“Les conditions objectives pour une alliance PTr-MMM ne sont pas réunies”

Interview : Sydney Selvon, Journaliste & Historien

“Statistiquement et historiquement, l’alliance bleu-blanc-rouge a amplement prouvé qu’elle peut réaliser un miracle économique et qu’elle peut durer plus longtemps”
“Le MMM est trop préoccupé par le profil ethnique de tout le monde pour ne pas ruer dans les brancards d’un prochain gouvernement… Le Remake 2000 aurait été d’une grande instabilité à cause de cela”

L’environnement sociopolitique de Maurice est très complexe. Les travaux au niveau du comité présidé par l’Attorney-General Faugoo et les débats dans les médias attestent de ce fait. Comment moderniser la République sans porter atteinte aux droits de n’importe quel citoyen mauricien ? Quelle sera la portée de l’amendement proposé par le PTr et soutenu par le MMM ? Sydney Selvon répond à nos questions…

Mauritius Times : Le projet d’amendement de l’amendement constitutionnel visant à permettre à tout citoyen qui ne désire pas décliner son appartenance ethnique aux prochaines élections sera probablement voté par le Parlement, cet après-midi, après des semaines de travaux et de concertation au niveau du comité présidé par l’Attorney-General Faugoo. Tout cela démontre combien est complexe, à la fois, notre système politique et l’environnement sociopolitique de Maurice. Est-ce vraiment si complexe ?

Sydney Selvon : D’abord, cet amendement mérite d’être voté et j’en félicite Navin Ramgoolam, parce qu’il enlève une pratique anti-démocratique et anticonstitutionnelle consistant à interdire le droit de vote à une catégorie de Mauriciens. Il faut aussi se rappeler que le droit de vote est resté longtemps inaccessible à nos compatriotes rodriguais, chagossiens et agaléens.

Et il ne faut pas voter tout simplement parce que le Comité des droits de l’homme de l’ONU nous le dit. Nous sommes une nation souveraine et je suis d’accord avec Navin Ramgoolam que ce comité ne peut pas nous imposer un tel changement, mais que ce changement s’impose, en fait, de lui-même.

Je crois qu’il est même injuste que la diaspora de citoyenneté mauricienne légale et constitutionnelle soit privée du droit de vote qui peut s’exercer démocratiquement dans les ambassades et consulats mauriciens à l’étranger.

Mais je ne vois pas pourquoi l’on a voulu couper court aux critiques de la ‘vraie opposition’ (MSM, PMSD, FSM) qui voulait attirer l’attention sur cette complexité que vous évoquez, surtout en termes des conséquences de l’application de la Section 4(2)(b) du mini-amendement qui introduit un deuxième système de Best Loser (BLS). Selon Paul Bérenger, dans son discours vendredi dernier, et ensuite selon Rama Sithanen, dans ses déclarations de presse, il ne faut pas que cette section, signée pourtant Sithanen, soit appliquée. Les deux souhaitent que tous les partis demandent à leurs candidats de déclarer leur communauté. Et cela parce que ce BLS alternatif ne s’applique que si ces candidats déclarent leur communauté. Pourquoi? Si l’on écoute Sithanen et la ‘vraie opposition’, c’est que, au cas contraire, une ou deux communautés se verraient refuser, dès le départ du calcul, l’accès au BLS sous cette Section 4(2)(b).

* Est-ce vraiment possible?

La section 5 de la First Schedule prédétermine en détail dans la Constitution elle-même, le calcul mathématique à propos de l’attribution des sièges BLS. Cela a marché pendant un demi-siècle.

La Section 4(2)(b) du mini-amendement ne le fait pas, du moins pas avec le même détail que le fait la Section 5. Le calcul de la Section 5 est public, accessible par le public dans cette section, alors qu’aucune méthode de calcul n’a été rendue publique pour ce qui est du mini-amendement. Cela donne l’impression qu’il y a quelque chose de caché, d’inconnu.

