« La population va faire le bon choix : le MMM — seul sans béquille et sans allié »

Interview: Ajay Gunness – Secrétaire Général du MMM

‘Les militants ne veulent en aucun cas que le MMM ne fasse une alliance avec le PTr et pire encore avec le MSM’
‘Alliance PTr-MMM: ‘L’idée c’était de « kick Ramgoolam upstairs » en vue de remplir les fonctions de Président’

Lorsque l’on prône la démocratie politique, le peuple est souverain. Ce dernier choisit ses représentants à l’Assemblée nationale et il préfère aussi élire une opposition forte. Ainsi, la population a toujours son mot à dire lors des débats pour aider à réduire toutes les inégalités sociales et économiques. Le fonctionnement de tout pays démocratique repose sur l’intégrité de ses représentants élus. Malheureusement, la probité, l’honnêteté et le désintéressement ne semblent plus figurer parmi les valeurs de ceux qui se mettent au service de la nation dans le monde contemporain. Qu’en est-il à Maurice et quelles sont les perspectives pour le futur ? Ajay Gunness, Secrétaire Général du MMM, répond à nos questions.

Mauritius Times : Alors ce boulevard qui se présente devant le MMM… Comment cela se présente après environ une année depuis qu’on en a pris connaissance ?

Ajay Gunness: Il est clair qu’aujourd’hui que le MMM représente le parti de l’avenir, le parti sur lequel la population doit compter dans les mois et années à venir.

Je m’explique : l’électorat a sanctionné Navin Ramgoolam pour sa mauvaise gestion des affaires du pays durant les dix dernières années et pour les nombreux scandales qui ont marqué son régime.

Les Mauriciens n’oublieront pas de sitôt ces images fortes de ses coffres-forts et de ses Rs 220 millions : c’est encore tout frais dans la mémoire des Mauriciens. Mais il y a aussi les nombreuses affaires et autres scandales qui ont fait surface depuis…

* Tout ce que vous dites s’est produit après le vote-sanction de décembre 2014. Les raisons de la sanction se trouvent ailleurs, comme par exemple dans le choix de son alliance avec le MMM et les termes et conditions de cette alliance, non, et tant d’autres raisons…

Je dirai que c’était davantage un vote-sanction contre Navin Ramgoolam, contre sa façon de faire et de diriger le pays… Le MMM est en train de payer les pots cassés à sa place.

* Le MMM avait contracté cette alliance avec Navin Ramgoolam tout en sachant qu’il avait, comme vous le dites, mal dirigé le pays ou qu’il était impopulaire ?

Non, l’alliance avec le PTr avait été faite sur la base d’un programme – celui du MMM, dont l’objectif principal était de ‘nettoyer’ le pays.

Mais au fur et à mesure que s’est déroulée la campagne électorale, Navin Ramgoolam a donné clairement l’impression qu’il allait demeurer l’homme fort d’un gouvernement PTr-MMM. Or, ce n’est pas ainsi qu’on avait envisagé les choses : l’idée c’était de « kick him upstairs » en vue de remplir les fonctions de Président de la République, et ainsi laisser à Paul Bérenger toute la latitude pour ‘nettoyer’ le pays.

Or, le discours de Navin Ramgoolam pendant la campagne, ses allusions à ses parties de pêche aux requins, son arrogance et les insultes adressées à des membres du parti sur les podiums, la façon dont il a agi pour retarder l’échéance électorale six mois après la concrétisation de l’alliance… ont tout gâché.

* On croyait donc fermement dans un autre 60-0, ce qui allait vous permettre de « kick Ramgoolam upstairs »… C’est ça ?

Oui, mais comme je viens de vous le dire : l’arrogance de Ramgoolam a tout gâché pendant la campagne avec ses allusions aux requins, ses insultes, sa vantardise de se montrer comme l’homme fort du prochain gouvernement. Sans tout cela, nous sommes convaincus que nous aurions remporté les élections.

Pour revenir à cette question de boulevard, c’est l’évidence même que le MMM se retrouve aujourd’hui devant une situation extraordinaire. Vous avez, d’un côté, Navin Ramgoolam, qui fait l’objet d’une douzaine de charges provisoires et qui n’est pas au bout de ses peines en ce qui concerne les enquêtes policières. En tout cas, on ne le voit pas relever la tête, politiquement parlant.

