Désindustrialisation

Conjoncture

Au dix-huitième siècle, alors que la première révolution industrielle faisait naître les premières usines en Angleterre, les physiocrates en France croyaient que seule l’agriculture était productrice, le reste relevant de « la classe stérile ».

Au dix-neuvième siècle, voyant l’industrie en plein essor, Marx affirmait que seul le secteur matériel, celui de la transformation de la matière, était productif, d’où son mépris pour le secteur « improductif » des services. Il avait tort, car la seconde révolution industrielle au vingtième siècle a entraîné un fort mouvement de la manufacture aux services. L’île Maurice, comme tout pays qui se développe, n’échappe pas à ce changement de structure économique.

Il y a quarante ans, 35% des Mauriciens travaillaient dans le secteur de l’agriculture. Aujourd’hui, ce secteur représente moins de 5% des emplois, ayant supprimé des dizaines de milliers d’emplois. Mais l’industrie a créé des emplois qui ont absorbé la population rurale. Le même phénomène, que Schumpeter appelait la « destruction créatrice », se reproduit avec le passage de l’industrie aux services. Car, bien qu’une bonne part du budget des ménages soit consacrée aux produits manufacturés, leurs consommations se situent de plus en plus dans les services, tels la communication, l’informatique, l’enseignement, la santé, le transport et les loisirs.

De fait, selon Statistics Mauritius, la contribution de la manufacture à l’emploi a diminué de moitié en vingt ans, de 30% en 1994 à 15% en 2014. En nombre absolu, les emplois industriels sont passés de 134,000 à 80,300. Ceux du secteur tertiaire ont augmenté de 215,400 (47%) à 348,700 (65%). Parallèlement, la part de la valeur ajoutée produite par l’industrie a baissé, de 22,6% en 1994 à 16,5% en 2014.

On parle ainsi de désindustrialisation. C’est vrai, mais elle ne doit pas être vécue comme un drame. D’abord, la richesse n’est pas possession d’un bien « tangible », mais la satisfaction d’un besoin, d’une demande. C’est le service au client, et non la matérialité du produit, qui donne la valeur au produit.

Puis, Maurice n’est pas encore un désert industriel. Il n’y a ni effondrement industriel ni délocalisation généralisée à l’étranger. Le pays possède une race d’entrepreneurs qui savent se battre contre les produits importés. La production industrielle doit s’adapter aux nouveaux besoins des consommateurs. Le problème est qu’elle est affaiblie par l’emprise étatique sur l’économie.

Le label « Made in Moris », qui fédère 47 entreprises locales, représentant 165 marques et plus de 2,500 produits, est appelé à devenir un certificat de qualité. Le slogan « Acheter Mauricien » doit être compris comme étant « Acheter l’Excellence ». La qualité ne se trouve pas dans le « produit matériel » qui est consommé, mais dans les services qu’il rend au consommateur. On ne consomme pas une chemise, mais les services de l’habillement.

D’ailleurs, le prix d’un produit « industriel » incorpore le coût des services qui participent à sa fabrication, comme la conception, la recherche, l’administration, la commercialisation, la publicité, la distribution, le transport et le financement. Certaines de ces dépenses sont externalisées auprès des prestataires de ces services. De nos jours, on ne fabrique plus tout – de la matière première jusqu’au produit fini. Autant le secteur des services a besoin de l’industrie pour vivre, autant celle-ci est tributaire de celui-là pour exister. Des métiers industriels, tels des ingénieurs de recherche, des techniciens de l’entretien et des ouvriers de maintenance, se développent dans le secteur tertiaire.

L’industrie locale ne peut être compétitive que par l’innovation. Mais l’innovation est étouffée par l’Etat. D’une part, les dépenses publiques et les prélèvements évincent les firmes privées des ressources financières pour investir dans la modernisation de leurs équipements ou en recherche et développement. D’autre part, les monopoles publics et la protection des entreprises étatiques privent les industriels de la souplesse nécessaire à l’adaptation à la mondialisation.

La désindustrialisation est le résultat à la fois de l’évolution des libres choix des consommateurs et de l’omniprésence de l’Etat dans l’économie. Ce n’est pas par la réglementation que le gouvernement pourra libérer la croissance industrielle. Mais c’est la flexibilité qui favorisera l’emploi industriel. L’industrialisation passe par le retrait de l’Etat au profit de la liberté économique.

Eric Ng Ping Cheun est l’auteur de ‘Robinson sur l’île durable (2013) en vente chez Bookcourt, Editions Le Printemps, Librairie Le Cygne, Le Bookstore et Jumbo Score

 

*  Published in print edition on 3 July 2015

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