Des deux BLS, il y a des contradictions entre l’une et l’autre. Il y a 4 communautés reconnues par la Constitution dans sa First Schedule qui contient le Best Loser System. En passant, il y en a plus d’une dizaine selon le recensement soi-disant ‘historique’ mais rétrograde introduit en 1982 à l’instigation de Paul Bérenger. Résultat : le recensement de 2011 dénombre plus de communautés que la Constitution et classifie des groupes comme ‘Ahir’, ‘Rajput’, ‘Chinese’, et j’en passe.

Ici, limitons nous aux communautés dites ‘constitutionnelles’, soit deux religions, Hindous et Mulsulmans, une ethnie, les Sino-Mauriciens, et une quatrième communauté créée de toutes pièces, la Population générale où figurent tous ceux qui ne sont pas dans les trois premières. Selon la Constitution, ces quatre communautés ont des droits égaux ‘in all respects’. Et toutes devraient donc avoir accès, théoriquement, aux sièges BLS.

Les Hindous ont eu trois sièges BLS dans l’histoire de ce système électoral : Kher Jagatsingh après la démission de Heeralall Bhugaloo en 1977, puis Motee Ramdass et Ravi Yerrigadoo après les élections générales de 2000.

Les Sino-Mauriciens n’ont eu aucun siège BLS en tant que ‘community’ mais y ont eu droit quand même du fait que la Constitution le dit spécifiquement et qu’ils étaient déjà nommés auparavant par les gouverneurs britanniques pour corriger la représentativité du Parlement.

Personne ne peut enlever ce droit constitutionnel à aucune des quatre communautés constitutionnelles. Le principe constitutionnel doit prédominer en toute circonstance et même des ‘transitional provisions’ ne peuvent être anticonstitutionnelles. Je donne raison sur cet aspect du mini-amendement aux éminents légistes que sont Me Yousouf Mohamed et Me Yvan Collendavelloo, mieux au courant de la complexité existante du premier BLS et qui voient le second système, introduit maintenant, comme étant anticonstitutionnel.

Je ne sais pas quel poids pèse, dans le calcul qui sera effectué par l’Electoral Commission, le chiffre de 2 BLS Hindous, soit 0,22% de BLS attribués depuis 1976, et aussi le poids de 0 Sino-Mauriciens, soit 0% de BLS attribué depuis 1976.

Mais j’espère que le Gouvernement finira par faire le nécessaire aujourd’hui, sinon les partis politiques auront à signer un pacte pour s’engager à ne pas faire déclarer leur communauté par leurs candidats. Alors, seule la Section 5 s’appliquera. Je suis à moitié d’accord avec le Gouvernement et à moitié avec la ‘vraie opposition’, mais pas avec la position du MMM qui a voulu censurer les débats parlementaires sur l’aspect tout au moins technique de la Section ‘(2)(b), et faire taire la voix de leurs collègues de l’opposition, avec Bérenger agissant comme le ‘gendarme’ du Gouvernement, comme l’écrit avec raison en guise de commentaire, mon confrère Finlay Salesse de Radio One.

* L’ancien Chef juge Sir Victor Glover qui se dit satisfait, selon un quotidien, de “l’excellent travail abattu”, dit néanmoins que “les choses auraient été encore meilleures avec une collaboration étrangère”. Ce qu’il est en train de nous dire, c’est qu’un travail de cette importance dépasse le cadre des “short-term political objectives” et qu’on aurait dû accorder encore plus de temps et rechercher l’expertise étrangère pour le peaufiner. A-t-il raison, selon vous ?

Sir Victor a tout à fait raison dans la mesure où sa déclaration signifie que le Bill n’est pas sans failles — comme le dit la ‘vraie opposition’ et comme le disent Bérenger et Sithanen.

Vous dites vrai, je pense, sur votre interprétation de ce que veut dire l’ancien chef juge. Il aurait fallu plus de temps. Mais je crois qu’ayant déjà trois quarts des votes au Parlement, le PTr et le MMM auraient dû prendre et avaient le temps de faire un Bill plus substantiel qui n’aurait pas été contradictoire à la Constitution et aux droits des quatre communautés constitutionnelles.