De l’autre côté, vous avez le MSM dont le leader, Pravind Jugnauth, a été reconnu coupable dans l’affaire MedPoint et condamné à douze mois de prison. La justice suit son cours et on saura bientôt ce que l’appel interjeté par Pravind Jugnauth va donner.

Nous savons aussi que Sir Anerood Jugnauth est à son dernier mandat comme il nous a informés lui-même. Par ailleurs, les dissensions au sein du gouvernement de l’Alliance Lepep et les différents pôles de pouvoir qui se bagarrent entre eux-mêmes au lieu d’agir dans l’intérêt du pays… toutes ces choses-là, la population en est consciente.

Donc, devant cet état de choses, ce qui reste aujourd’hui, c’est le leader du MMM, Paul Bérenger, le seul leader politique du pays qui n’a eu aucune démêlée avec la justice et qui a toujours mis les intérêts du pays avant tout. Pour lui, c’est le programme du MMM et les intérêts du pays qui passent avant toutes les autres considérations.

La population saura discerner, le moment venu, entre le vrai et le faux, surtout après l’expérience passée avec Navin Ramgoolam et ce qu’elle est en train de subir actuellement sous le régime de l’Alliance Lepep. Les Mauriciens sauront apprécier que le MMM reste le parti de l’avenir, et je n’ai aucun doute que le choix de l’électorat lors des prochaines législatives portera sur le MMM qui a fait ses preuves à chaque fois qu’il s’est retrouvé au gouvernement.

C’est vrai que la population n’a pu constater, durant une très courte période, de 2000 à 2005, la façon de faire et la gestion des affaires du pays par le MMM. Mais il faut quand même reconnaître que durant ce court laps de temps, relativement parlant, Maurice a connu le développement – ‘pays ti bougé’ – avec la construction de 35 collèges, des hôpitaux, de la CyberCity, la mise en place du ‘Seafood Hub’, etc. Voyez ce qui s’est passé durant les dix dernières années sous Navin Ramgoolam, et ce qui se passe actuellement…

* Vous anticipez donc une victoire ‘by default’ lors des prochaines législatives en raison de la paralysie du PTr et de la « non-performance de l’actuel gouvernement ?

Ce n’est pas la faute du MMM si l’actuel gouvernement persiste dans son élan d’auto-destruction – ‘pas nous faute ça si banne-la pé fanné’, non !

Mais ce qui est aussi vrai, c’est que l’Alliance Lepep a remporté les dernières élections by default – ils ne s’attendaient pas à cela. Pire, ils sont en train de gérer le pays by default, car il n’y a pas un sens de direction au sein du gouvernement.

On ne peut pas diriger le pays comme on le fait actuellement. Vous vous rendez compte : celui-là même qui approuve le recrutement d’un attaché de presse pour la ministre Aurore Perraud décide de le révoquer en l’espace de deux semaines.

On voit le même type d’incohérence en ce qui concerne la nomination d’un Vice-Président de la République. On n’a pas pu à ce jour trouver un remplaçant pour Mme Bellepeau, et on se voit contraint de demander à cette dernière de se maintenir en place le temps que le gouvernement puisse prendre une décision.

Ces deux exemples font partie d’une longue liste d’incohérences qui caractérisent le gouvernement de l’Alliance Lepep, et qui confirment l’absence d’un sens de direction au sein du gouvernement. On a vu ces deux compères, Soodhun et Bhadain, critiquer publiquement la police par rapport à l’arrestation de Shakeel Mohamed, cela alors que cette même police tombe sous la tutelle du Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth. De telles choses sont discutées au sein du Conseil des ministres, pas sur la place publique, n’est-ce pas ?

Voyez ce qui s’est passé avec le dossier de Heritage City : le dossier de Highlands qui tombe sous la responsabilité de Vishnu Lutchmeenaraidoo a soudainement bougé et c’est maintenant Roshi Bhadain qui s’en occupe. Pouvez-vous comprendre ce qui s’est passé dans ce cas-là ?

