« L’amalgame et l’exagération sont devenus un sport national à Maurice »

Interview: Dev Virahsawmy

« Les travailleurs sont dans une situation difficile et un gouvernement qui se dit socialiste devrait prendre des mesures qui vont dans le sens du socialisme et non pas du capitalisme »

« Les gens au bas de l’échelle veulent améliorer leurs conditions de vie. Et si on ne parvient pas à bridge the gap entre les différentes couches sociales, nous irons tout droit au devant des situations difficiles »

La semaine a été très mouvementée avec la menace de grève dans le secteur du transport et aussi dans le port. Entre-temps, alors que l’affaire Varma continue de faire la une des médias, un détective irlandais remet le cas Harte sur la table et évoque l’incompétence de la force policière. Enfin, la question de la sécurité est évoquée par des prêtres au moment où d’autres citoyens réclament haut et fort des réformes pour faire prévaloir la laïcité au sein de la République. Nous avons invité Dev Virahsawmy, ancien activiste et homme politique, à commenter l’actualité.

Mauritius Times : Dites-nous d’abord, M. Dev Virahsawmy, votre opinion sur la situation qui prévaut actuellement dans le secteur du transport public, en particulier au niveau de la CNT, sachant que les travailleurs ont voté mardi soir en faveur d’une grève illimitée – cela malgré le risque de licenciement, qui a été révoquée par la suite?

M. Dev Virahsawmy : Il y a une combinaison de plusieurs problèmes au niveau du transport public. Premièrement, j’ai l’impression que le management de la CNT a sa part de responsabilité en termes de gestion de la flotte. J’ai entendu d’ailleurs pas mal de commentaires sur l’état des bus, la maintenance, etc.

Récemment, nous avons vu deux autobus de la CNT impliqués dans des accidents très sérieux, celui de Sorèze et l’autre impliquant un van qui transportait des écoliers. Il y a eu également des doléances des passagers par rapport aux pannes et aux conditions d’hygiène de beaucoup de bus de la compagnie.

Je ne vais pas blâmer les travailleurs car il me semble que la faute revient au management qui, paraît-il, ne gère pas cette compagnie nationale de façon professionnelle. Mais il y a aussi le fait que le gouvernement, le ministère des Infrastructures publiques en particulier, a pris la décision de permettre à des bus individuels et à d’autres compagnies de desservir les lignes qui jusqu’ici demeuraient le monopole de la CNT. Ceci a fait naître le doute dans l’esprit des travailleurs qui craignent pour leur emploi.

Il y a peut-être là un problème avec la façon de faire, et je me pose la question : y a-t-il eu suffisamment de consultations avec tous ceux concernés ? Il ne suffit pas de faire des déclarations au Parlement pour dire que telle ou telle mesure est temporaire, ou qu’il n’y aura pas de licenciements… Quand les travailleurs ont peur, ils ont peur et ils craignent pour leur avenir. Les décisions ont été prises à la va-vite, me semble-t-il, et ceci a engendré les conséquences que nous connaissons.

Nous avons là une situation de relations industrielles qu’il faut savoir gérer humainement et de façon humaniste. Les travailleurs sont dans une situation difficile et un gouvernement qui se dit socialiste devrait prendre des mesures qui vont dans le sens du socialisme et non pas du capitalisme.

* Par ailleurs, on ne sait pas à ce stade ce que l’enquête policière et éventuellement la Cour va nous enseigner par rapport à l’affaire Varma/Jeannot, s’il y a effectivement eu une tentative de perversion de la justice ou celle d’extorsion. Mais quels sentiments éprouvez-vous à chaque fois que vous prenez connaissance des dernières « breaking news » sur les ondes des radios privées ou dans la presse écrite par rapport à cette affaire ?

Devant le nombre de déclarations contradictoires faites publiquement, il me semble qu’on ne nous ait pas dit toute la vérité. Il y a eu un accident entre deux voitures, les esprits se sont chauffés. Et si on a dit des choses blessantes et on a fait une action qui n’est pas acceptable, l’auteur de ces actes devrait présenter des excuses et clore l’affaire. Mais j’ai comme l’impression que l’arrogance a pris le dessus et, par conséquent, a tué toute forme d’humilité.

