« Les Mauriciens n’aiment pas aller aux urnes avant ou après l’heure…

Interview : Jack Bizlall

… Ils ont sans doute raison. Quand on a mal voté, il faut boire le calice jusqu’à la lie »

« Le MMM n’a pas les moyens d’assumer un rôle de partenaire dominant.
Mais il ne faut pas trop spéculer. Il n’est pas encore dit que cette alliance gagnera les prochaines élections »
« En termes d’alliance entre le MMM et le MSM, le MMM part perdant et perdra toujours. Le plus gros problème se posera pour le PTr. Ce parti est en danger de mort »

Les tractations politiques font partie du paysage politique local et le système a l’air de se complexifier de plus en plus avec un jeu troublant de demandes, d’attentes et d’opportunismes. Est-ce que c’est un signe de l’ampleur de ce qui gangrène la politique localement ? Dans quelle mesure est-il possible d’accepter des agissements de la classe politique fort éloignés des valeurs fondamentales et des espoirs de la population mauricienne ? Jack Bizlall nous en parle…

Mauritius Times : Alors qu’il était en partance, nous disait-on, il y a une quinzaine de jours de cela, le voilà qui assure l’intérim au poste de Premier ministre durant la semaine écoulée. Belle fausse sortie pour le leader le PMSD… ?

J’ai en mémoire les élections de 1959 et, depuis, j’ai tout vu en termes d’alliances politiques qui se construisent, qui se brisent pour ensuite se reconstruire. Il y a eu un nombre conséquent de transfuges. Beaucoup qui ont retourné leur veste. Il y a eu aussi plusieurs situations autant pittoresques qu’inédites.

A chaque fois que les élections générales approchent, la population se pose les mêmes questions : avec qui le parti au pouvoir va-t-il faire une alliance ? C’est par rapport à cette attente que les dirigeants politiques font leurs tractations pour attirer l’opinion publique et tirer les draps dans ces rapports politiques hermaphrodites. Avez-vous déjà vu des escargots copuler en groupe ? C’est la même chose.

Autrefois, c’étaient les rapports entre le PTr, le CAM, l’IFB et le PMSD avec le PTr comme centre de pouvoir. Après cela a été le MMM, le PSM, le PMSD, le PTr avec le MSM comme centre de pouvoir. Aujourd’hui, c’est le PTr, le MMM, le MSM et le PMSD avec le PTr comme pilier politique. Seul un pilier remplace un pilier. Si le PMSD s’était joint à l’alliance MMM-MSM, c’est le MMM qui aurait été le pilier de l’alternance politique aujourd’hui.

Dans la vie, il faut toujours savoir à qui on a affaire. En politique, on a affaire à des «pouvoiristes». Je n’ai rencontré que quelques politiciens honnêtes de ma vie par rapport au pouvoir. Ils sont rares. Un pouvoiriste est comme un papillon de nuit. Il vole vers tout ce qui brille dans le noir. Vous ne pouvez pas savoir combien le pouvoir est pulsionnel chez les hommes surtout. A gauche, au centre comme à droite.

* Comment les choses peuvent-elles évoluer ?

Pour l’instant, il n’y a qu’un constat : Duval est retourné au bercail. Est-il soumis ? Sans aucun doute puisqu’il ne dit rien et qu’il ne se passe rien. Mais il faudra aussi voir ce qui va se passer du côté de Sik Yuen.

Comme vous le savez, ce dernier était membre du PMSD et il occupe un poste ministériel qui avait été alloué au PMSD. D’autre part, le secteur hôtelier et touristique n’aimerait pas voir « leur ministre » coupé des sources de financement sous le contrôle du ministre des Finances. Croyez-moi, c’est une très grosse perte pour les familles qui contrôlent ce secteur.

Cette situation n’est absolument point cornélienne puisque cette confrontation n’est aucunement entre « la grandeur de quelque passion » et « l’honneur de quelque devoir ». On est en plein dans le pétrin.

Dans toute analyse d’alliance politique à Maurice, il faut se concentrer sur quatre questions.

1) Qui est celui qui est mieux placé pour prendre le pouvoir (s’accaparer serait le mot le plus juste) ou pour s’y accrocher, légalement ou non ?

2) Quelles sont les forces sociales que celui-ci peut rassembler pour atteindre cet objectif ou se maintenir au pouvoir ?

