« Le temps est l’allié absolu de Ramgoolam…

Interview : Reza Issack

…d’ici 2015 bien des choses auront certainement changé, pour le meilleur »

« L’effet soda n’aura duré que le temps d’une démission. Jugnauth devra se rendre à l’évidence : Ramgoolam gagnera à l’usure »


Folklore oblige : Notre invité, cette semaine, le PPS Reza Issack s’adonne à l’exercice de commenter les rassemblements du premier mai qui ont attiré les Mauriciens tandis que les révélations n’étaient pas au rendez-vous. Pourtant l’affaire MedPoint tout comme le campement de Roches-Noires étaient à l’agenda. Reza Issack donne aussi son avis sur la tenue des prochaines élections, tant souhaitées par l’opposition.


* Le nombre de personnes présentes lors du meeting du 1er Mai fait toujours débat après les rassemblements. Chaque bloc, à savoir le PTr-PMSD et le MMM-MSM, soutient avec force qu’il a réuni plus de personnes que son adversaire. Objectivement, quelle est votre analyse à propos de la foule présente à Vacoas et à Port-Louis ?

On s’auto-congratule. Il est tout à fait normal que chacun se targue d’avoir eu la plus grosse foule. Les deux principales formations ont indéniablement attiré une grosse foule chacune. Même la presse a choisi de jouer la prudence en refusant d’avancer des chiffres. A chacun donc son estimation de la foule.

Cependant, je confesse que, même si j’étais optimiste, j’ai eu quelques moments de doute concernant la mobilisation de nos troupes. J’ai eu tort car les nôtres ont abattu un travail formidable. Nos partisans sont toujours là, plus revigorés que jamais, avec un moral indémontable. L’alliance PTr-PMSD est solide comme un roc, malgré les défections.

* Il n’y a pas que le nombre, la composition de la foule des deux côtés est révélatrice de l’assise électorale de chaque camp, valeur du jour. Quelle lecture faites-vous à ce propos ?

Là, nous entrons dans l’ethno-politique. Il ne faut pas tirer des conclusions hâtives même s’il est clair que dans les régions rurales le Parti travailliste est immuable. Le MMM, de son côté, s’il veut renverser la tendance, doit galérer afin d’aller au-delà du 3% qu’il a engrangé …

* On aura noté une prédominance de l’électorat hindou et musulman à Vacoas, et celui de la population générale à Port-Louis. Ce qui donnerait à conclure qu’on n’a pas fait énormément de progrès en termes d’un ratissage large de tous les groupes ethniques du pays par les deux principaux blocs politiques. Maurice reste donc coupée en deux ?

Même si c’est vrai que le PTr a certainement une assise solide dans les circonscriptions rurales, c’est également vrai d’affirmer que les gens des villes étaient eux aussi présents en grand nombre à Vacoas. Le bloc PTr-PMSD dépasse la dichotomie urbain/rural, car cette alliance a un ancrage dans les deux milieux.

Par ailleurs, je dois aussi ajouter que l’île Maurice est le pays de paradoxes. Nous y vivons à deux niveaux : celui de son appartenance religieuse et celui de la nation. Malheureusement, quand arrive le moment des élections, l’hydre communale déchiquette notre existence avec ses dents acérées. Mais ce n’est que pour une durée donnée. Mieux vaut ne pas associer telle communauté à tel parti politique, ceci afin de contribuer à consolider les relations interethniques malgré l’œuvre des partisans du divide-and-rule.

* On avait promis beaucoup de révélations lors de ces meetings. Finalement, les partisans, sympathisants et activistes des deux blocs sont restés sur leur faim, n’est-ce pas ?

On avait monté les enchères en vue d’appâter les Mauriciens. Même si finalement il n’y a pas eu de divulgations abracadabrantes, la joute a été palpitante. On voulait entendre ce que les protagonistes avaient à dire. L’ambiance était au rendez-vous. Le folklore était là. Il y avait du spectacle. On a électrisé la foule. Tout le monde est parti plus ou moins satisfait.

Les meetings à Maurice sont comme un match de football. Tout le monde est emballé, émoustillé, hystérique même avant et pendant le match. Ensuite, ça fait psitt ! Et tout revient à la normale peu après. C’est cela notre île!

* Pas de surprise donc en termes de révélations par rapport à principalement l’affaire MedPoint et au vol dans le campement de Roches Noires. Les procureurs sur les deux estrades politiques se sont gardés d’aller jusqu’au bout et se sont contentés de colporter des insinuations…

Les attaques étaient plutôt d’ordre personnel et parfois plus ou moins haineuses. C’est regrettable. Mais, que voulez-vous, quand l’un attaque, l’autre doit se défendre.

