« Une alliance MSM-MMM dirigée par SAJ est une quasi-certitude »

Interview : Sydney Selvon, journaliste et historien

Seule une deuxième république empêcherait cela mais cette République paraît de plus en plus improbable

« MedPoint pourrait bien finir par un non-lieu tant pour les Travaillistes que pour le MSM et je crois bien qu’au fond, cela ne déplairait ni à Bérenger ni à Ramgoolam… 

 


Les alliances politiques à Maurice font partie du folklore électoral ou alors c’est un passage obligé pour d’autres. Et, pour une partie grandissante de l’électorat mauricien, les alliances représentent une certaine forme de décadence. Pourtant, peu de temps après l’éclatement de l’affaire MedPoint, menée tambour battant par Paul Bérenger lui-même, une alliance MMM-MSM est considérée comme une option électorale. Sydney Selvon nous donne son point de vue.


Mauritius Times : L’éventualité d’un retour de Sir Anerood Jugnauth dans l’arène politique brouille toutes les pistes, nous dit-on. Qu’est-ce qui va changer s’il revient effectivement ?

C’est ce à quoi pensent tous les Mauriciens. Sir Anerood Jugnauth est, du point de vue de l’Histoire nationale contemporaine, un des plus illustres premiers ministres que nous ayons eu depuis l’indépendance. N’empêche que son retour dans l’arène politique provoque déjà des réactions fortes allant de l’encouragement venant des milieux qui sont favorables à ce retour à, démocratie oblige, des réactions hostiles. Malheureusement, celles-ci vont parfois jusqu’à des propos, disons indélicats.

Démocratiquement, cependant, on s’interroge déjà et on le fera encore plus, sur le poids de l’âge, sur ses capacités à reprendre les fonctions de Premier ministre, sur la nécessité d’un tel retour pour un tribun qui a déjà atteint les sommets de la gloire dans la mémoire populaire et, il faut le dire, sur la tendance alléguée de sa famille à « l’accaparement », selon certaines allégations venant de ses adversaires politiques du jour, quelquefois extrêmement graves, voire diffamatoires, à la lecture de certains blogs sur Internet. Mais puisqu’il choisit un retour en politique, la contestation de ce retour est tout à fait légitime si elle est faite dans les règles d’un vrai débat.

Cela dit, ce qui ne va pas changer tout d’abord est ceci: le pays est divisé en deux camps politiques principaux. D’une part, il y a un gouvernement de coalition, d’autre part, une coalition d’opposants, à ce stade, une alliance MSM-MMM selon la formule 2000. C’est une situation 50:50 : la moitié du pays votant dans un sens et l’autre moitié dans l’autre sens, soit une situation où il suffit d’un tout petit pourcentage de votes, trois à quatre pour cent, pour faire basculer une élection dans un sens ou dans l’autre.

Chaque bloc est multiethnique. Le danger pour chacun des deux blocs, c’est d’être perçu comme un bloc mono-ethnique soit majoritairement hindoue, soit majoritairement ‘minorités’ (hindoues et non-hindoues). Dans chaque bloc, on percevrait l’autre comme une soi-disant menace pour les Mauriciens de l’autre bloc. Cette perception est entretenue par la classe politique dans un jeu traditionnel d’ethnic politics datant des années 60. Bérenger et Ramgoolam n’ont pas réussi ou n’ont pas voulu donner le coup de grâce à ce jeu à en juger par la manière dont se déroulent encore les campagnes électorales en ce 21ème siècle.

Donc, le retour de SAJ se fera dans le contexte de ce même jeu d’ethnic politics. Ce qui va faire la différence aux prochaines élections, c’est la capacité de Ramgoolam et de Bérenger à détourner en leur faveur cette frange de l’électorat qui vacille entre les deux blocs pour un grand nombre de raisons, allant des adhésions purement partisanes aux trois partis principaux, MSM, MMM et PTr, au rôle de l’ethnic politics.

Perçue comme une coalition pro-minorités ethniques, l’Alliance MSM-MMM court le risque de s’aliéner une majorité de l’électorat hindou et même plus, alors que perçue comme un parti mono-ethnique hindou l’Alliance gouvernementale risque de s’aliéner l’autre moitié du pays et même plus. SAJ, dans cette équation, se retrouve dans la position qu’occupe Xavier Duval dans l’équation opposée : quelle est la capacité de chacun d’eux à faire la différence dans un sens ou dans l’autre? Suffit-il de montrer patte blanche respectivement aux Hindous et aux Créoles en nombre suffisant pour assurer une victoire?

