Couardise d’Etat

 Chronique de Jean-Baptiste Placca

Des Africains – des Noirs, puisqu’il faut, en l’occurrence, les désigner ainsi – sont en danger de mort en Libye. Confinés dans des maisons dont ils n’osent sortir, de peur d’être confondus avec les mercenaires africains importés par le colonel Kadhafi pour se protéger contre son peuple.

Quelque 400 000 subsahariens vivent dans la Grande Jamahiriya, où ils sont sans doute la plus vulnérable des communautés étrangères. La plupart ne vivent pas dans des villas ou dans des immeubles bien gardés et n’ont certainement pas eu les moyens de constituer des provisions pour tenir un siège. A l’heure qu’il est, certains d’entre eux risquent de mourir de faim dans les lieux où ils se terrent. Poignant dilemme que de n’avoir que le choix entre crever de faim, dans son coin, ou être massacré dans la rue.

Le scandale n’est pas tant que le colonel Kadhafi ait livré, de fait, les Africains de peau noire à la vindicte de son peuple. Allez donc à Bamako, à Niamey ou à Ndjamena, vous trouverez par centaines, par milliers, des ex-admirateurs du « Guide » libyen, partis chercher un improbable mieux-être chez le chantre du panafricanisme, et qui ont été expulsés sans élégance. Leurs témoignages vous édifieront sur ce que ce peut être d’être noir en Libye. Tous ne parleront, certes, pas, car leur désillusion est telle que certains préfèrent la taire, dans un silence lourd de perplexité.

L’amitié qui vous tient en servitude

Le scandale, c’est l’indifférence dans laquelle se drapent les dirigeants africains, face à la détresse de leurs concitoyens. Cette couardise ne trouve d’explications que dans la générosité dont certains bénéficiaient, jusqu’à ces dernières semaines, de la part de Kadhafi. Ils se taisent donc par amitié ! Mais l’amitié qui vous tient en servitude au point d’ignorer le SOS de vos nationaux ne peut pas être une amitié saine !

Les Américains, les Européens et quelques gouvernements asiatiques ont déployé ce qu’il faut de moyens pour extirper leurs concitoyens de l’enfer libyen. Obama – et ce n’est pas une ingérence – a même donné des consignes pour que l’Usaid aide, quand elle le peut, les subsahariens à regagner leur pays, ou en tout cas à sortir de Libye. En Afrique, lorsque l’on est porteur de passeports de certains Etats, il vaut mieux, hélas !, oublier que l’on a une patrie. Et pourtant, la protection des citoyens, où qu’ils se trouvent, est la mission première de tout Etat qui se prétend souverain.

Comme dirait le révérend Martin Luther King, l’opportunisme, la lâcheté ne peuvent constituer une politique. Et dans certaines circonstances, il faut savoir simplement assumer son devoir, parce que la conscience nationale vous dicte que c’est ce qui est juste.

Jean-Baptiste Placca
MFI


* Published in print edition on 11 March 2011

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