* Selon Paul Bérenger, une demi-douzaine de personnes étaient présentes au campement de Navin Ramgoolam. A Port-Louis, il a réclamé que ces noms soient rendus publics. Que pensez-vous de sa démarche ?

Si quelqu’un a des informations aussi sûres, pourquoi ne les révèle-t-il pas lui-même ? Mais attendons voir. Une enquête judiciaire sera enclenchée prochainement.

* Navin Ramgoolam a allégué qu’il y a deux scandales MedPoint, le premier concernant la genèse de la construction de cette clinique et, le second, ayant trait à son achat. Qu’en est-il au juste ?

Le Premier ministre sait de quoi il parle. L’affaire MedPoint est en trois phases : avant la construction, la construction, après la construction. Maintenant, on c’est la destruction ! Ce devrait être une clinique maudite ! Koumsa kapav mofine do ! Problème prénatal, problème natal, problème postnatal… Un saga qui n’en finit plus ! Elle continue à hanter et à tourmenter une nation !

* Si les hommes politiques restent dans le registre des « insinuations » par rapport à ces « affaires », le grand public devra attendre du côté du DPP, de l’ICAC et, éventuellement, de la Cour pour connaître la vérité…

A mon avis, il faudrait rehausser le niveau du débat, car ces dernières semaines de part et d’autre, on a volé bien bas de temps à autre. Le débat a été désintellectualisé et certains ont eu recours a des arguments vulgaires et bas de gamme. Les insinuations malveillantes, le dénigrement de l’adversaire, y compris des femmes, ne font certainement pas honneur à la classe politique. Proférer des menaces et s’en prendre démesurément à l’autre révèle une certaine pusillanimité qui cache bien souvent des faiblesses.

* Le Premier ministre a réitéré que l’ICAC travaille indépendamment et qu’il n’allait pas interférer dans cette affaire MedPoint. L’opposition doute du fonctionnement de cette commission. Comment accueillez-vous les déclarations du chef du gouvernement et de l’opposition ?

Dans ‘Mesure Pour Mesure’, Shakespeare dit : « Nos doutes sont des traîtres ». L’Opposition ne fait que douter et fait douter de tout et de rien. Elle se trahit constamment. Il y a bien des faits qui établissent l’indépendance de l’ICAC aussi bien que celle du défunt ECO – Economic Crime Office. Le Premier ministre n’épargnera jamais un des siens si jamais celui-ci est pris dans une affaire de corruption. Il l’a déjà prouvé d’ailleurs. Croyez-moi, Ramgoolam sera intraitable, voire impitoyable, envers celui qui trempe dans une affaire louche.

* Partagez-vous également l’opinion de ceux qui affirment que l’ancien Président de la République est descendu dans l’arène politique non pas pour redresser le pays mais pour sauver son fils, provisoirement inculpé dans le scandale MedPoint ?

C’est ce qu’on pense, c’est une perception généralisée, car la fibre paternelle s’est extériorisée quand Pravind Jugnauth a été incriminé.

En ce qui concerne le fait de redresser le pays, nous avons démarré ce processus à partir de 2005, non ? Nous étions alors en état d’urgence économique. N’oublions pas que ce sont des facteurs exogènes qui influent sur le prix des denrées alimentaires et d’autres produits aujourd’hui. Reconnaissons que, malgré tout, d’innombrables projets ont été mis en chantier, le développement s’accélère, l’île se modernise à un rythme accéléré, et tout est fait pour venir en aide aux plus démunis…

* Pour beaucoup, l’invité-surprise du PTr-PMSD, Ashock Jugnauth, n’a pas vraiment créé l’impact voulu à Vacoas. Le public attendait beaucoup de votre « invité-surprise ». Or, la montagne a accouché d’une souris. Partagez-vous cette opinion ?

Sa présence même sur l’estrade a été un événement. S’il n’y a pas eu d’effet réactionnel, c’est sans doute parce que c’était devenu, la veille, un secret de polichinelle. Toutefois, c’est seulement à Maurice qu’on peut voir le leader d’un parti politique être ainsi accueilli par son adversaire acharné d’hier…

* Un succès d’affluence était important pour le Premier ministre afin de démontrer qu’il contrôle toujours la majorité dans le pays. Cette démonstration de force était nécessaire face à l’adversaire mais rassure aussi ses troupes et alliés du jour. Il n’y a en conséquence aucun risque pour sa majorité à l’Assemblée nationale, n’est-ce pas ?

Navin Ramgoolam n’est pas un adversaire facile à dribbler ou à tromper. Il a plus d’une corde à son arc et plus d’un tour dans son sac. Il est imprévisible. On aura tort de lui donner tort. Sa majorité est assurée, il peut donc dormir tranquillement sur ses deux oreilles. La foule du 1er Mai l’a réconforté et sécurisé. Maintenant, l’heure est à l’action.