Le travail donne même l’impression d’avoir été quelque peu bâclé, non pas par ceux qui ont écrit l’amendement, car ils sont tous des personnes de talent, mais par le fait que le facteur temps a joué – c’est-à-dire qu’ils n’ont pas disposé d’assez de temps et de ressources pour rédiger le projet de loi. Il ne faut pas focaliser sur ces personnes en particulier. A une situation complexe, une dose d’expertise étrangère est toujours nécessaire.

* A ce rythme, il faut bien croire que le projet portant sur la réforme électorale elle-même nécessitera davantage plus de temps et l’assistance de l’expertise étrangère. Le Premier ministre a raison donc de souligner qu’au-delà du fait qu’il ne dispose pas d’un mandat électoral pour le faire, la réforme électorale ne pourra être présentée qu’après les élections ? Et quelle que soit l’alliance au pouvoir, PTr-MMM ou pas, cette reforme ne pourra pas se faire au lendemain des élections – comme le souhaite le leader du MMM. Votre opinion ?

Lors de mes interventions sur le Net et sur Facebook, j’ai déjà donné raison à Navin Ramgoolam à ce sujet. On ne pourra même pas faire la réforme au lendemain des élections pour plusieurs raisons : majorité des trois quarts non-obtenue, grande consultation publique, étude des 171 propositions au bureau du PM, consultation inter-partis, priorités économiques vitales qui pressent, etc.

La grande réforme, j’ai aussi suggéré, devrait faire l’objet d’un référendum qui ne coûtera rien. On inscrit sur les bulletins de vote aux prochaines élections une simple question pour chaque électeur avec deux cases ‘Oui’ et ‘Non’, la question pouvant être la suivante: ‘D’après ou, eski ou pensé ki bizin sanz système électoral BLS pou enn lott système ki pas dimann ou déclare ou communauté ek ki pas empess égalité entre tous Mauriciens comme candidats dans élections?’

Avec un ‘Oui’ massif, qui sera obtenu si on explique ce vote supplémentaire par le truchement de tous les médias, n’importe quel prochain gouvernement aura le ‘full mandate’ souhaité par Navin Ramgoolam.

Dans ce contexte, le Premier ministre a raison d’exiger qu’on passe par les urnes.

* Par ailleurs, il semblerait que la communication ait été rétablie entre les dirigeants du PTr et du MMM après l’arrêt « définitif », selon Paul Bérenger lui-même, des négociations entre ces deux partis et que tout est donc toujours possible sur le plan politique. Pensez-vous que les conditions objectives d’une alliance PTr-MMM sont toujours présentes ?

Non, les conditions objectives ne sont pas réunies pour une telle alliance. Le mécontentement dans les deux partis et parmi leurs partisans (ou ce qui en restera si l’hostilité s’aggrave), sera très difficile à gérer du début de l’alliance jusqu’au comportement des électeurs qui, eux, ne sont pas nécessairement des dépôts fixes.

Et, ensuite, ce sera encore pire s’ils perdaient ou s’ils gagnaient après les élections. S’ils perdent, le MMM accusera Ramgoolam ; s’ils gagnent, vous savez autant que moi qu’aucune, absolument aucune alliance gouvernementale comprenant le MMM n’a vraiment été stable, sauf celle de 2000-2005.

Mais il y a pire. Aucune alliance gouvernementale comprenant le MMM n’a été associée au premier miracle économique (1971-1974) avec l’alliance rouge/bleue, ou au deuxième miracle économique encore plus conséquent (entre 1983 et 1990) avec l’alliance bleu-blanc-rouge. Après 1990, l’économie a été en pilotage automatique, comme le disait Vishnu Luchmeenaraidoo.

Il y a eu des ministres MMM performants comme Rajesh Bhagwan ou Steven Obeegadoo et d’autres en 2000-2005 mais quand on parle de miracle économique, on parle d’une transition économique et sociale phénoménale d’une grande portée historique.

