D.E.V

Elections générales et alliances — Analyse et Perspectives

L’attente 

Notre consultant politique D.E.V. croque en quelques touches l’actualité politique en ébullition du fait des incertitudes entourant la question des alliances. Quand l’alliance va-t-elle prendre tournure ? Ces jeux de combinaisons secrètent des fièvres au niveau des partisans des différentes formations politiques. Quoi qu’il en soit pas un jeu d’enfant ! L’on doit être paré à toute éventualité. Toujours est-il que la présomption joue en faveur de Navin Ramgoolam qui peut jongler à son aise en attendant de s’assurer la toute-puissance… Alliance MMM-PTr — c’est fait?

Certains au MMM croient que l’alliance PTr-MMM est conclue. Le PMSD n’y croit pas allant même jusqu’à dire que ce ne sera pas fait. Les travaillistes n’en savent rien. Le MSM attend. Qu’en est-il au juste ?

Les négociations en vue d’une alliance PTr-MMM devraient normalement être plus faciles s’agissant notamment de la distribution de tickets, dès lors que le PTr est assuré de conserver la majorité absolue au Parlement. Or, à ce jour l’alliance PTr-MMM semble loin d’être conclue. Si c’était le cas je ne vois pas l’utilité de faire durer le suspense et attendre pour prendre l’adversaire par surprise car le résultat sera le même. Non, plus sérieusement la phase des négociations de Navin Ramgoolam avec le MMM d’une part et le MSM d’autre part continue. Cela signifie également qu’à ce stade les prétentions du MMM et du MSM sont considérées par le leader du PTr comme trop élevées.  

L’option Alliance sociale-MSM

Comme nous le disions auparavant, une alliance AS-MSM remporterait une victoire nette sans pour autant entraîner une déroute du MMM qui pourrait espérer une vingtaine d’élus étiquetés mauves, ce qui serait tout de même mieux qu’en 2005 lorsqu’il avait cédé généreusement plusieurs places éligibles (dans les bastions mauves) au MSM. La grande difficulté de Navin Ramgoolam va se situer au niveau du ‘deal’ avec le MSM qui voudrait des tickets dans les bastions travaillistes que les élus rouges n’ont aucune envie de lâcher. Or le leader travailliste, s’il entend conserver une majorité absolue travailliste ne pourra pas céder. Plus que le nombre de tickets ou les postes ministériels dont le ministère des Finances sur lequel Pravind Jugnauth semble avoir jeté son dévolu, c’est donc la question de circonscriptions à partager qui est la plus délicate.

Cela dit, l’option Alliance sociale-MSM serait dans la logique des choses depuis la reconduction du mandat présidentiel de sir Anerood Jugnauth et l’élection de Pravind Jugnauth qui doit sa victoire à l’électorat travailliste. Il y avait donc la conclusion d’une alliance de fait Alliance sociale-MSM, et implicitement il y avait parole donnée. Sauf que la victoire de Pravind Jugnauth à la partielle du N° 8 a entraîné une surenchère de la part du MSM. A partir de ce moment Navin Ramgoolam n’a pas eu d’autre choix que de considérer l’option MMM et faire jouer la concurrence. La MSM, s’il s’aligne sur les modalités de l’offre du MMM, a des chances de remporter la mise.

Ainsi Pravind Jugnauth devrait revoir ses prétentions à la baisse pour aboutir à une alliance avec l’Alliance Sociale. Au fond le MSM n’en a pas le choix. Il est obligé de s’aligner par rapport à l’offre du MMM. Concrètement, cela veut dire qu’il doit proposer une offre aussi intéressante que le MMM, à savoir permettre au PTr d’acquérir une majorité absolue. La vingtaine de tickets que le MSM demandait au départ dont une partie importante dans les circonscriptions gagnées par l’Alliance sociale en 2005 ne laissait aucune chance au PTr de conserver sa majorité absolue. Compte tenu de l’ambition premier ministérielle affichée de Pravind Jugnauth qui disposerait alors d’un nombre d’élus MSM dépassant le seuil critique, c-a-d un niveau au-delà duquel l’instabilité pourrait s’installer, nous foncions droit dans le mur. Il s’agit dès lors d’une question d’intérêt national. Pour Navin Ramgoolam, le cœur du problème est là.