3) Qui sont ceux qui veulent « partager » ce pouvoir avec lui pour qu’il ne soit pas rejeté par la population ?

4) Qui délaisse qui et qui soutient qui en ce qui concerne les médias, les organisations ethniques de toutes sortes, les financiers…?

La politique est une machine qui broie tout, y compris celui qui croit qu’il est au pouvoir. Il n’y a pas d’amitié. Le raisonnement ne sert à rien. Je déteste le terme « politicien ». C’est un terme qui est exécré par la population tant on a affaire à de véritables personnes méprisantes. A gauche, au centre comme à droite.

* Les deux dirigeants du Remake 2000 ont pris note, disent-ils, du comportement de Xavier Duval après le coup avorté de la tentative de débauchage du leader du PMSD. Même si le départ du PMSD n’aurait pas entraîné la chute du gouvernement, qu’est-ce qui explique l’empressement du Remake à vouloir abattre le gouvernement à tout prix ?

Ils ont faim. Ils n’on rien mangé depuis l’affaire MedPoint. Ils ont sans doute peur que lors du départ éventuel de Navin Ramgoolam, il ne reste plus rien. Ceux au pouvoir aujourd’hui appartiennent à la génération des années 30, 40, 50 et début 60. C’est l’heure de partir. Bizin prend enn laklos lékol sonn dan zot zorey.

Ils sont comme Casanova devenu vieux, voulant à tout prix tirer ses derniers coups, avant de mourir en plein acte. Ou comme Aladin avec sa lampe merveilleuse devenue langue merveilleuse, recherchant son dernier tour de magie.

Je me demande à quel moment ils se rendront compte qu’il est temps de laisser la place aux jeunes.

Si la génération fin 60, 70, 80 et 90 ne crée pas une autre force politique, la situation sera autrement réglée. Dans de tels cas, le pouvoir se transmet comme au sein des oligarchies, de père à enfant. Autrefois, on disait de père en fils, mais il y a deux filles en attente. Certes trop jeunes, mais elles sont là.

Si vous n’avez rien observé, au-delà du fait que certains soient vieux, pas vraiment en bonne santé ou complètement déconnectés de leurs responsabilités politiques, ils veulent tous garder le pouvoir qu’ils détiennent d’une façon ou d’une autre. Il y a chez eux un déni d’être comme les autres et cela détruit leurs rapports avec leur famille, leurs amis, et avec eux-mêmes. Quand ils sont au pouvoir, ils prennent tout leur temps pour jouir de la situation. Quand ils sont dans l’opposition, ils sont tous pressés.

Ces gens-là s’entendent bien. Croyez-moi. Entre eux, il n’y a ni haine ni obstacles insurmontables. Un porc-épic ne blesse jamais … un autre porc-épic.

* Au fait, peut-on dire que le temps joue contre les dirigeants du Remake et, donc, en faveur de Navin Ramgoolam ?

Premièrement, les Mauriciens n’ont jamais vraiment souhaité des élections anticipées ou des renvois d’élections. Ils n’aiment pas aller aux urnes avant ou après l’heure. Ils ont sans doute raison. Quand on a mal voté, il faut boire le calice jusqu’à la lie.

Deuxièmement, je ne crois pas que Ramgoolam soit immuable. L’opinion publique se tourne contre lui dans plusieurs milieux. Je l’ai dit et je le redis, les élections de 2015 vont étonner plus d’un.

Je me pose la question: Pourquoi tourne-t-on uniquement autour du PTr, du MMM et du MSM ? Ce n’est pas démocratique.

Je pense qu’il faut commencer à pousser la réflexion vers une deuxième force politique. Très sérieusement. Si nous n’arrivons pas à construire cette force, c’est parce que les quelques jeunes qui s’engagent en politique n’y restent pas longtemps. Je connais plusieurs qui se font facilement acheter par les partis politiques pouvoiristes ou par le secteur privé. Parmi, il y en a même certains que j’ai vu naître, enfants de mes amis militants des années 70. Ou alors ils quittent le pays. C’est décourageant et on n’y peut rien.

Mais il ne faut pas croire que la situation ne va pas évoluer positivement. Ils seront obligés de prendre la relève. Tôt ou tard. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas la même mentalité que leurs parents et surtout ils ont d’autres moyens de communication. Une construction peut prendre du temps, mais elle peut aussi naître dans le temps que prend un message pour circuler sur Facebook ou sur YouTube.