Je parle de deux miracles économiques dans mes ouvrages sur l’histoire moderne de Maurice. Le premier miracle économique (laissons de côté les autres questions) a créé un début de prospérité qui s’est essoufflée à la fin des années 70 surtout avec le terrible cyclone Gervaise en 1975. Le deuxième miracle économique a fait disparaître le chômage et a créé de nouveaux piliers ou orientations économiques nationales profitables. Aujourd’hui encore, le pays a besoin d’un type de gouvernement comme celui des années 70 (moins les écarts concernant la démocratie) et des années 80, le premier sous SSR, le second sous SAJ. Je ne vois pas une alliance rouge/mauve rééditer ces exploits.

Le MMM n’a pas de ‘record’ historique en matière de relance réussie, commencée quasiment à zéro, de l’économie. Un petit paragraphe résumerait son action économique. Encore qu’un miracle économique, ce n’est pas moins qu’une révolution, un nouveau départ radical.

En 1982, le MMM – du moins le ministre des Finances d’alors, Paul Bérenger – avait demandé aux Mauriciens de ‘manze patate ek manioc’ (par ailleurs un menu sain) pour affronter le déclin économique du pays. Cette image reste gravée dans la mémoire nationale alors que le MMM avait choisi de quitter le gouvernement parce que Jugnauth n’en avait pas chassé Boodhoo au lendemain du scrutin.

Sir Gaëtan Duval, en 1983, dans la nouvelle alliance MSM-PTR-PMSD, avait promis à la télévision que les carnets de rendez-vous des épouses des ouvriers, nommément les maçons, seraient remplis de commandes et d’offres de travail. Cette image s’est matérialisée très vite dans les faits, au grand dam du MMM qui est alors resté longtemps à l’écart du pouvoir. Non, je ne crois pas qu’une alliance rouge/mauve serait viable ni que les conditions objectives en sont réunies.

Enfin, le MMM est trop préoccupé par le profil ethnique de tout le monde pour ne pas ruer dans les brancards d’un prochain gouvernement. Je pense aujourd’hui que le Remake 2000 aurait été d’une grande instabilité à cause de cela. La base même de l’approche du MMM, son fonds de commerce prioritaire depuis qu’il a rejeté le marxisme, est le calcul ethnique, votre profil, votre carat, votre caste, etc. J’ai été choqué qu’il ait fait une fausse accusation de communalisme contre SAJ qui l’a fait devenir Premier ministre en 2003.

Somme toute, du point de vue de l’historien, statistiquement et historiquement, l’alliance bleu-blanc-rouge a amplement prouvé qu’elle peut réaliser un miracle économique et qu’elle peut durer plus longtemps. Celle de 2010 est une exception, me dira-t-on, mais les 44% du MMM ont effrayé Ramgoolam… Ceci dit, il a considérablement affaibli les mauves par un incroyable tour de passe-passe. Il pourrait bien continuer sur cette lancée et gagner encore… et mieux qu’en 2010 face à un MMM qui visiblement fait l’objet d’une colère qui ne cesse de croître.

* Paul Bérenger semble vouloir à tout prix cette réforme électorale qui ne pourra être réalisée que par le biais d’un arrangement électoral avec les Travaillistes, et cela même au risque de soulever la colère au niveau de sa base électorale. Pourquoi tient-il tant, selon vous, à cette réforme constitutionnelle ?

Le MMM veut appliquer une réforme électorale ressemblant en beaucoup d’aspects à celle du rapport Banwell, rejetée avec raison par le PTr, l’IFB et le CAM et qui risque d’éliminer à jamais, et pour cause, l’influence et le poids des régions rurales sur les résultats des élections générales, causant ainsi un dangereux déséquilibre, en faveur de l’électorat urbain. Un déséquilibre néfaste à un ‘vote bank’ rural commun que se partagent le PTr et le MSM.

J’ai vu un calcul qui fait la projection d’une telle possibilité. Cela se trouve dans une des propositions de réforme envoyées au bureau du Premier ministre par un ami qui accomplit un travail formidable sur les séquelles d’une réforme électorale à la Bérenger.