En ce qui concerne ce nombre critique, la méthode de calcul consiste à effectuer d’abord des prévisions sur une confrontation Alliance sociale/MSM-MMM. Le PTr n’a aucun intérêt dans le cadre des négociations à se montrer trop optimiste. D’après mes estimations, partant d’une victoire 40-20 pour une alliance bleu-blanc-rouge une douzaine de tickets dont 5 éligibles, sûrs, pour le MSM apparaît raisonnable par rapport au souhait du PTr de conserver la majorité absolue au Parlement. 

Le récent sondage Louis Harris c’est pas sérieux !

Le récent sondage réalisé par l’institut français Louis Harris, qui est un véritable plébiscite pour le gouvernement, pourrait-il en fin de compte inciter Navin Ramgoolam à mettre un terme aux négociations qui traînent trop et à se jeter à l’eau – seul ? C’est ce que se demandent certains observateurs. Mais, à la place de Navin Ramgoolam, je dirais : « Thanks, no thanks ».

L’enquête de Louis Harris comporte en fait deux sondages : un sondage d’opinion sur l’action du gouvernement et de son chef et un sondage électoral sur les intentions de vote. C’est ce dernier qui pose problème. Il faut être extrêmement prudent avec ce genre de sondage. Notamment à Maurice. L’exemple de 2000 et même celui de 2005 ont été catastrophiques pour le pouvoir en place.

En effet, l’histoire des enquêtes électoraux montre que les résultats issus des urnes ne confirment pas les sondages.Dans le sondage Sofres-l’express de décembre 1999, l’alliance PTr-PMXD était créditée de 45,2% de préférences de vote contre 25,5% à la Fédération MMM-MSM ; le PTr recueillait 38% d’opinions favorables, le MMM 11,5% et le MSM 8%; 58% des sondés se disaient satisfaits de la performance de Navin Ramgoolam comme PM. On connaît la suite quelques mois après.

Il est fort à parier que les intentions de vote exprimées lors de ce sondage Louis Harris ne seront pas confirmées en situation réelle. Prenons par exemple les cas de figure testés :

1. Dans le cas de l’Alliance sociale-MSM face au MMM le sondage donne 52% à l’AS-MSM, 26% au MMM, 19% sans opinion et 3% qui n’iront pas voter. Déjà le nombre de 3% qui n’iront pas voter étonne. Enfin, on peut considérer qu’il y aura 20% d’abstentions. Ramené aux résultats réels qui prennent en compte que ce qui est exprimé – 80% — cela donne 65% à l’AS-MSM, 32% au MMM. Mathématiquement cela frôle les 60-0. Qui peut croire à une telle éventualité ?
2. Même cas de figure dans une confrontation AS face au MMM-MSM. Vous ne croyez pas qu’il y a quelque chose qui cloche dans tout ça? C’est pas sérieux !

On ne cesse de le répéter : un sondage est une photographie d’un instant donné et des intentions à un moment donné. C’est surtout l’interprétation et l’extrapolation qui en sont faites par les uns et les autres qui posent problème. Trop souvent on a tendance à comprendre un sondage électoral comme un système prédictif, alors que c’est la mesure des intentions de vote à un instant donné. Entre le moment où l’enquêté répond au questionnaire et le moment où il va glisser son bulletin dans l’urne il peut se passer plein de choses à la fois au niveau du contexte général et dans sa tête. La dimension émotionnelle y prévaut. En 2000, tout allait bien pour le pouvoir en place jusqu’à l’accord de Medpoint à la veille du scrutin. On a ainsi vu des « bases » sûres virer de camp du jour au lendemain. Tout étant possible en politique comme on dit à Maurice, à juste titre, le risque est énorme.  

Remake de l’accord Medpoint ?