Les minorités vont peut-être réexaminer leur représentativité dans l’Etat ramgoolamien. Et les Hindous vont réexaminer leur allégeance à deux de leurs principaux leaders contemporains, Ramgoolam et SAJ, et considérer lequel d’entre eux va le mieux composer avec les minorités. Car, après tout, quoi que disent et font certaines sociétés socioculturelles non-représentatives, les Hindous ne sont pas communalistes et veulent quand même composer avec tout le monde, je veux dire avec toutes les autres communautés sans exception, soit via Ramgoolam, soit via SAJ.

* On se pose des questions concernant la démarche de Sir Anerood Jugnauth. S’agit-il d’un bluff, comme le pensent certains observateurs politiques, ou est-ce que SAJ, fidèle à lui-même, « really means business » ?

SAJ ne bluffe certainement pas. Je le connais très bien pour être un ami de très longue date et cette amitié a subi l’épreuve du temps. Non, je suis catégorique, il ne bluffe pas et il n’est pas un tel homme. S’il dit que le pays est en danger, il y croit, à tort ou à raison. Chaque Mauricien a ses propres opinions à ce sujet. Comme vous dites, « he really means business ». Je l’ai rencontré il y a peu de temps au Réduit pour autre chose que la politique. Il a toutes ses capacités intellectuelles et sa lucidité habituelles – c’est peut-être même un peu indélicat d’avoir à préciser cela, mais même si on n’a pas parlé politique, il assume sa présidence avec détermination, à mon avis.

Par ailleurs, il dit tout haut ce qu’il pense et, en cela, il a touché la limite de ce qu’un Président a le droit de dire sur son gouvernement, tout au moins dans notre système politique actuel. D’aucuns pensent qu’il est allé trop loin ou qu’il veut défendre ses intérêts familiaux et personnels. C’est à lui de prouver que tel ne serait pas le cas et il va sans doute essayer de le faire dès qu’il entre dans l’arène politique.

Il n’est pas tombé, pour autant, dans une violation de la Constitution. Pas encore, car la Reine, en Angleterre, fait aussi des critiques de nature politique même dans ses discours officiels au point qu’en 2009, cela lui avait attiré les foudres du leader du Parti conservateur et de celui du Parti des libéraux-démocrates qui l’avaient accusée de faire de la politique. David Cameron avait même dit à ce sujet que “by all accounts, the Queen’s Speech will be little more than a Labour press release on palace parchment.” C’est exactement ce que disent les Travaillistes aujourd’hui du discours de SAJ.

* Mais SAJ devrait-il, en fin de compte, se jeter dans l’arène politique alors qu’il y a tant d’opposition à cette démarche, tout au moins au sein d’une bonne partie de l’opinion publique ?

Je pense quand même qu’il devrait réfléchir à deux fois avant de s’aventurer en politique pour affronter un adversaire aussi coriace que Navin Ramgoolam que j’ai le privilège d’avoir connu également en tant qu’ami et aussi professionnellement, autant que son père, SSR.

Ramgoolam est plus jeune et, s’il retrouve ses repères de 1991, date de son entrée en politique, où il avait essayé de vaincre les méfiances interethniques qui tuent lentement ce pays, il peut toujours espérer gagner les élections.

* Ramgoolam aura quand même affaire à forte partie alors ?

Ramgoolam peut espérer gagner, mais face à une telle alliance, il doit faire très attention pour qu’il ne se retrouve pas dans des situations comme celle de SAJ en 1995 lorsque le MSM fut réduit à un parti mono-ethnique, ayant écouté les sirènes de certains groupes socioculturels, ou en 2000 où les minorités autant hindoues que non-hindoues avaient voté un partage de pouvoirs à mi-mandat, ou même en 1982 où certains lobbies socioculturels avaient tout fait pour que le PTr soit perçu comme le parti d’une communauté et non plus le parti national des Curé et autres Pandit Sahadeo.

Il est certain, par exemple, que la nomination d’un Créole ou d’un Musulman, même de grand calibre au niveau national, à la présidence après SAJ rencontrerait énormément d’opposition au sein de certains lobbies proches du pouvoir. Ces lobbies sont, certes légitimes, mais le PM ne peut leur laisser prendre contrôle de son parti, ce qui serait suicidaire, comme le démontre l’exemple de 1995 pour SAJ.