Ramgoolam ‘finn senti l’ail’ à en juger par ses réactions à ce projet. Mais si ce n’est pas lui, bien des organisations sociales basées dans les villages principalement et certaines organisations socioculturelles veillant au grain en sont conscientes.

Cependant, je me pose la question que tout le monde semble se poser : plus qu’une réforme électorale, la priorité des priorités n’est-elle pas de redresser une économie nationale défaillante qui frappe cruellement les entreprises grandes ou petites, les commerces, tout le monde du business? Bérenger va-t-il paralyser le Parlement dès les prochaines élections pour passer six mois uniquement à discuter de la réforme électorale alors que l’économie du pays est en chute libre?

* Il se pourrait que ces mouvements de colère au niveau de la base militante soient « manageable » puisque Paul Bérenger demeure malgré tout le leader incontesté du MMM 2014. Qu’en pensez-vous ?

Sur le site Facebook du MMM, des centaines de commentaires sont enlevées jour après jour parce que ceux-ci sont défavorables au Lider Maximo. Ce n’est qu’à la condition d’une censure aussi radicale et tout à fait publique et ouverte, que le site fonctionne, encore que tous les commentaires défavorables ne peuvent plus être enlevés au risque de n’avoir plus de commentateur du tout. On menace et on bloque les récalcitrants. Il y a aussi des murmures au sein du PTr et d’autres milieux. On a pu voir une récente réunion filmée du comité central sur un site Facebook, celui d’ION News, où la rébellion était ouverte et Bérenger sommé de cesser de koz kozé…

C’était surréaliste : le leader du MMM avait été auparavant superpuissant et brisait facilement la moindre tentative de contestation. Mais il peut aussi ‘manage’ ses militants en les renvoyant du parti. Or, ses militants ne sont pas l’électorat et certainement pas la majorité silencieuse. Ils ne pourront pas convaincre même leurs militants de mettre une deuxième ou une troisième croix à côté du nom d’un candidat travailliste le jour des élections. Ramgoolam doit le savoir déjà surtout que ces militants le disent ouvertement sur les réseaux sociaux.

* Lorsque Tim Taylor exprime le souhait d’une concrétisation rapide d’une alliance PTr-MMM, ceci afin que l’élément de l’incertitude qui pèse sur le pays et sur le monde des affaires soit enlevé, on pourrait croire que c’est également le souhait du secteur privé en général. Mais ne disait-on pas que l’économie était sur pilotage automatique ?

On le dit et il y a une bonne part de vérité, car le secteur privé n’a pas besoin du gouvernement pour fonctionner. On affirme que Tim Taylor aurait toujours été très proche de Paul Bérenger, et ce, depuis les années 70 lorsque le MMM a commencé à tisser des liens très étroits avec le secteur privé dit ‘traditionnel’, surtout sucrier, qui s’est aujourd’hui infiltré dans tous les autres secteurs économiques et financiers. Mais il ne faut pas généraliser. Il n’y a pas qu’un seul secteur privé. Les entreprises moyennes et petites ont des opinions politiques plus diverses et elles sont d’importantes créatrices d’emplois. Entre le gros business venant du fond des siècles et les SMEs, il y a de nouveaux groupes d’affaires, passablement importants, aux convictions politiques variées.

Le gros business, fondé sur sa richesse sucrière, est définitivement acquis au MMM, mais ne marche pas sur les ordres de ce parti. Les Travaillistes sont d’ailleurs convaincus du contraire, c’est-à-dire que le MMM fonctionne pour ce gros business.

Mais ce gros business sait qu’il ne pourra pas faire marcher Ramgoolam ou les Jugnauth selon ses ordres. Il sera forcé, comme toujours, de faire preuve de diplomatie et de souplesse face aux partis au pouvoir autres que le MMM, comme après 1983.