Ce qui est grave, c’est qu’il y a eu « négociation ». Or, il y a aussi eu une déclaration à la police et il fallait donc laisser aux autorités responsables le soin de faire leur travail. Mais nous apprenons qu’il y a eu des «négociations» impliquant un ministre de la Justice, un PPS et un personnage qui occupe des fonctions importantes dans un corps para-étatique et l’autre partie, et des offres d’argent.

Ce qui me choque le plus dans cette affaire, c’est une grande arrogance que je détecte. Il me semble qu’il y ait des personnes à Maurice qui, du fait d’occuper des fonctions importantes, deviennent arrogants et se croient tout permis. L’arrogance du pouvoir apporte, dans son sillage, une dégénérescence dans les mœurs. Ceci m’attriste, mais toutefois ne me met pas en colère puisque j’ai beaucoup vu de ma vie. Cette arrogance prend désormais des proportions inacceptables. Il faut que cela s’arrête et que les autorités laissent aux institutions la possibilité de bien faire leur travail. Cette situation toutefois est certainement très grave.

* Dans l’affaire Varma/Jeannot, il y a l’implication personnelle d’un ministre lui-même. Par contre, en ce qui concerne l’affaire MITD, les inondations de mars dernier, les accidents des bus à Sorèze et ailleurs, la responsabilité des ministres concernés a été mise en cause. Avec raison, diriez-vous ? Au fait, un ministre, est-il un chef de chantier ou un architecte ?

Je crois qu’il serait dangereux de faire un amalgame. Vous avez mentionné plusieurs types de problèmes et ils ne sont pas tous de même nature. Prenons le cas des ‘flash-floods’ qui sont le résultat du ‘global warming’ – un problème auquel je me suis attaché et que j’ai étudié pendant au moins un quart de siècle. J’en parle constamment à tous ceux qui veulent en entendre parler. Et j’évoque cette question également dans mes articles et mes écrits littéraires parce que c’est un problème extrêmement sérieux et qui va devenir encore plus grave. Le ‘global warming’ veut dire changement climatique, ‘flash floods’, sécheresse, crise alimentaire… C’est intéressant que, mardi dernier, le Président Obama – pour lequel je n’ai pas beaucoup de respect – ait fait un discours dans ce sens. Il disait aux Américains que l’heure est venue de prendre des dispositions pour sauver la planète. En revanche, à Maurice, il semblerait que les autorités et la population ne soient pas conscientes de ce grave problème.

Apres les inondations de mars dernier, il fallait trouver un bouc émissaire. Alors, on a cloué au pilori le ministre des Infrastructures publiques. Pourquoi ? Parce qu’il a fait construire des routes, des ‘fast lanes’, des ponts, etc. Mais pourquoi ces routes, ces ponts et autres sont-ils devenus nécessaires ? Parce qu’à Maurice, chaque citoyen veut devenir propriétaire d’une voiture, tous les fonctionnaires veulent avoir leurs ‘loto duty-free’, tous les politiciens roulent dans des limousines et chez beaucoup de Mauriciens on trouve dans leur garage deux ou même trois voitures. Le nombre sans cesse croissant de voitures sur nos routes implique beaucoup d’asphalte en termes de quantité de routes et de ponts.

Qui sont les responsables de toutes ces infrastructures ? Est-ce un ministre ? Or, si ce dernier ne fait pas construire les routes et les ponts, on va le blâmer parce qu’il n’y a pas d’assez de routes pour rouler nos voitures duty-free !!! Mais quand il y a des pépins, on se jette sur lui pour dire que les routes ne sont pas en bon état et sont responsables des inondations.

Vous n’avez qu’à suivre ce qui se passe dans le monde pour savoir qu’on ne peut pas mettre le blâme des inondations sur le dos d’un ministre. S’il faut vraiment chercher un coupable, voilà je vous le dis : nous sommes tous coupables parce que c’est le résultat de nos ambitions et de nos aspirations !

En ce qui concerne l’affaire MITD, j’ai l’impression qu’il y a des gens qui occupent une position de pouvoir qui protègent d’autres personnes. C’est encore une fois un autre aspect de l’arrogance du pouvoir. Je pense qu’il faut mettre bon ordre dans tout cela.