* Après l’épisode de débauchage avorté, le Remake s’est attelé à dresser la liste des candidats pour les prochaines élections générales, et cela, à 14-15 mois de l’échéance…

Je crois que c’est le moment d’agir et de s’organiser. Je ne m’intéresse pas à ce qui se passe du coté des partis politiques pouvoiristes. Si les jeunes veulent agir, c’est le moment de s’organiser.

Pour y arriver, il faut rassembler sur les sujets suivants :

1) Une nouvelle Constitution avec plusieurs projets sur les libertés, les droits, la démocratie, les institutions et de nouvelles lois ;

2) Un nouveau système d’éducation ;

3) La fusion entre l’économie et le social ; et

4) Notre culture et la civilisation auxquelles nous voulons appartenir.

Il y a des obstacles à cette création. Ils sont le sectarisme, l’opportunisme et le narcissisme de certains. Je reviendrai publiquement un de ces jours sur cette question. Elle est d’une importance capitale. Souhaitons que certaines mentalités changent.

* Dresser la liste des candidats s’avère toutefois une tâche difficile. Selon Paul Bérenger, c’est difficile d’accommoder des candidats MSM dans certaines circonscriptions urbaines, en particulier celles qui ont élu 3 candidats mauves. Votre réaction ?

Il est un fait que le MMM s’est considérablement affaibli par ses alliances avec le MSM. Celui qui décide au MMM sait qu’il a l’obligation de ne pas faire les mêmes erreurs. En termes d’alliance entre le MMM et le MSM, le MMM part perdant et perdra toujours.

Le plus gros problème se posera pour le PTr. Ce parti est en danger de mort. Ses dirigeants actuels n’ont pas de pouvoir. Au PTr, seul Ramgoolam décide. C’est un des facteurs qui va grandement influer sur les élections de 2015. Il y aura d’autres éléments. Les gens vont vendre leur vote lors des prochaines élections. D’autres vont vendre leur candidature. Il pourrait aussi y avoir beaucoup d’abstentions.

* Mais avez-vous compris pourquoi Paul Bérenger étale sur la place publique les difficultés que rencontre le MMM dans les négociations avec le MSM concernant la répartition des candidats éventuels des deux partis au niveau des circonscriptions ?

Cela a toujours été ainsi. Des suspicions réciproques ont toujours existé au sein des alliances MMM-MSM. Il y a toujours eu des jeux de pouvoir entre ces deux partis politiques.

Un exemple parmi tant d’autres. En février 2000, le MMM décide pour une rupture de la Fédération MMM-MSM pour « se consolider ». Les deux partis politiques sont cependant ensemble aux élections de septembre de la même année. En septembre 2003, Paul Bérenger est Premier ministre et Jugnauth Président de la République. Qui peut prétendre mieux faire !

Bérenger est passé maître – je crois qu’il a obtenu son doctorat en la matière en 1995 — dans la manipulation de l’opinion publique et dans « la balance » qu’il fait entre une alliance avec le PTr ou le MSM. Il n’est pas triplement l’héritier de Duval pour rien. J’espère qu’il ne va pas copier ce dernier totalement.

Il a commis une erreur en 2005 en jouant sur les deux plans : négociations avec Ramgoolam et avec Jugnauth. Il est resté sur les carreaux. Je crois qu’il doit avoir des problèmes avec certains de ses généraux qui pensent autrement que lui. Il va être confronté à beaucoup d’opposition dans les rangs du MMM après les élections de 2015. Que le MMM soit associé au pouvoir ou non. Je lui demanderai de chercher ce qui arrive au vieux lion quand il est délogé par un plus jeune que lui. Le gagnant lui bouffe les c… et tue tous ses petits.

* En tout cas, le MSM aura obtenu un meilleur ‘deal’ du MMM que du PTr pour les législatives de 2010 : partage de tickets 30:30 et de postes ministériels 50:50. Sir Anerood Jugnauth occupera le poste de Premier ministre, en cas de victoire du Remake 2000, durant trois ans et qui reviendra à Paul Bérenger durant les deux dernières années. Pas question de revenir sur ce ‘deal’, a-t-il fait comprendre – « une parole donnée est une parole donnée… » Qu’en pensez-vous ?