Mais à ce stade, il est encore très difficile de prédire l’issue de ces élections, qu’elles aient lieu l’année prochaine ou un peu plus tard.

* Revenons à SAJ : on pourrait également se poser des questions quant à ses motivations réelles: est-ce pour sauver le pays, comme l’affirme son ancien ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo, ou est-ce pour sauver son ancien parti et lancer une bouée de sauvetage à son fils ? Qu’en pensez-vous ?

Les politiciens mauriciens ont tous des intérêts divers et conflictuels. Entre sauver le pays et servir ses intérêts personnels, quel est l’intérêt principal de chacun de nos dirigeants politiques? De nos ministres? De nos députés? Des politiciens non-parlementaires?

Allons même plus loin. Qui est corrompu et qui ne l’est pas? Qui est plus ou moins corrompu que l’autre? C’est à l’électorat de faire son propre jugement, puis de “pick and choose” et de voter dans le sens de ce qu’il aura décidé, en fin de compte, quitte à voter pour des candidats indépendants. SAJ confond-il l’intérêt du pays avec celui de son fils et du MSM ? Le fils est-il coupable, aux yeux de la loi et de la justice, dans l’affaire MedPoint ou est-ce le gouvernement – moins sa personne et celle de Mme Hanoomanjee – qui serait coupable, comme il l’allègue dans ses conférences de presse.

Autant de questions qui n’ont trouvé aucune réponse jusqu’ici. Cela étant dit, je ne vois rien de mal à ce que SAJ démissionne et qu’il aille, après cela, au secours de son ancien parti, s’il en ressent le besoin. Je ne peux, objectivement, en tant qu’analyste indépendant, contester la légitimité de sa démarche qui est une démarche politique admise dans le cadre du « party system ». Constitutionnellement, le pays est gouverné par le système des partis. C’est inscrit noir sur blanc dans la loi suprême du pays. Toutefois, si cela autorise chacun à rejoindre et à défendre son ancien parti, cela doit se faire non pas avant, mais après qu’on a quitté des fonctions constitutionnelles qui devraient, elles, se placer au-dessus de toute partisanerie.

Toutefois, si SAJ avait 55 ans, je ne crois pas qu’il aurait attiré beaucoup de critiques. De même, sans MedPoint, l’ampleur de la critique aurait été moindre. Si son fils n’avait pas été accusé par l’ICAC, il y aurait eu peu d’eau portée au moulin de ses adversaires qui ont déjà entrepris une offensive contre lui.

Je ne vais pas aussi dire que ses adversaires ont tort de le critiquer. On est en démocratie et c’est à SAJ de prouver qu’ils ont tort et qu’il serait meilleur qu’eux dans la démarche politicienne qui devrait placer l’intérêt du pays avant toute autre considération. Pour leur part, ses adversaires, auront, autant que SAJ lui-même, à prouver qu’ils placent l’intérêt du pays avant tout. C’est, en fin de compte, une joute politique qui s’annonce palpitante.

* Sir Anerood est allé trop loin dans ses attaques ponctuelles contre le gouvernement en place pour en rester là. Qu’attend-il pour faire le pas décisif et irréversible ? Un signe de Paul Bérenger, qui toutefois ne semble pas être un homme pressé ces temps-ci ?

SAJ est-il allé trop loin pour ne pas démissionner ? Il n’a pas le droit de dépasser maintenant la limite qu’il a déjà atteinte. Il fait sans doute exprès de friser l’excès en cela, pour préparer sa sortie. Mais il ne se vautre pas pour autant, à ce stade du moins, dans une violation en règle de la Constitution.

Pour l’autre partie de votre question, je remarque que Bérenger est très courtisé, sinon très attendu ces jours-ci pour la simple raison qu’il est encore plus ‘kingmaker’ que jamais vu les présentes circonstances. On le traite avec des pincettes, PTr et MSM inclus.

Cependant, Bérenger a déjà annoncé la couleur : il n’y aura d’alliance avec le parti orange que si SAJ prend le leadership du MSM. A mon humble avis, SAJ et Pravind Jugnauth ont répondu positivement. Ils attendent Ramgoolam à un tournant… Et il y en a des tournants et des zigs zags dans l’arène politique!

* Vous voulez dire ?