* N’empêche qu’il y a une perception que la presse semble procéder par un «selective targeting» des ministres à abattre : la couverture médiatique des enquêtes policières ou administratives, dans certains cas, prennent quelques fois la forme d’enquêtes politiques. Qu’en pensez-vous ?

Il y a toujours eu chez les journalistes la tentation de se substituer aux autorités responsables. Certains se croient être Rambo ou Zorro. Mais il y a aussi des journalistes qui font du bon travail, et on ne peut pas les mettre tous dans le même panier. Dans pratiquement dans tous les secteurs d’activités à Maurice, il y a ceux qui sont très responsables et d’autres qui sont de vulgaires opportunistes : on les trouve en politique, dans les affaires, dans le journalisme, dans l’enseignement… Mais c’est vrai que, de temps à autre, on a l’impression qu’il y a une volonté de faire un trial by the media. Il faut combattre cette tentative, car la presse ne peut pas se substituer à la police ou aux cours de justice.

* L’opposition et certains commentateurs réclament la démission d’un ministre en raison des victimes d’une inondation ou d’un accident d’autobus. Suivant cette logique, le ministre de l’Intérieur, celui-là même qui est responsable de la police, devrait lui aussi soumettre sa démission suite aux résultats d’une enquête menée par un journaliste d’investigation irlandais qui soutient que la police aurait mal ficelé son enquête. Votre opinion ?

Théoriquement, c’est vrai qu’un ministre est responsable de tout ce qui se passe dans les institutions tombant sous sa responsabilité. Par exemple, le ministre de l’Education est responsable de la politique éducative. Mais je ne peux pas demander la démission du ministre parce que le taux d’échec aux examens est très élevé.

En ce qui concerne cet enquêteur indépendant venant de l’étranger qui trouve que la police n’a pas bien fait son travail dans l’enquête sur le meurtre de Michaela Harte, je ne vois pas comment et pourquoi on devrait accepter son opinion. La question qu’on devrait se poser à Maurice et que l’opposition aussi devrait se poser, c’est la suivante : « Est-ce que l’opinion de ce monsieur ou de cette dame est valable, à tel point qu’on puisse demander la démission du ministre responsable ? Je crois qu’il y a là amalgame et exagération, devenus un sport national à Maurice.

* Un ministre ou même un Premier ministre, doit-il quand même assumer la responsabilité morale des conséquences des décisions prises (ou non-prises) par les services tombant sous ses ordres ?

La responsabilité morale, oui. Mais jusqu’à quel point ? Si le ministre de l’Intérieur apprend qu’un constable a tué sa femme, est-ce qu’il est moralement responsable de ce meurtre juste parce qu’il est ministre de l’Intérieur ? Il a une responsabilité légale, politique mais il ne peut pas être responsable de la mauvaise gestion d’une personne ou d’un petit groupe. Mais s’il apprend qu’il y a des problèmes et il ne fait rien pour changer cet état des affaires, là on peut le blâmer. Or, tel n’est pas le cas en ce moment.

* Il ne faut pas trop s’en faire, dit-on. Car lorsque les choses ne tournent pas rond, on trouve très souvent un “coupable” dans l’administration ou parmi les techniciens « to carry the can », n’est-ce pas ?

La recherche du bouc émissaire est aussi devenue un sport national à Maurice — « pa moi sa, li sa ! » Les politiciens et les journalistes le font pour ne pas accepter leur part de responsabilités. C’est dommage parce qu’une société ne peut pas avancer si les citoyens n’ont pas suffisamment de discernement pour accepter leurs torts et assumer leurs responsabilités quand il le faut.

Jeter les torts sur les autres, ce n’est certainement pas la solution pour faire avancer la société. Il y a une tendance à discréditer les autres, et un certain nombre de journalistes, pas tous heureusement, ont certainement un hidden agenda.

* Ça ne va pas non plus dans le port. Pourtant ce dernier, tout comme le transport public, constitue un secteur stratégique qui avait paralysé le pays pendant les années de braise… ?

