La solitude des autocrates

Chronique de Jean-Baptiste Placca

Si ce n’est une humiliation, c’est au moins un retentissant échec. Le conseil exécutif de l’Unesco a décidé, le 21 octobre dernier, de suspendre l’attribution du prix Obiang Nguema pour les sciences de la vie. Une déconfiture dont les meurtrissures marqueront longtemps la diplomatie équato-guinéenne, qui a pourtant marqué des points sur le plan sous-régional, ces derniers mois, avec l’obtention, notamment, du poste de gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale. A ses dépens, le président Obiang Nguema apprend qu’il est des choses qui ne s’achètent pas. Ainsi de la gloire, de la respectabilité, de l’immortalité.

Qui donc lui a fait croire qu’il pouvait conquérir une place dans l’Histoire, rien qu’en mettant quelques millions de dollars dans un prix portant son nom, et parrainé par l’Unesco ? Qui lui a fait croire qu’avec un peu de l’argent du pétrole, il pouvait faire oublier les pratiques politiques violentes, les exécutions sommaires et autres procès iniques qui font la (mauvaise) réputation de son régime auprès des défenseurs des droits de l’homme ? Qui lui a fait croire qu’il pouvait redorer son blason terni, et même se couvrir d’honneurs sans avoir à changer ses méthodes ? A l’heure du bilan, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo doit bien admettre qu’on lui a menti. Que l’on a abusé de sa crédulité, en flattant son égo.

Une très mauvaise publicité

A présent, même ceux qui ignoraient jusqu’à l’existence de ce petit Etat pétrolier d’Afrique centrale savent désormais que la Guinée équatoriale est dirigée par un homme que les organisations de défense des droits de l’homme, à l’unisson, considèrent comme un dictateur corrompu. Cette très mauvaise publicité est tout le contraire de l’objectif visé. Cela s’appelle un effet pervers.

Il ne reste plus au président de la Guinée équatoriale qu’à se faire discret, à éviter d’insister, à ne pas revenir à la charge. Mais pour cela, il faut qu’il y ait, dans son entourage, des personnes suffisamment courageuses et honnêtes pour lui faire comprendre que persister pourrait lui valoir d’autres désagréments. Pour lui expliquer qu’il pourrait conquérir plus aisément le respect du monde en respectant tout simplement son peuple, en évitant l’arbitraire, en faisant un meilleur usage de la richesse nationale.

Mais s’il est vraiment le dictateur que décrivent ses détracteurs, il faut craindre que ces personnes courageuses et honnêtes qui peuvent lui sauver la mise ne pullulent pas dans son entourage. C’est ce que l’on appelle la solitude des autocrates.

 

Jean-Baptiste Placca
MFI


* Published in print edition on 29 October 2010

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