Le Boa, La Tortue et la Petite le Pen

By Joseph J.A. Varondin

Ce n’est pas une fable, c’est un constat matériel qui ne se veut ni moraliste ni alarmiste. On a trouvé en bordure de route un gentil boa de plusieurs mètres, capable de vous conduire à trépas dans l’étreinte de ses anneaux quand il a faim. Cela n’a pas suscité la moindre inquiétude à tous les niveaux dans le panier insulaire. Au contraire, on va allègrement le remettre aux pompiers pour qu’ils s’entraînent. A quoi faire ? Des ronds avec leurs boyaux aquifères ?

On a trouvé également une gentille tortue aquatique capable de vous raccourcir deux doigts d’un seul coup de gueule au cas où vous voudriez lui faire un petit câlin dans la flaque d’eau où elle se planque. Personne ne s’est senti menacé.

On a également trouvé dans le box des accusés d’une Cour d’Assises, un prêtre catholique pédophile, violeur récurrent pour lequel il n’y a pas « d’anus horribilis », et aucun parent n’a songé à retirer son gamin des cours de catéchisme. Ni à flageller notre cher évêque.

Le 22 avril de cette année, enfin, on a sorti du fond des urnes des vingt-quatre communes réunionnaises, quelque 37500 bouts de papier blanc sur lesquels étaient imprimés un prénom et un patronyme : « Marine Le Pen ». Et alors là, quelle clameur ! Des plus érudits aux moins analphabètes des commentateurs autoproclamés, le mot était donné qu’à cause de ce résultat inattendu sorti des urnes, La Réunion courrait à sa perte. Et jusqu’au 6 mai, elle est restée en alerte rouge sinon bleu-blanc-rouge ! A croire toutes ces langues lubriques, ces trente-sept mille électeurs dont on se fait les juges, l’ont mise en danger.

Ce n’est pas une fable, c’est une sornette. Une sornette d’alarme – je dis bien sornette — de plus qui nous fait éclater les tympans et chagriner les méninges et qu’on agite fébrilement pour nous faire peur. Comme si les 37 000 électeurs frontistes de Marine étaient en même temps des électeurs nationalistes d’Aniel Boyer et de Nasyon Réyoné ! (Grand dommage que ce ne soit pas le cas !) Il est vrai que de très nombreux indépendantistes réunionnais, les uns volontairement pour provoquer Paris, d’autres involontairement, confondant le nationalisme de Marine Le Pen avec le leur, ont dû voter Le Pen. Errare Bourbonicum etiam (L’erreur est également Réunionnaise) ! De là à battre le tamtam de la grande peur fasciste, il y a un pas de maloya qu’il nous faut refuser d’exécuter.

En l’état actuel des mentalités et des choix politiques, le nationalisme de la Marine française ne menace pas plus notre île malgré l’ampleur de sa canonnade que celui des indigènes. A la différence du nationalisme insulaire qui reste un « nationalisme clandestin sur un sol dévoyé » et qui dort écrasé sous nos panses repues des aides sociales de la départementalisation coloniale, celui des Le Pen dans l’île n’est qu’un feu de paille qui pétille une fois tous les cinq ans. Parfois, cela découle de l’action irréfléchie de leaders plus politiques que démocrates comme on l’a vu naguère à Saint-Louis avec Claude Hoareau et ses militants-policiers.

Le nationalisme réunionnais reste un sentiment indéfectible profondément enraciné que nous n’exprimons qu’entre nous, voire « qu’entre quatre z’yeux devant un ti-peg » par peur des oreilles délatrices qui auront tôt fait de nous accuser de racisme et nous offrir à la vindicte des autorités parisiennes et de leurs sbires locaux. Le nationalisme bleu-blanc-rouge des Le Pen ne met pas plus en danger la Réunion que le Front Rolex anti-immigré de Sarkozy ou le Front Populaire Caviar de Hollande que nous allons expérimenter pendant cinq longues années de promesses de vaches grasses virtuelles et de privations douloureuses réelles. Tous sont férocement anti-indépendance !

Le nationalisme que nous défendons avec tant d’autres et qui n’est ni xénophobe ni raciste et encore moins racial, sauvera la Réunion humaine de l’élimination ethnique (le mot « ethnie » n’a jamais signifié « race » malgré le très mauvais usage dont on fait ; mais « culture et identité »… Ou l’on parle la langue de Molière et de Voltaire comme nous ou l’on cause Déroulède et Le Pen comme les assistés alimentaire !).

Le nationalisme réunionnais que nous défendons et qui a été allègrement trahi par des socialistes sans nom et les communistes vergessiens depuis 1981 contre écharpes et prébendes, n’est plus qu’une petite plante bien fragile dans la terre stérile d’un département mentalement et politiquement stérilisé par la pensée unique française. Elle est fragile mais elle ne mourra pas. Demain, dans dix ans, dans un siècle, elle deviendra un arbre colossal et rendra aux réunionnais leur dignité perdue pour une mauvaise pitance vendue sous subventions en grandes surfaces. Enfin même si le troisième homme de la présidentielle est une femme (Exception française !), le tsunami frontiste du 22 avril ne sera plus qu’un clapotis bleu aux législatives de juin 2012, ici comme ailleurs. Il ne nous apportera rien que des promesses vides et des menaces réelles. Comme le feront les autres partis politiques de droite comme de gauche, férocement opposés à l’indépendance de la Réunion. Au contraire ! La République Française qui se proclame «Une et Indivisible » donc non sécable, reste une République Coloniale qui n’a pas hésité à arracher Mayotte à l’Archipel des Comores pour renforcer son hégémonie dans l’océan Indien. Le changement, ce n’est pas pour maintenant quoique proclame Hollande. Alors !


* Published in print edition on 18 May 2012

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