Dans les années 70, j’étais un des acteurs de ce grand mouvement qu’on appelle les années de braise. A l’époque, les problèmes étaient différents et il fallait lutter pour briser un système qui réprimait les travailleurs. Il y avait une politique de gel des salaires qu’il fallait casser. Nous étions parvenus à faire voler en éclats le système de gel des salaires, et les droits des syndicats et des travailleurs avaient été reconnus.

Or, aujourd’hui, la situation est différente de celle des années de braise. Je ne voudrais pas qu’on fasse un amalgame du problème dans le port avec celui de la CNT. Le port a connu une modernisation et un développement phénoménal grâce à des investissements énormes. C’est aujourd’hui un port moderne, efficace et rentable qui fait de gros profits à hauteur de plusieurs milliards. La question que je me pose est la suivante : lorsqu’une activité à Maurice est très profitable, ne faut-il pas partager les recettes avec les travailleurs? Voilà à quoi se résume le problème dans le port. Le port est extrêmement performant et très rentable mais, malheureusement, nous constatons que les travailleurs ne reçoivent pas ce qui leur est dû.

Il faut voir le salary gap à Maurice : un PDG dans le secteur privé touche un million de roupies par mois alors que son cleaner touche moins de dix milles roupies mensuellement. Personne n’en parle, mais c’est la vérité. On peut faire un constat similaire au sein de l’Etat. Prenons les salaires du Président, du Premier ministre et celui du Attendant ou du Messenger dans le secteur public.

Vous constatez un écart extraordinaire — entre 1 à 50 dans le public et 1 à 100 dans le privé. Et pourtant, les travailleurs sont ceux qui créent la richesse. Je ne suis pas en train de dire que les Managers ne font rien, ils s’occupent de la planification, mais ce sont les travailleurs sont qui font vraiment marcher la boîte mais ils touchent, en comparaison avec les grands maîtres, des miettes.

Donc je trouve tout à fait normal que les travailleurs du port revendiquent une amélioration de leurs conditions de travail. C’est tout à fait normal. Quand cela ne marche pas, on demande aux travailleurs de faire des sacrifices, mais qu’en est-il quand les affaires marchent ? Il faut récompenser ceux qui donnent un coup de main pour faire marcher les affaires. Il faut introduire dans le port un système d’actionnariat et un système de participation aux profits.

Ceci dit, il faut qu’on réfléchisse sur certaines questions qui bouleversent les travailleurs. Regardez les nouvelles à la télévision : tel ou tel projet au coût de 100 ou 300 millions, sinon plusieurs milliards de roupies. Les gens écoutent et entendent parler de projets qui coûtent des sommes faramineuses. Eux aussi, ils voudraient participer par rapport à ces millions et ces milliards. C’est une aspiration normale dans une société démocratique où les gens au bas de l’échelle veulent améliorer leurs conditions de vie. Et si on ne parvient pas à bridge the gap entre les différentes couches sociales, nous irons tout droit au devant des situations difficiles jusqu’au moment où tout risque d’éclater. We can see the writing on the wall, and the government must pay heed to that.

Quant à l’opposition, je ne peux pas les prendre au sérieux : ce sont de petits opportunistes, sans vision, sans projet et qui naviguent simplement pour préserver leur place. J’ai entendu un député de l’opposition dire qu’il fallait augmenter les salaires des députés parce qu’ils passent beaucoup plus de temps dans leur circonscription que les ministres.

C’est peut-être vrai, mais ce député a oublié de dire que tous les députés ont deux emplois et deux sources de revenus. En revanche, le ministre abandonne son métier pour s’occuper de son ministère.

Voilà un député de l’opposition dont le salaire tourne autour de Rs 68,000. et qui recherche une augmentation ! J’aimerais bien savoir ce que touche le jardinier ou la servante de ce Honourable Member. Faut-il qu’il se mette à bridge the salary gap entre lui-même et son jardinier ? Ce qui me pousse à dire qu’il existe dans le corps politique un déficit d’intelligence. Or, la politique ne devrait pas être le terrain réservé des médiocres. Il nous faut partout, dans tous les secteurs d’activités, des gens compétents et cela s’applique aussi à la politique.