Les deux vieux routiers, SAJ et Bérenger, savent que plus un gouvernement dure, plus il risque de commettre d’erreurs et de faire des mécontents. Il y a les scandales ou scandales allégués présents et à venir. Ce sont deux renards qui attendent un lion au tournant qu’ils choisiront, eux. Le lieu et le moment de l’embuscade sont encore inconnus.

Il y a des affaires en Cour qui pourraient tourner à l’avantage du MSM du fait que le gouvernement refuse à Pravind Jugnauth les documents du Cabinet que celui-ci dit avoir besoin pour sa défense. C’est une affaire qui ira sans doute au Conseil Privé et qui serait résolu avant 2015, j’estime.

Valeur du jour, rien ne prouve que Pravind Jugnauth serait un corrompu et je n’ai aucune raison de croire le contraire autant dans son cas que dans celui de Rashid Beebeejaun. MedPoint pourrait bien finir par un non-lieu tant pour les Travaillistes que pour le MSM et je crois bien qu’au fond, cela ne déplairait ni à Bérenger ni à Ramgoolam.

* A quoi estimez-vous les chances d’une alliance MSM-MMM à la place d’une alliance PTr-MSM ?

C’est presque chose faite. C’est assez simple à calculer. Bérenger sait, à ce stade, que les Travaillistes ne veulent pas partager le pouvoir avec lui parce qu’en somme, c’est ce que Bérenger veut. Les courtisans de Ramgoolam prendront soin de l’empêcher de choisir un tel compromis car ils ne veulent pas de Bérenger comme Premier ministre. C’est valable même dans le cas d’une deuxième République où un Président Ramgoolam aurait des pouvoirs accrus sur le gouvernement mais au sein d’un régime où le règne du partage serait la règle générale à tous les niveaux : nominations, promotions, ambassadeurs, conseillers, corps para étatiques, etc.

C’est pourquoi je dis qu’à ce stade, une alliance MSM-MMM dirigée par SAJ est une quasi-certitude. Seule une deuxième République empêcherait cela mais cette option paraît de plus en plus improbable, au stade actuel des choses.

* On affirme toutefois que la grosse bêtise politique de Pravind Jugnauth dans le sillage de la démission des membres du MSM du gouvernement de l’Alliance de l’Avenir, c’est qu’il s’est fait emprisonner politiquement avec le MMM de Paul Bérenger, – ayant brûlé tous les ponts avec les Travaillistes. SAJ suit les pas du fils, semble-t-il. Est-ce parce qu’ils n’ont pas de choix ?

Pravind Jugnauth a suivi le père du point de vue de son caractère. Ils sont des ‘hard nuts to crack’ même pour Ramgoolam ou Bérenger – qui le sont également ! Certes, dans la présente conjoncture, le père et le fils n’ont pas le choix de leur prochaine alliance et ils doivent rejoindre le ‘Saint Esprit’ (c’était le collège de Bérenger, mais on a le droit quand même de s’amuser… et j’espère que Grégoire ne s’en offusquera pas ou n’ira pas dire: ‘votez pou ou Saint Esprit’ !). Mais ils ne sont pas, père et fils, du genre ‘yes men’. Ce fut l’erreur de Bérenger en 1982-83 avec SAJ, puis encore une fois avec le fils après 2005, et cela s’est répété en 2011 car Ramgoolam a commis l’erreur de ne pas prévoir que Pravind Jugnauth aurait derrière lui tous ses députés, ou presque, après une cassure gouvernementale.

* Estimez-vous que les ponts sont définitivement coupés entre les PTr et le MSM ? Difficile de croire qu’un ‘remake’ de 2010 serait toujours envisageable après ce qui s’est passé, n’est-ce pas ?

La mode est aux ‘remakes’. Mais incroyablement, l’Histoire se répète parfois. Une guerre mondiale n’a pas suffi et il y en a eu une deuxième. Les puissances coloniales continuent de répéter leurs erreurs après leurs expériences sanglantes en matière de colonialisme du 16ème au 20ème siècle. Ils ont créé un Etat illégal, Israël, en 1948 en permettant l’expulsion des Arabes musulmans et chrétiens de leur maison. L’Histoire s’est répétée aux Chagos et ailleurs. Aujourd’hui, en Libye, les opposants à Kadhafi avaient été entraînés par la CIA, selon la presse britannique, pour essayer de reconquérir l’Afrique.

Pourquoi pas des ‘remakes’ de ceci ou de cela à Maurice, alors ? Mais, vous avez raison, c’est quand même difficile dans les circonstances actuelles que le MSM rejoigne les rangs du gouvernement.