Autre exemple : le Double Taxation Agreement Treaty avec l’Inde. Roshi Bhadain revient de l’Inde et fait de grandes déclarations sur ce qu’il aurait accompli en l’espace de quelques jours. Ce gouvernement a réalisé en sept mois ce que d’autres n’ont pu accomplir en une décennie, disait-il. Par la suite, on apprend que SAJ a dû partir en Inde pour demander au « Grand frère » de modifier ce que Bhadain avait agréé avec les autorités indiennes.

C’est le grand cafouillage, qui découle de l’absence de leadership, et c’est dangereux pour le pays.

* Donc, c’est ce « grand cafouillage », comme vous le dites, au sein du gouvernement et le gouffre grandissant entre le PTr et le MSM qui favorise ce boulevard qui se présente devant le MMM et qui, selon ses dirigeants, vont lui permettre de se présenter seul devant l’électorat ?

C’est vrai que le MMM a toujours souhaité se présenter seul devant l’électorat. Nous sommes le seul parti sur l’échiquier capable de le faire. Nous l’avions démontré en 1983. En 2010, nous aurions remporté les élections si le MSM ne s’était pas allié avec le PTr.

* Voyez-vous les conditions objectives réunies aujourd’hui pour que le MMM se présente seul devant l’électorat et obtenir la victoire ?

Oui, tel est le cas. D’ailleurs, le MMM est en train de travailler pour qu’il puisse se présenter seul aux prochaines élections et, éventuellement, remporter la victoire. On ne voit pas le PTr et le MSM, capables chacun de passer l’éponge et de travailler ensemble. Qu’ils parviennent à contracter une alliance ou non, le MMM est déterminé à se présenter seul devant l’électorat lors des prochaines législatives.

* Parler en termes de boulevard, donc de grandes opportunités pour le MMM, électoralement parlant, sans que le parti ne sente le besoin de se réinventer, de revoir son fonctionnement ou son leadership, et cela, malgré la débâcle de décembre 2014, c’est croire dans l’existence d’un « dépôt fixe » – comme c’était jadis. Mais les temps ont changé, non ?

Non, on ne va pas qualifier notre électorat en termes de « dépôt fixe ». Jamais !

Permettez-moi d’aborder cette question de leadership et de la contestation par certains. Il y a eu beaucoup d’hypocrisie de la part de ceux-là mêmes, comme Alan Ganoo et d’autres qui ont poussé le MMM à faire une alliance avec le PTr et qui ont mené les négociations avec Ramgoolam.

* C’était avec le consentement, voire même sur les instructions du Leader, non ?

Oui, mais il ne faut pas mettre tout sur le dos de Paul Bérenger. Au MMM, quand on a décidé de faire une alliance avec le PTr sur la base d’un programme, ce sont toutes les instances du MMM qui ont voté par bulletin secret au sein du Bureau politique.

Le Comité central a aussi voté par bulletin secret en faveur de l’alliance avec le PTr, tout comme l’a fait l’Assemblée des délégués du MMM. Donc, on ne peut tout mettre sur le dos de Bérenger quand on perd les élections.

Concernant l’électorat du MMM, c’est vrai qu’une partie des militants n’ont pas approuvé cette alliance avec Navin Ramgoolam et sa façon de faire lors de la campagne. La population et l’électorat l’ont d’ailleurs sanctionné.

Cet électorat voudra-t-il revenir vers le MMM ? Certainement, car c’est ce même électorat qui souhaite que le MMM se présente seul aux élections. Cet électorat et l’ensemble des militants ne veulent en aucun cas que le MMM ne fasse une alliance avec le PTr et pire encore avec le MSM d’aujourd’hui de par sa façon de diriger le pays actuellement.

Le fait que l’électorat constate que le MMM est en train de se préparer activement pour se présenter seul aux élections générales, le réconforte, et ils reviennent donc vers leur parti.

D’autre part, nous travaillons en direction des indécis qui constatent déjà qu’il n’y a pas d’autres alternatives que le MMM pour mener le pays à bon port.

* Autre phénomène intéressant à suivre : les initiatives politiques de Xavier Duval. Il pêche dans le même réservoir électoral du MMM, et on parle même déjà de « PMSD Revival ». Certains affirment que l’avenir appartient à celui qui est considéré comme l’un des trois politiciens les plus populaires à Maurice. Comment réagissez-vous à cela ?