J’ai récemment lu une thèse à ce sujet, sur la réflexion des Franco-Mauriciens les plus riches et fortunés sur leur attitude vis-à-vis du pouvoir politique dominant à Maurice qui a été soit le PTr soit le MSM. J’en parle dans mon livre ‘A New Comprehensive History of Mauritius’. Ils s’accommodent à toutes les sauces politiques. Le PMSD, à travers Sir Gaëtan Duval, contrairement au MMM, les a initiés, dès les années 70, à la souplesse face aux réalités politiques du pouvoir travailliste, puis du MSM.

Navin Ramgoolam, comme son père, devrait apprendre à travailler avec ce secteur privé-là, sans avoir à se plier à des conditions inacceptables de traitement préférentiel par rapport aux nouveaux groupes qui montent et qui sont issus d’autres communautés du pays.

* Quelles que soient les raisons du mécontentement au niveau de la base militante ou travailliste, ou le souhait du secteur privé mauricien par rapport à la réforme électorale et une éventuelle alliance PTr-MMM, quelle opinion faites-vous personnellement de la (grande) réforme électorale dont les contours nous ont été annoncés par Paul Bérenger lors de ses différentes conférences de presse ?

Comme vous, je dirais que c’est seulement Bérenger et non Ramgoolam qui annonce tout. Mais le seul projet auquel j’accorde du sérieux est celui ébauché dans le White Paper de Navin Ramgoolam. C’est un bel effort, mais je crois qu’on devrait limiter la proportionnelle à 8 ou 10 sièges pour ne pas exclure le poids des villages dans le résultat final des élections. Il existe déjà une balance entre villes et villages sur laquelle les Travaillistes et le MSM doivent autant réfléchir que le MMM l’a fait avant d’opter pour une proportionnelle étendue quasiment à la Harold Banwell qui voulait étouffer la voix de l’électorat villageois, ce qui lui avait valu l’hostilité du PTr et de l’IFB.

* Et qu’en est-il en ce qui concerne la Deuxième République qui consisterait à accorder plus de pouvoirs au Président de la République dont la présidence du Conseil des ministres (quand il le jugera nécessaire) et la dissolution du Parlement ?

On peut accroître sainement les pouvoirs présidentiels et les rétablir tels qu’ils étaient avant leur réduction de manière significative par une alliance MMM-MSM lorsque le Président pouvait, ‘in his own deliberate judgment’, renvoyer un gouvernement devant l’électorat ou nommer un nouveau gouvernement lorsqu’une motion de blâme est votée contre le gouvernement du jour. C’est un système éprouvé, qu’on connaît. Mais si on décide d’instaurer une république tournant le dos au système de Westminister, comme le propose le MMM en seulement 1 à 3 mois et sans une élection présidentielle à laquelle on assisterait à un match intéressant et démocratique entre Ramgoolam et un ou une candidate présidentiel(le), soit. Ramgoolam peut soit gagner, soit perdre.

Mais qu’on nous le dise avant les prochaines élections générales. On aura alors aux élections qui viennent, un autre match préalable entre Paul Bérenger et Sir Anerood Jugnauth pour le prime ministership de 5 ans. Le plus méritant, le plus qualifié devrait remporter le match et mériter sa victoire, que ce soit Bérenger ou SAJ. Dans cette mesure, je suis d’accord pour qu’on aille de l’avant avec une telle réforme. Et Bérenger et Ramgoolam devraient obtenir leurs 5 et 7 ans de mandats respectifs, sinon perdre la bataille la tête haute.

* Si la réforme électorale, dont les contours nous ont été annoncés par Paul Bérenger passe, ça sonnera le glas pour les petits partis ou groupuscules en raison du seuil d’éligibilité des 10% ou même 7.5%. Pas vraiment une perspective très intéressante, que ce soit pour le MSM ou le PMSD ?

Je vous rappelle qu’en 1983, une coalition des ‘petits partis’, un MSM nouvellement formé à la tête, un PTr laminé par un 60-0 et un PMSD, sans compter l’OF/Les Verts encore plus ‘petits’, avaient battu le plus grand parti du pays, un MMM dont tout le monde disait qu’il pouvait remporter seul les élections générales de 1982.