* Par contre, si un ‘remake’ de 2000 (une nouvelle alliance MMM-MSM) est « toujours en considération », comme l’affirme le leader du MMM, après les éclaircissements qu’il a obtenus de Pravind Jugnauth, vendredi dernier, « rien ne presse » ajoute-t-on du côté du MMM, « on garde nos options ouvertes ». Pourquoi cette valse-hésitation de Bérenger ?

Les signes vont dans la direction d’une alliance MSM-MMM. Ramgoolam ne peut plus, du moins pour le moment, contrôler comme il le faisait jusqu’en 2010, le choix de ses alliances électorales. Il est condamné à aller avec le PMSD et peut-être quelques petits partis glanés ça et là pour tenter de faire le plein des voix aux prochaines élections. Il lui faudrait trop de reniements pour tenter de ramener au bercail le MSM.

Mais que vaut un reniement en politique ? Rien. Si les élections tardent, il peut toujours essayer de passer encore une fois par le Réduit pour un ‘remake’ de 2010.

* Il se pourrait que Bérenger attende lui aussi un signe clair et net d’Anerood Jugnauth — une démission dans les plus brefs délais…

Je crois plutôt que les deux se sont entendus au sujet d’un ‘time frame’. Avec Ramgoolam, Bérenger n’a pas obtenu la confirmation du projet de deuxième République et de partage des pouvoirs qu’il attendait.

Par ailleurs, Ramgoolam veut aller jusqu’à 2015 et il a proclamé qu’il reviendrait encore une fois au pouvoir, aux élections de 2015. Il n’y aura dont pas de partage de pouvoir avec Pravind Jugnauth également en 2015 autant qu’il n’en aura pas avec le MMM avec ou sans Bérenger.

Puisqu’il n’y aura pas le partage réclamé par Bérenger, celui-ci l’obtiendra de SAJ et Pravind Jugnauth sait qu’il l’aura à partir de 2015 : il est relativement jeune et il n’est pas bête, ce sur quoi Bérenger et Ramgoolam se sont tous deux « cassé le nez », le premier aux partielles de Moka, le second pas plus tard que cette année.

Ensuite, Bérenger a toujours la crainte que Ramgoolam ne lui tende un piège comme en 2010 et il sait que SAJ ne peut pas décider de la date des élections, ce qui lui permet encore d’attendre le temps qu’il faudra pour que SAJ démissionne. Je crois que les deux hommes se sont entendus pour attendre quelque chose, une date, un événement… je ne sais pas quoi.

* Quelle opinion faites-vous de la capacité du gouvernement en place, qui s’est retrouvé fragilisé après la rupture avec le MSM, de maintenir la barque et sa majorité – jusqu’à la fin de son mandat ?

Cette capacité est amoindrie par rapport à ce qu’elle était avant la cassure de son gouvernement. Fragilisé, oui, dans la mesure où Ramgoolam sera maintenant sujet à toutes les pressions de l’intérieur comme de l’extérieur de son gouvernement dans une mesure plus grande qu’avant.

Son seul espoir c’est que, comme au MMM et au MSM, dans les partis politiques en général (je ne connais pas d’exception notable), la majorité est constituée par les béni-oui-oui. Je ne dis pas cela pour offenser qui que ce soit, mais c’est dans la nature du ‘party system’ anglais dont nous avons hérité. Le leader est le primus inter pares. Il est pratiquement l’équivalent du Lider maximo à Cuba: le leader est immuable à moins d’être très malade et mourant. J’ai entendu Ramgoolam, à un meeting public, en présence de ses ministres, marteler le fait que, selon lui, « éna enn sel vision dans gouvernement, péna 24 visions, éna enn sel, c’est mo vision ». C’est net et clair. Le message a été reçu 5 sur 5.

Seul ce système, et non pas la fidélité réelle, maintient des leaders comme Bérenger, Ramgoolam et SAJ ou, jadis, Pierre Trudeau ou Tony Blair au pouvoir en démocratie et c’est le même principe qui a maintenu Fidel Castro au pouvoir dans un régime dictatorial. En vérité, les leaders n’ont pas d’amis, seulement des alliés. La configuration des alliés est à géométrie variable. Tout le reste n’est que charabia : ‘Mon leader par ci, Mon leader par là… Mon leader ceci, Mon leader cela…’

* Estimez-vous que toutes les années d’expérience du leader du PTr suffiront pour qu’il maintienne sa barque en équilibre et revenir après 2015 ?