Quel scénario de film de quatre sous pour producteurs italiens ! Continuez dans la logique de votre analyse. Ajoutez ensuite « … Pour les élections de 2020, il se présente comme Premier ministre pour 3 ans suivi de Pravind Jugnauth après avec un arrangement pour le fils de Bérenger. »

Et vous me demandez ce que j’en pense. C’est répugnant. On ne peut se permettre de proposer des choses pareilles. On ne peut partager ce pays ainsi. Nous sommes dans une République. Y a-t-il vraiment des Républicains au MMM et au MSM ? Je ne le pense pas. Au PTr non plus.

Portons notre attention plus loin. L’autre jour, j’écoutais un commentateur français dire que le monde doit bien analyser la place de la technologie et des finances dans le cadre de la mondialisation. Un autre a ajouté que sans le démantèlement des paradis fiscaux, il ne sera pas possible de relancer l’économie dans les pays développés. Certains commentateurs économiques sont sceptiques que cette relance puisse se faire par l’offre, comme c’est proposé en France. Notre économie est présentement opportuniste. Nous n’avons AUCUNE base et AUCUN repère.

Par ailleurs, la situation est celle de l’abandon pour des milliers de gens. Je suis à analyser cette situation depuis 2007. Dans l’opuscule « Le Code Noir 2013 », je décris cette situation pour l’Observatoire de la Démocratie. Croyez-moi, s’il y a des partis politiques qui ont du temps pour réfléchir, ils gagneraient à porter leur attention ailleurs.

* Et que se passera-t-il, selon vous, au cas où le MSM se retrouve dans une situation de partenaire minoritaire dans un éventuel gouvernement MMM-MSM après 2015 ?

Cela n’a aucune importance puisque le MMM n’a pas les moyens d’assumer un rôle de partenaire dominant. Mais il ne faut pas trop spéculer. Il n’est pas encore dit que cette alliance gagnera les prochaines élections.

J’attends avec impatience le prochain sondage. J’aimerais bien connaître la nature des rapports entre Arvin Boolell et Navin Ramgoolam, entre le PTr et le MMM, et le pourcentage d’abstentions potentielles. Il faudrait un premier sondage sur les intentions de vote.

En attendant, concentrons-nous sur la situation sociale à Maurice. C’est ce que je fais. Il faut travailler sur le plan des faits et des rapports et faire des propositions après analyse. Les intellectuels, qui ne se situent pas dans le mainstream et qui ne sont pas le produit de ce que j’appelle le fordisme intellectuel, doivent faire des propositions politiques.

Comblons deux lacunes du MMM et du MSM. D’abord, faisons une analyse de la situation locale et internationale. Ensuite, réfléchissons à la manière de rectifier la politique de Ramgoolam et ainsi changer de direction.

* Le leader du MMM a laissé comprendre que le Remake 2000 laissera Kailash Purryag à son poste de Président de la République (sauf s’il soumet sa démission) jusqu’à la fin de son mandat quelquesoit le résultat des prochaines législatives. « Nous n’avons pas l’intention de le bousculer » a-t-il dit – par respect pour l’institution constitutionnelle. Votre opinion ?

Foutaise. Le Président de la République ne peut être « démissionné ». Navin Ramgoolam en a fait l’expérience en 2005. Constitutionnellement, ce poste est quasi-inamovible. Ce terme « inamovible » est utilisé, ici, dans le cadre de la sémantique constitutionnelle. C’est pour cela qu’il faut limiter le nombre de mandats d’un Premier ministre à deux, et celui du Président à un.

Bérenger sait très bien qu’il ne peut rien faire contre un Président si celui-ci ne veut pas partir.

De toute façon, Prayag n’est pas une personne adepte de l’antagonisme. Il laisse passer le temps.

* L’Observatoire de la Démocratie, dont vous êtes le Président, publiera à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le 1er février prochain, ‘Le Code Noir 2013’. Pourquoi 2013 ?

Je crois que 2013 a été une année déterminante dans la compréhension de ce qui est Ramgoolam, de la nature de son régime et aussi de la situation dans le pays. A partir de là, on a fait une comparaison entre le Code Noir et la situation actuelle. Au fond, l’esclavagisme en tant que mode de production a été aboli mais l’esclavage demeure.

L’Observatoire de la Démocratie publie un opuscule de 72 pages. Il fait un bilan de la démocratie à Maurice sur sept critères et nous en donnons 21-34 sur 70. L’état de la démocratie est bien critiquable. 17 points seulement. Mais puisque nous avons une forte opposition et des propositions pour changer la situation, ce chiffre est porté à 34.