Le PMSD est comme une anguille, qui sait se faufiler pour se retrouver dans chaque gouvernement. Mais n’oublions pas que Xavier Duval a une grande part de responsabilité dans la gestion de dossiers très controversables des dix dernières années, que ce soit par rapport à l’affaire BAI alors qu’il était ministre des Finances, ou l’affaire Betamax qui avait été examinée par le comité interministériel présidé par Duval.

Je ne pense pas qu’il y ait quelque « revival » du PMSD ; ce qui s’apparente à un « revival » n’est que conjoncturel. Il se trouve que Duval s’est retrouvé au gouvernement, comme il sait bien le faire, et il profite de cette opportunité pour lancer une « opération de charme » en direction de la population. Mais les Mauriciens sont bien plus intelligents que Duval et ses acolytes ; ils savent que le PMSD n’a rien perdu de sa culture de « manger, boire, danser, faire tamtam ».

Savez-vous qu’après la cérémonie de recueillement au Morne, le 1er février dernier, il y a eu un grand « tamtam » organisé par le PMSD ? La culture du PMSD est restée indemne : c’est un parti qui ‘jouit’ dans chaque gouvernement et demain, le moment venu, Duval va abandonner SAJ tranquillement.

En tout cas, pour le MMM, le PMSD ne représente pas grand-chose et ne constitue nullement une menace. Comme je vous le disais, les Mauriciens sont bien plus intelligents que Duval ne puisse le croire.

* Par ailleurs, vous avez déclaré récemment que la question d’alliance avec le PTr ne se posera pas tant que Navin Ramgoolam restera aux commandes de ce parti. Au fond, cette déclaration laisse transpirer que vous semblez croire que Ramgoolam parviendra à surmonter ses difficultés actuelles avec la justice ?

Non, je ne le pense pas. Navin Ramgoolam a beaucoup de soucis avec la justice, et il fait beaucoup de tort au PTr en s’accrochant au poste de leader. Mais qu’on le veuille ou non, il faut admettre que le PTr a une histoire derrière lui, Histoire qui débute à partir de 1936 avec les Curé, Anquetil, Rozemont, Seeneevassen,… C’est un parti qui est né dans la lutte et dans la souffrance, comme le MMM plus tard qui vient reprendre la lutte du PTr de 1936.

A voir le leader d’un tel parti s’agripper au poste de leadership pour son intérêt personnel, il est clair que même les ‘diehards’ du PTr sont très mal à l’aise, comme ils le sont avec ce qui se passe au sein du parti.

Toute personne raisonnable aurait cédé le leadership afin que le PTr puisse respirer. Sans aucun doute, il est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, mais c’est bien pour la première fois dans l’histoire de Maurice que les gens ont trouvé des coffres-forts d’un leader politique ouvert et vomir Rs 220 millions…

* Les Mauriciens n’ont pas eu l’occasion de voir les coffres-forts d’autres leaders politiques, car ils ont su gérer plus discrètement et intelligemment leurs finances, diriez-vous ?

Il n’y en a pas… Certes, le MSM a son Sun Trust. Le MMM fonctionne dans la transparence ; nous avons un compte en banque, mais certainement pas de coffre-fort.

* Donc sans coffre-fort, un seul leader — nobody-in-waiting – et prêt à entamer le boulevard qui se présente devant le MMM seul, sans allié ni béquille ?

Au moment du choix, la population devra choisir entre le PTr ou le MSM ou le MMM. Apres l’expérience des dernières dix années sous Navin Ramgoolam et ce que les Mauriciens sont en train de subir sous le gouvernement des Jugnauth, je suis convaincu que la population va faire le bon choix cette fois-ci, c’est-à-dire le MMM — seul sans béquille et sans allié.

Paul Bérenger est le leader du MMM et il va être présenté comme le candidat MMM au poste de Premier ministre pour les cinq prochaines années. Et si demain le MMM a d’autres décisions à prendre, il appartiendra aux instances du parti d’agir en conséquence.

* Published in print edition on 12 February 2016

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