A vrai dire, peut-être que oui, peut-être que non. Allez savoir ce qui se cache derrière les masques de chaque homme et de chaque femme se trouvant dans l’arène politique! Allez savoir si Ramgoolam ne va pas perdre un ou deux autres de ses parlementaires au détour d’un autre scandale. De même, Bérenger et Pravind Jugnauth ne savent pas si leur troupe respective auront la patience d’attendre jusqu’au bout la démission du Président et son retour dans l’arène politique. Ensuite, les desseins du Très Haut sont impénétrables.

* Ramgoolam ne semble pas détenir, cette fois-ci, toutes les cartes… Qu’en pensez-vous ?

C’est un mythe qui a éclaté avec la cassure gouvernementale. Si Ramgoolam paraissait détenir toutes les cartes, c’est qu’à un moment donné, le MMM faisait tout pour entrer au gouvernement. Tout le monde va dans la direction du vent à Maurice. Même le cerf de Sodnac, au risque de se faire tuer… par une voiture ministérielle. Bérenger a humé le vent qui lui rentrait par les narines à pleines bouffées. Tout comme ce cerf perdu en ville, il s’est dit que l’herbe était plus verte chez… les rouges.

Après la défaite de 2010, il a refait la même chose espérant prendre la place du MSM au gouvernement nouvellement élu, jusqu’à ce qu’il redécouvre MedPoint et la possibilité de faire, ô ironie, une nouvelle alliance encore une fois inspirée par cette maudite clinique qui ne finit pas d’entrer dans l’Histoire pour un rien.

Ramgoolam ne s’attendait pas à ce nouveau MedPoint un peu particulier, mais qui est le prétexte, encore une fois, à rassembler la ‘grande famille’ de 1982. Il ne manque plus qu’un PSM pour compléter la photo de famille.

Alors, de quelles cartes disposera Ramgoolam pour y faire face? A lui de répondre à la question. Les cartes qui lui restent sont le PMSD et Rashid Beebeejaun sans lesquels le PTr serait depuis longtemps allé au désastre électoral face à un MMM qui contrôle la moitié de l’électorat national. C’est pourquoi je dis encore que Ramgoolam doit ne pas se laisser emporter par certaines sirènes du sectarisme qui donnent au PTr une image autre que celle qui en avait fait le parti de tous les Mauriciens de 1936 aux élections de 1948.

* Ramgoolam se verra-t-il, à votre avis, obligé en fin de compte à accepter les conditions imposées par Bérenger ?

Valeur du jour, je ne vois pas Ramgoolam disposé à accepter ces conditions d’un partage du pouvoir. Leurs négociations à ce sujet ont échoué en 2010 et encore une fois tout récemment. Une alliance au pouvoir avec Bérenger veut dire une chose essentiellement : un partage du pouvoir entre les deux hommes selon une formule qui sera trouvée dans la Constitution d’une deuxième République. Il n’y a plus rien à discuter entre eux en ce qui concerne les volets essentiels de cette réforme électorale.

D’autre part, la réforme permettrait, je crois, au MSM et d’autres petits partis de survivre, si ce n’est pas au nom de la nécessité d’un pluralisme politique salutaire pour l’électeur, mais tout au moins dans le cadre d’une démocratisation accélérée d’un pays bloqué par l’ethnic politics dans tous les sens du mot, et ce, d’une manière douloureuse, lancinante, qui tend à paralyser, voir arrêter notre progrès. J’en suis arrivé, je l’avoue, à changer mes vues sur la nécessité de préserver le Best Loser System. Si le BLS est justifié sous l’actuelle Constitution pour la protection des minorités, surtout tant que l’Equal Opportunities Act n’est pas proclamé, il s’avérera définitivement caduc sous une Deuxième République avec une dose de proportionnelle, comme acceptée par Ramgoolam et Bérenger.

Vivement que Subron gagne son affaire en Conseil Privé de la Reine, du fait que cela pourrait changer profondément les données sur l’échiquier de la politique partisane. Le compromis, qui a une forte dose d’esprit de partage quand même, va alors prévaloir au point que nous serons propulsés, en tant que nation, vers une nécessaire deuxième République avec ou sans Ramgoolam et Bérenger. Notre nation doit avoir un plus grand esprit de partage et de compromis. C’était, en fait, un trait du ramgoolamisme style SSR…


* Published in print edition on 18 November 2011

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