* Ce sera donc difficile pour l’opposition de débaucher qui que ce soit du côté de la majorité gouvernementale. Le projet de « faire tomber » l’actuel gouvernement devra attendre, dites-vous ?

Paradoxalement, c’est le gouvernement qui semble avoir mené cette opération de débauchage au sein de l’opposition ! Ashock Jugnauth est sur notre estrade, Sunil Dowarkasing est dans la foule, Harish Boodhoo reçoit les félicitations de Navin Ramgoolam, Eric Guimbeau s’en prend à l’opposition même, Cehl Meeah fait les éloges du discours-programme, j’en passe ! N’oublions pas Mireille Martin et Jim Seetaram qui ont juré fidélité à Navin Ramgoolam.

* Par ailleurs, un succès d’affluence pour l’alliance MMM-MSM devrait assurer la durabilité de cette coalition. Pensez-vous que Sir Anerood Jugnauth n’a rien à craindre à ce propos ? D’ailleurs Paul Bérenger s’est montré rassurant à son égard, n’est-ce pas ?

Soyons réaliste. L’effet soda n’aura duré que le temps d’une démission. Sir Anerood Jugnauth devra se rendre à l’évidence : Navin Ramgoolam gagnera à l’usure, en vue de le fragiliser et, éventuellement, l’essouffler. Ce ne sera certainement pas facile d’attendre trois ans, même si d’ici là bien des choses peuvent arriver, car en politique il faut toujours s’attendre à l’inattendu !

* Au train où vont les choses, il semblerait que les élections générales auront lieu dans trois ans et non pas cette année, comme le soutient l’opposition. Pensez-vous que l’alliance MSM-MMM sera affaiblie d’ici là et qu’elle ne tiendra pas le coup pour mater le PTr-PMSD ?

Je crois que c’est Sigmund Freud qui a dit : « Le rêve est la satisfaction d’un désir ».Rêve donc, camarade ! Il n’y a pas de taxe sur le songe.

Le temps est l’allié absolu de Ramgoolam. D’ici 2015 bien des choses auront certainement changé, pour le meilleur, souhaitons-le. Entre-temps, la traversée du désert s’annonce éreintante pour nos utopistes qui doivent s’armer de patience. Nous leur souhaitons bon vent.

* Le Dr Navin Ramgoolam a fait un réquisitoire en ce qui concerne la situation économique de 2000 à 2005 sous le gouvernement MSM-MMM alors qu’il n’y avait pas de récession internationale comme c’est le cas présentement . Pensez-vous que le gouvernement PTr-PMSD réussira à améliorer la situation économique du pays ?

Si en 2005 l’alliance orange-mauve a perdu les élections, c’est essentiellement à cause de son bilan économique. Par contre, malgré le contexte international difficile, notre résilience étonne plus d’un. Notre pays est le meilleur en Afrique en ce qu’il s’agit de la bonne gouvernance. L’état de nos routes principales, le développement routier accru, l’agrandissement et la modernisation de notre aéroport, la construction d’un gigantesque réservoir d’eau à Bagatelle, entre autres, sont non seulement des signes de métamorphose mais surtout une vision de l’avenir.

N’oublions pas notre évolution dans le domaine de l’éducation, le maintien des subsides du gaz, du riz et de la farine, ainsi que les diverses prestations sociales, dont le transport gratuit pour les étudiants et les personnes âgées. En dépit de l’absence de ressources naturelles et de ses imperfections, la République de Maurice reste un modèle économique, une référence. Que Moody’s s’apprête à nous promouvoir est révélateur.

* Donc, vous êtes d’accord avec Xavier Duval qui affirme que nous ne sommes pas en situation d’urgence économique ?

Tout à fait. Toutefois, nous gagnerons à être extrêmement prudents car des nuages gris s’amoncellent sur le monde. Nous devons prioritairement maintenir l’emploi, améliorer la productivité, accélérer le développement infrastructurel et assurer la croissance.

* La reprise des travaux parlementaires est prévue pour le 8 mai prochain. Tout indique que le leader du MMM et les autres membres de l’Opposition affûteront leurs armes pour bousculer le Premier ministre et ses ministres. Est-ce que le gouvernement sera prêt à leur donner la réplique ?

A l’Opposition de jouer son rôle et au gouvernement de jouer le sien. C’est le droit et peut-être même le devoir de l’Opposition de bousculer le gouvernement qui, s’il fait son travail correctement, n’a rien à craindre. Aux ministres d’effectuer les diverses tâches sous leur responsabilité consciencieusement et irréprochablement. They have to perform and deliver. Full stop ! La population n’attend que cela. Si l’Opposition veut transformer le Parlement en arène, à nous de montrer que nous sommes des hommes politiques, sachant non seulement se battre mais aussi vaincre.


* Published in print edition on 4 May 2012

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