* Quelle opinion faites-vous des religieux qui sont montés au créneau pour « attirer l’attention des autorités sur le sentiment d’insécurité et de peur qui, affirment-ils, animent de plus en plus de Mauriciens»?

Les religieux ont le devoir, s’ils sentent vraiment qu’il y a un gros problème d’insécurité, d’attirer l’attention des autorités. Cela relève de leur responsabilité, et il faut les remercier pour cela.

* La réaction du Président du PTr, comme vous le savez, ne s’est pas fait attendre. Il a accusé les religieux de faire le jeu de l’opposition. M. Assirvaden, a-t-il raison, selon vous ?

Je ne veux pas commenter sur ce que ce monsieur a dit mais je pense que les religieux ont le droit moral de faire des observations et de faire des commentaires s’ils trouvent vraiment qu’il y a un sentiment d’insécurité – ce qui est vrai parce qu’il y a une insécurité qui est due au fait que beaucoup de gens ne respectent pas la loi.

Voyez, par exemple, la façon que les gens ont de conduire leur voiture. Moi-même, j’ai failli me faire tuer en utilisant le pedestrian crossing. Regardez autour de vous, toutes les maisons ont des antivols. De plus en plus, les maisons sont équipées de systèmes d’alarme… Tout cela démontre clairement qu’il y a un grand sentiment d’insécurité.

Un autre sentiment d’insécurité est le suivant – Est-ce que les gens embauchés dans le secteur public, tout comme dans le secteur privé, le sont sur la base de leurs compétences ou de leurs connexions ? Malgré le bon travail que fait la Equal Opportunities Commission, on se pose toujours des questions. Cela constitue aussi un sentiment d’insécurité. Or, un religieux a le droit de dire, que cela n’en déplaise au Président du PTr.

* Toutefois on se plaît à évoquer le principe de séparation de l’État et de la religion lorsque le ‘socio-culturel’ Menon Murday, le Président de la Mauritius Tamil Temples Federation défend le dossier du CT Power sur sa plate-forme à lui ou lorsque M. Dulthumun commente des questions relatives à notre société… Comment réagir lorsque le religieux Jean-Claude Véder déclare (dans Le Défi Quotidien, 25 juin 2013) : « Si on ne connaît pas quelqu’un de bien placé ou si on n’est pas du côté du gouvernement, on n’a plus de droits. Trop c’est trop ! » ?

Il y a certains religieux, pas seulement des religieux catholiques, mais aussi des religieux hindous, musulmans, et bouddhistes qui disent des imbécillités. Il y a un prêtre très important du Diocèse de Port-Louis qui a même fait une déclaration à l’effet que Maurice n’est pas un secular state et que l’Etat mauricien favorise les Hindous et les Musulmans ! Mais c’est une aberration parce qu’on n’a pas besoin de déclarer sa religion pour devenir citoyen de Maurice. Il faut le stopper et lui dire : « NON, tu es en train de dire une insanité. » De la même façon, il faut dire à MM Dulthumun et Murday : « Faites attention ! »

On a beaucoup évoqué la question de la laïcité, et certaines personnes sont pour une laïcité à cent pour cent, ce qui est un objectif très difficile à atteindre. Prenons le cas de la Grande Bretagne qui est une société laïque. Le chef de l’Etat de la Grande Bretagne, c’est la reine mais cette dernière est aussi Head of the Church of England.

Prenons la France qui se vante d’être un Etat laïc : aujourd’hui on parle de l’Islam en termes de deuxième religion de France. En ce qui concerne Maurice, il fut un temps où il fallait changer de religion pour pouvoir avoir un poste dans le service public. Il y a aussi beaucoup d’Hindous qui ont dû épouser la religion anglicane pour pouvoir gravir les échelons. Il a fallu combattre cela, et il faut le dire que des mouvements comme l’Arya Samaj ont fait un travail remarquable contre cette discrimination inacceptable.

Toutefois, il faut continuer le combat pour empêcher que des gens n’utilisent leurs pouvoirs pour forcer les gens à changer de religion. Ce travail reste à faire. Cela ne veut pas dire qu’on pourrait avoir un jour à Maurice une société laïque à cent pour cent.