Il aborde de manière très « descriptive » 47 sujets d’abandon. Il est sous presse et sera disponible lundi prochain.

* Bref, c’est l’adaptation du « Code Noir » de 1685 aux réalités de 2013, si je vous comprends bien. Mais « identifier les reliquats de l’esclavagisme dans nos traditions, dans nos comportements, dans nos rapports et dans nos lois » comme cela est écrit, où cela nous mène-t-il ? Si les objectifs que se donne l’Observatoire sont raisonnés, faut-il que l’on pose aussi la question : « Les gens écoutent-ils ? »

Deux extraits de cet opuscule :

1) Sur l’écoute : Pourquoi dans notre pays n’y a-t-il plus d’écoute ? Tout simplement parce que nous sommes trop occupés, voire débordés par nos préoccupations et nous n’avons pas de temps. Nous ne savons pas écouter (il y a une méthode); nous ne voulons pas nous engager ; nous décrétons d’une façon raciste que « seuls les faibles ou les fautifs ont des problèmes » ; nous ne savons pas quoi faire après ; nous nous rendons à l’évidence que c’est plus facile de se cantonner dans le « ne t’en fais pas, je vais prier pour toi. » ou « Va prier »; nous décidons que cela ne rapporte rien… C’est accablant !

2) Sommes-nous arrivés à une situation où il ne faudrait rien voir, rien entendre, rien dire, rien faire, rien penser ?… Sommes-nous arrivés à une situation de « sans tolérance aucune » pour les sous-hommes et le « tout permis » pour les sur-hommes ? Combien sommes-nous encore, qui avons le courage de dire non à toute personne qui se croit au-dessus de tout, qui se permet de décider de tout à sa manière et ainsi de nous dicter sa loi en étant lui-même un hors-la-loi à bien des égards ?

Comme vous le voyez, et il y a d’autres extraits, nous- nous posons plusieurs questions. La situation est sans doute le résultat combiné d’une forte dose d’individualisme, du fait que les Mauriciens restent chez eux, et que la conscience collective est au plus bas pour des raisons multiples, entre autres, notre système d’éducation, le rôle d’endormeur de la MBC, le désir de quitter le pays (très fort), la dépolitisation, etc. Nous sommes tous, de ma génération, un peu responsables de cette situation.

Beaucoup de personnes m’arrêtent en chemin pour me dire qu’ils acceptent les opinions que j’émets à la radio ou dans les journaux. Lindsay Rivière a utilisé une expression en 2008 que j’adore. C’est « Le rêve de l’homme debout ».

« Debout » dans le sens de « penser ce que l’on veut en politique d’une façon consciente ». « Debout » dans le sens de « ne pas se soumettre au pouvoir », aux « fatalités », aux « leaders ». « Debout » surtout dans « la position du combattant ».

* On note dans l’introduction du Code Noir 2013 que « la conscience collective à Maurice est quelque part déformée par le souhait de tout le monde que notre société change sans que personne ne veuille vraiment descendre dans la rue et s’opposer à ceux qui sont responsables de nos malheurs. Cet ouvrage a pour dernier objectif de justifier, arguments à l’appui, le soulèvement des abandonnés contre les responsables politiques… » Difficile tâche, celle-là également ?

Je ne sais pas si je l’ai déjà dit. J’avais été invité à un séminaire par Roger Cerveaux quelques mois avant la mort de Kaya le 21 février 1999 à Petite Rivière. J’avais conclu, dans mon analyse, que l’on se dirigeait tout droit vers une révolte. Les personnes présentes n’y avaient pas porté attention. Deux Italiens y étaient présents et ils m’avaient regardé avec étonnement. Ce n’était qu’une émeute, selon la presse, quelques mois plus tard. En vérité, cela avait une fronde, c’est-à-dire la révolte d’un groupe contre les institutions, la société, l’autorité…

Mais cet évènement a contribué à changer les choses dans le pays. L’insécurité, assez généralisée depuis, a poussé les gens qui sont riches à déménager vers des villages privés où les non-habitants n’y ont pas accès. Cette peur est symptomatique de beaucoup de choses.

Depuis quelque temps le nombre de manifestations et de rassemblements augmentent. Les gens descendent dans la rue. D’une façon assez corporatiste, mais ils descendent.

Il ne faut jamais croire qu’un peuple entre en hibernation politique à jamais. Tel n’est pas le cas.

 


* Published in print edition on 24 January 2014

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