Desmond Tutu, un homme de bien

Chronique de Jean-Baptiste Placca

Une décennie après avoir abandonné ses charges pastorales, Monseigneur Desmond Tutu renonce à l’essentiel de ce qui lui restait de vie publique. Un retraité de luxe. Un de plus, dans cette Afrique du Sud résolument installée dans son rôle de locomotive du continent.

L’évêque anglican entend désormais se consacrer exclusivement à sa famille. Avec le légitime sentiment du devoir accompli. A 79 ans, Mgr Tutu peut estimer avoir servi sa patrie au-delà de ce l’on peut attendre d’un seul être. Usant habilement du privilège de la soutane, il a asséné à l’apartheid quelques coups mortels.

Un des premiers usages qu’il a fait du prix Nobel de la paix – qui lui a été décerné en 1984 – a été de demander un embargo contre l’Afrique du Sud raciste. A l’époque, ce genre d’initiative valait haute trahison. Et cet embargo a largement contribué à affaiblir le régime d’apartheid, qui a fini par rendre l’âme, avec la sortie de prison de Nelson Mandela, en 1990.

Une claire conscience de là où est sa place

Desmond Tutu a su s’effacer lorsque « son » héros a retrouvé la liberté. Une des grandes qualités de cet homme de bien est d’avoir une claire conscience de là où est sa place. Dès 1994, et pendant trois bonnes années, il a présidé la Commission Vérité et Réconciliation, tribunal de l’Histoire, devant lequel ont été pansées les plus béantes des plaies de la ségrégation raciale.

A la fois magnanime et ferme, l’évêque anglican a, durant cette période, posé les fondations de l’Afrique du Sud nouvelle, réconciliée avec elle-même. Depuis, chaque fois que l’intérêt général lui a semblé menacé, dans son pays et ailleurs sur le continent, il a pris la parole, sans craindre de déplaire.

La vie dissolue de Jacob Zuma lui paraît-elle incompatible avec les fonctions de chef de l’Etat ? Mgr Tutu le dit sans ambages. De Mugabe, il dit qu’il est « un Frankenstein pour son peuple ». Au sujet du Darfour, il n’hésite pas à dire : « honte à vous, les dirigeants africains qui défendez El-Béchir, dont la place est devant la Cour pénale internationale ! »

Sur ce continent en mal de repères, toute nation saine a besoin d’un Desmond Tutu, pour ne pas s’égarer. Cela s’appelle une conscience. A la retraite ou pas, l’homme d’église devra jouer ce rôle encore un certain temps, aussi longtemps que sa santé le lui permettra, d’autant que Mandela n’a vraiment plus l’énergie que requiert cette présence vigilante.

Jean-Baptiste Placca
MFI


* Published in print edition on 15 October 2010

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