien dans les corps paraétatiques, CWA et Sécurité sociale valent qu’on en fasse un véritable rapport depuis des années que le même parti laxiste agirait par clientélisme. Le hic, c’est que ces nominés qui restent au ras des pâquerettes dans leur fonction ne peuvent plus être délogés au changement d’équipe gouvernementale. Et tout passerait alors sous silence…

Et allez prêcher la bonne parole aux étudiants et vantez les vertus de la méritocratie. C’est quand même terrible de voir les médiocres hissés au rang de chef et diriger des gens plus méritants. C’est le plus grand fléau qui freine un véritable développement de ce pays dans différents domaines.

Pris au dépourvu par les récentes révélations sur la saga des bad boys, les indignés et indignées habituels ont perdu de leur verve, quelque peu déstabilisés par la tournure que prend l’accusation de pots-de-vin autour des turbines. Les voix se font petites, la prose moins agressive. Le public se pince le nez devant un énième cas de pot de chambre nauséabond. D’autres cas sont passés inaperçus pour le grand bonheur des bénéficiaires, se dit-on. Dans la série des bad boys les nouveaux noms s’ajoutent à la fratrie et ne font qu’assurer la continuité pour ne pas rompre avec une pratique clandestine qui se monnaie par millions, entend-on.

 C’est un peu le flou qui entoure le résumé expédié par la Banque africaine de développement, et livré au compte-gouttes.

 S’il s’avère que tout cela n’est pas farfelu, cela aura l’effet d’une bombe. A se demander quel degré de connivence existe entre les gouvernants et l’opposition dans les coulisses du pouvoir étant donné les tractations. Cette affaire en cacherait-elle d’autres ? Si oui, on peut dire : You ain’t see anything yet.

Tout cela ne présage rien de bon pour l’image du pays, la confiance dans la gouvernance et le moral du public, qui tire vers la morosité en cette période post-pandémie. La confiance du public s’orientera plutôt vers la justice du Danemark, ce pays du Nord qui ne plaisante pas avec les cas de corruption et sur lequel on peut compter pour faire éclater toute la vérité.


* Published in print edition on 30 June 2020

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