Réforme électorale 2016, l’Année du Courage Politique

Vested interests vs. Intérêt Général

L’année 2016 s’ouvre avec la bonne résolution gouvernementale de procéder à la réforme électorale, cette Arlésienne dont tout le monde parle et que personne n’a jamais vue de près depuis la Commission Sachs de 2001.

La dernière fois que le mirage de la réforme électoral a miroité, avec le White Paper de 2014, le projet avait achoppé sur les « macadams » du mode de désignation du Président et de l’extension de ses pouvoirs. Il est vrai qu’une telle tournure vouait d’emblée le projet à l’échec, pris en otage comme il l’était par deux leaders politiques en mal de pouvoir.

Heureusement, il semble que la remise au goût du jour du projet de réforme électorale se fasse dans une perspective nettement plus constructive et moins velléitaire, avec la mise sur pied d’un comité interministériel en ce mois de janvier 2016. Cette initiative gouvernementale a le mérite de ne pas morceler le dossier de la réforme électorale, en embrassant simultanément les dossiers annexes : le financement des partis politiques, le problème du transfugisme, la modernisation du processus électoral, la représentation ethnique et la représentation féminine. Ils forment partie d’un tout dont l’enjeu est non pas un « approfondissement » de la démocratie, terme suffisamment flou pour bien noyer le poisson, mais bel et bien un « élargissement » de la démocratie.

Car le véritable enjeu de cette réforme électorale, c’est bel et bien un élargissement de la démocratie, c’est-à-dire un élargissement des bases de la compétition politique, pour permettre un accès au pouvoir plus équitable entre les candidats et une traduction plus fidèle des votes des électeurs en nombre de sièges au Parlement. En effet, le système électoral actuel comporte plusieurs lacunes en termes de représentation, notamment une prépondérance masculine qui ne reflète pas la composition de la société en termes de genre, et une répartition des sièges dans l’hémicycle qui favorise de façon disproportionnée l’alliance gagnante au détriment de la représentation des autres tendances politiques.

Dans tout système électoral, des réformes sont nécessaires de temps à autre afin de permettre un réajustement du système électif aux réalités sociales, qui évoluent toujours plus vite que les structures politiques. Dans cette optique, une réforme électorale peut se définir comme l’ensemble des « changements apportés dans le système électoral pour améliorer la façon dont les demandes du public sont exprimées dans les résultats des élections » (définition Wikipedia).

Toutefois, si l’on considère les projets de réforme électorale jusqu’à présent, la définition locale correspondrait davantage à une « dose calculée de changement à apporter au système électoral pour le modifier sans froisser les vested interests ». Récemment encore, Xavier-Luc Duval, en tant que président du comité interministériel, reconnaissait que ces vested interests rendaient difficile la tâche du comité en vue de trouver un accord, et qu’il apparaissait même plus facile de satisfaire les critères des best practices internationales que les vested interests en question.

Or, une réforme électorale qui se contente d’accommoder les vested interests, c’est-à-dire ceux des lobbies communalistes, socio-culturels et des élites politiques elles-mêmes, n’a que très peu de chances d’aboutir à un élargissement de la démocratie et de l’accès à la compétition politique, et pour cause, puisque la logique des lobbies politiques, communalistes et socio-culturels est de conserver coûte que coûte le pouvoir. Une logique de protection des pré-carrés établis qui se traduit par certaines propositions douteuses, comme cette fameuse « dose de proportionnelle » sur party list, qui renforcerait la mainmise des leaders des partis sur la désignation des candidats, au détriment de la liberté de choix des électeurs.

Et pourtant, le népotisme et la corruption généralisés qui gangrènent le pays, et dont les scandales politico-judiciaires de l’année 2015 ont été l’expression flagrante, sont bien le signe de l’impasse politique dans laquelle se retrouve le pays actuellement en raison du non-renouvellement de ses élites.

Alors, intérêt général contre vested interests, la mise en œuvre de la réforme électorale va demander au comité Duval un vrai courage politique. Car il faudra bien, à un moment donné, avoir le courage de procéder à une vraie réforme électorale, au lieu de projets de réformettes « piecemeal » avec dosages homéopathiques de « proportionnelle » à vocation corrective et autres Panadols législatifs.

« Dans la composition d’un monde commun, le courage est cet ingrédient déterminant qui permet une prise en main de la situation, une intelligence tournée vers l’avenir », explique la philosophe française Cynthia Fleury, auteur de La Fin du courage : la reconquête d’une vertu démocratique (2010), rappelant aussi que, si le prix du courage est souvent douloureux, « le prix du manque de courage est bien plus dangereux ».

Souhaitons donc bon courage au comité interministériel de Xavier Luc Duval sur la réforme électorale. Pour cette année 2016, il n’y a pas de choix si l’on veut faire évoluer la démocratie mauricienne.

Catherine Boudet est détentrice d’un doctorat en Science Politique. Elle est également Organisatrice du Parlement Populaire

 

 

* Published in print edition on 15 January 2016

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