Il est aussi important de savoir que l’Etat subventionne toutes les religions et que c’est nécessaire. Ces prêtres catholiques, qui parlent du fait d’être du même bord que le gouvernement ou non, ne disent pas qu’ils reçoivent des subventions gouvernementales tous les mois, et qu’ils sont payés par l’Etat. Il y a une certaine hypocrisie et il faut dire à ces gens-là : « Don’t talk rubbish ! »

Mais, en même temps, il faut aussi faire attention à ce que les politiciens n’utilisent pas la religion pour des besoins électoraux. Je crois que le Premier ministre a bien analysé la question en disant que c’est un problème très complexe et qu’il n’y a pas de solution facile.

* Pour revenir aux affaires qui ont défrayé l’actualité ces derniers mois et leurs conséquences politiques, pensez-vous, qu’elles sont susceptibles de mettre en danger la survie du gouvernement ?

A l’heure actuelle, le gouvernement n’est pas menacé. Mais je ne sais pas si cette question deviendra d’actualité dans le futur. Le seul problème que le gouvernement va rencontrer, s’il souhaite aller de l’avant avec un projet de réforme électorale, c’est d’avoir la majorité des trois-quarts.

Clairement, le MSM ne le suivra pas parce que ce parti, au pouvoir, a été contre la reforme électorale. Le MMM, quant à lui, semble être en faveur de la réforme. Ceci dit, je ne peux pas comprendre la raison pour laquelle le MMM veut être pour la réforme, tout en maintenant – en même temps – le Best Loser System. C’est une contradiction dans les termes. Sur ce dossier-là, le gouvernement risque de se retrouver en minorité s’il ne parvient pas à mobiliser une majorité des trois-quarts.

Mais nous ne sommes pas là en présence d’un gouvernement fragile. Il y a des ministres très compétents et d’autres qui ne sont pas trop compétents. Dans tous les gouvernements du monde et dans tous les gouvernements que Maurice a connus, il y en a toujours eu de très compétents et des moins compétents, et cela va continuer à exister tant qu’il y aura des hommes.

* Ça sert à quoi de parler de la nécessité d’une réforme électorale dans les circonstances actuelles ?

La reforme électorale est devenue une nécessité afin d’avoir un système qui va permettre au gouvernement d’aller plus vite dans l’implémentation des projets et aussi de pouvoir recruter des compétences en dehors du Parlement.

En se basant sur le système westminstérien, le chef du gouvernement est obligé de sélectionner ses ministres parmi les membres élus. Ce qu’il nous faut à Maurice, c’est un système présidentiel qui accordera au Président le pouvoir de recruter non seulement au sein du Parlement mais aussi en dehors du Parlement. L’autre nécessité, c’est d’avoir une démocratie qui ne soit pas purement représentative mais une démocratie participative avec un système de référendum, ceci en vue d’améliorer notre démocratie.

Par ailleurs, si on veut vraiment encourager la méritocratie, il faudrait des circonscriptions uninominales afin de pouvoir combattre efficacement le communalisme et le castéisme. Dans une telle circonscription, on aura le droit de voter pour un seul candidat ou une seule candidate.

Aujourd’hui, nous avons un système avec trois députés, ce qui favorise le jeu communal et/ou castéiste. Dans la circonscription no. 5, il y a toujours eu un Vaish, un Ravived et un Rajput. A la Plaine Verte, nous aurons des gens d’une seule ethnie, les Musulmans. A Beau Bassin-Rose Hill, il faut un membre de la Population générale, une personne d’origine musulmane et une personne d’origine tamoule. Notre système encourage la division et le castéisme.

45 ans après l’indépendance, nous ne sommes pas encore devenus une nation, et pour devenir cette nation, il faut que chaque citoyen développe, à part son identité ethnique qu’elle soit hindoue, musulmane, afro-créole, euro-créole, chinoise, etc., une identité nationale qui est above ethnicity.

Si on fait cette reforme électorale pour avancer dans ce sens, ce serait une très bonne chose. Il ne faut pas oublier que l’île Maurice n’est plus un Etat terrestre mais elle est aussi un Etat maritime. Il y a toute une remise en question de notre façon de vivre, de notre vision d’avenir et tout cela demande des transformations profondes de notre société.


* Published in print edition on 28 June 2013

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