Depuis, la situation a évolué. Le PTr est un parti essoufflé, n’ayant pas de majorité à lui seul, ne restant au pouvoir qu’avec le soutien du Mouvement Rodriguais, l’ultime ‘béquille’ de son présent mandat, et a besoin d’une nouvelle alliance. Une alliance qui ferait remonter et non baisser une crédibilité populaire sérieusement entamée. Et qui lui a déjà fait perdre presque 4 villes et plusieurs villages aux dernières élections régionales, où grâce au MSM, le MMM a pu se refaire une carrière régionale qui avait été effacée depuis 2005-2006. Et je ne parle pas des bastions envolées à Port-Louis et ailleurs depuis cette date aux élections générales contre le PTr-PMSD, puis le PTr-MSM-PMSD.

Il y aura toujours deux camps se partageant l’échiquier politique. Au plus bas de sa carrière, aux élections générales de 1995, le MSM avait remporté quasiment 20% des votes populaires. Une alliance de la ‘vraie opposition’ face au PTr et au ‘gendarme’ de Ramgoolam, le MMM, causera pas mal de dégâts, surtout si des ‘rouges’ s’y joignaient dans une lutte entre SAJ et Bérenger pour le poste de Premier ministre pour 5 ans. Une telle alliance n’aura même pas besoin, en réalité, du seuil de 10%.

* Xavier Duval, par contre, ne doit pas se faire de soucis, car face à une éventuelle alliance PTr-MMM, il va retrouver le poste de Leader de l’opposition grâce au Best Loser System, n’est-ce pas ? Il a donc besoin du support de l’électorat du MSM pour qu’il accède au seul d’éligibilité du BLS…

La question, à mon avis, ne se pose pas à la lumière des dynamiques expliquées plus tôt.

* Il semblerait que le Muvman Liberater ait été sanctionné avant même que la réforme électorale et son seuil d’éligibilité ne soient appliqués dans notre système électoral. Vous vous attendiez à cela ?

Il y aura deux principales alliances aux élections et Ivan Collendavelloo pourrait se retrouver aux côtés du MSM et du PMSD. L’électorat aura un choix de Premier ministre entre principalement SAJ et Bérenger à ces élections, en attendant un choix hypothétique de Président entre Ramgoolam et un ou une candidat(e) à la présidence post-avènement hypothétique d’un gouvernement PTr-MMM à majorité des trois-quarts…

Alors, vous voyez toutes ces hypothèses, tous ces rêves se réaliser sans anicroches pour deux plans de retraite dorée de 5 et 7 ans respectivement?

* Que nous enseigne le parcours de ce Muvman Liberater ? Maurice n’est-elle pas encore prête pour faire de la place à une troisième force politique?

Vous savez, la troisième force est pour l’instant une illusion. Comme le Canada et l’Angleterre, Maurice a évolué vers un tripartisme se muant à chaque élection à un retour au bipartisme par deux alliances principales. On est figé, comme ces grands pays, dans ce jeu pour jusqu’à une révolution comparable à celles de 1948 ou 1969. On n’en réunira pas les conditions de sitôt. Pas avant les élections générales qui sont derrière la porte. Pour après, je ne sais pas, mais tous ceux qui veulent entrer au Parlement et aider au rajeunissement de la classe politique, comme cela se fait par exemple au MSM où beaucoup de jeunes intellectuels et cadres, hommes et femmes adhèrent chaque semaine, et comme s’est fait au PTr par la volonté de Ramgoolam lorsqu’il a pris le parti en main entouré d’une nouvelle génération.

Il n’y a pas de carrière politique en dehors du tripartisme actuel. Cela dit, je respecte les vrais petits partis, ceux qui sont en-dehors des deux principales alliances, et qui méritent bien que l’on abaisse le seuil à 5 %. Cehl Meeah est mieux au Parlement qu’en dehors. J’en dirais de même pour Ashok Subron et Ram Seegobin, et aussi Jack Bizlall. Je suis démocrate dans l’âme et je ne partage pas l’intolérance. On a besoin des ‘petits’ partis.


 

* Published in print edition on 11 July 2014

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