Je disais plus haut que le récent sondage Louis Harris pourrait inciter Navin Ramgoolam à se jeter à l’eau – seul. Cela toutefois comporte des risques. J’en vois deux situations difficiles. La première un remake de l’accord de Medpoint avec le retour de SAJ prenant la tête d’une nouvelle alliance MMM-MSM. Je l’avais déjà décrite en juillet 2009 dans mon analyse « Le casse-tête chinois de Navin Ramgoolam ». Déjà quelques voix commencent à se faire entendre dans ce sens. Les récentes sorties de SAJ laissent penser que le « bonhomme » n’est pas inerte. Personne ne peut croire que le MSM et SAJ en particulier laisseront faire. L’intérêt majeur de cette situation pour le MSM, c’est de décrocher un deal d’ordre premier ministériel à Pravind Jugnauth.

Probablement le pire scénario pour le PTr serait une lutte à trois. J’ai eu ici même l’occasion de relater les élections de 1976 où des petits partis comme l’IFB de Sookdeo Bissoondoyal et le PSP de O. Hawoldar avaient fait le jeu du MMM en faisant tomber quelques dirigeants travaillistes dans certaines circonscriptions rurales (n°s 7, 8, 9, 10, 13). J’avais aussi expliqué comment de l’autre côté la présence du PMSD avait fait le jeu du PTr dans certaines circonscriptions urbaines comme les N°s 15, 16, 18. Or, d’une part, le MSM est bien aujourd’hui plus fort que l’IFB et le PSP, ce qui pourrait infliger des dommages collatéraux au PTr. D’autre part, il n’y a plus le PMSD de Sir Gaëtan Duval pour gêner le MMM dans les circonscriptions urbaines. C’est bien évidemment le scénario idéal pour le MMM. 

Pravind Jugnauth et l’alternance

Si une alliance PTr-MMM est conclue, cela débouchera vraisemblablement sur une victoire de 60-0. Pour autant je ne pense pas que cela entraînerait la disparition du MSM comme certains le pensent.

Je rappelle que le PTr qu’on donnait perdue après 82 est revenu en force. Au fond, je crois que Pravind Jugnauth a de l’avenir car il va représenter, seul, l’alternance. Il dispose actuellement d’un socle électoral non négligeable qui ne peut que grandir lorsqu’il sera dans l’opposition. Il va certainement mordre dans cette partie de l’électorat traditionnel travailliste qui oscille entre le PTr et le MSM qu’on peut constater au vu de l’historique des élections.

Pravind Jugnauth dispose personnellement de quelques sérieux atouts : un nom, un trésor de guerre et la jeunesse. Il y aussi le phénomène d’usure du pouvoir et la logique d’alternance qui joueront pour lui. De plus il pourra compter sur une partie de l’électorat mauve s’il sait bien s’y prendre. Il aura certainement avec lui, à un moment ou un autre, le PMSD de Xavier Duval et Rama Valayden. En fin de compte, s’il ne cède pas quant à ses exigences vis-à-vis de Navin Ramgoolam, c’est qu’il pense certainement à cette stratégie. Et puis il y aura toujours le MMM pour lui servir comme « kingmaker »… le moment venu, et à condition que le MMM ne se fasse pas phagocyter comme jadis l’IFB et le PMSD de SGD. Rappelons que Navin Ramgoolam avait pris la tête d’un PTr exsangue, a connu la traversée du désert et l’opposition pour en faire aujourd’hui la première force du pays. Comme Ramgoolam, d’entrée de jeu il annonce les couleurs : il veut être PM. Avec ça, on part avec une bonne longueur d’avance.

La date des élections

Bien évidemment la date des élections, prérogative du PM, dépendra uniquement de la conclusion par le PM d’une alliance. Toute alliance comprenant le PTr part gagnante et je ne vois pas la nécessité de chercher un quelconque moment opportun. La date des élections dès lors sera fixée dans les plus brefs délais. Il n’y a pas lieu de s’exciter outre mesure.

 

D.E.V.

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