A quoi sert une commission d’enquête

By P. Neerohoo

Le gouvernement a institué une commission d’enquête pour faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles la State Trading Corporation (STC) alloua un contrat à la compagnie Betamax pour le transport de produits pétroliers en 2009 et pourquoi le contrat fut ensuite résilié en 2015.

Compte tenu du fait que l’affaire Betamax a été débattue en profondeur au tribunal d’arbitrage international de Singapour, en Cour suprême et devant le Judicial Committee of the Privy Council (JCPC) avec les résultats que l’on sait, on comprend difficilement cette initiative de charger une instance ad hoc de se pencher à nouveau sur une affaire classée. Si le leader de l’Opposition n’avait pas réclamé cette commission d’enquête, soutenue par le MMM mais désapprouvée par le Ptr, le gouvernement l’aurait-il mise sur pied. On en doute.

Objectivement, deux partis d’opposition ont offert une opportunité au gouvernement d’accentuer les divisions au sein de l’opposition dans son ensemble et de dévier l’attention d’autres scandales autrement plus importants comme l’affaire Saint Louis et les contrats d’urgence alloués en plein Covid à des entrepreneurs douteux. S’il y a une affaire importante qui mérite une commission d’enquête, c’est le démantèlement de la BAI dans des circonstances douteuses. Ou encore la mauvaise gestion ayant causé la chute d’Air Mauritius avant Covid.

Instituer une commission d’enquête sur une affaire qui a été tranchée par la plus haute instance judiciaire, c’est mettre la charrue avant les bœufs. C’est tenter de reproduire (“relitigate”) en public un procès qui a été déjà jugé par le JCPC. A quoi servirait cette commission si ce n’est de mettre en relief les rôles de certains protagonistes dans les tenants et aboutissants de cette affaire. Puisque ces protagonistes sont des hommes politiques dans des camps opposés, on peut prévoir le spectacle de témoignages contradictoires qui déferlerait.

À ce jour, seules deux commissions d’enquête établies dans le passé ont éclairé le public sur un problème majeur, notamment la commission Rault sur la drogue en 1987, et la récente commission Lam Shang Leen sur le trafic de drogue. Toutefois, les rapports de ces deux commissions ont connu peu de suivi. D’autres commissions d’enquête n’ont même pas terminé leurs travaux de façon concluante, notamment la commission Caunhye sur l’ancienne présidente de la République (Ameena Gurib-Fakim qui fut accusée de manquement à ses devoirs) et la commission Domah sur l’affaire Britam, une société de l’ex-conglomérat BAI qui fut vendue au Kenya. On apprend que le rapport de cette dernière commission d’enquête aurait été soumis au Président de la République, mais nous sommes toujours dans l’attente d’une annonce officielle.

Finalement on se demande si toutes ces commissions ne sont pas faites pour la galerie dans une entreprise de diversion bien calculée. En tout cas, elles ne font pas honneur à la tradition des ‘Royal Commissions of Enquiry’ que l’on connaît dans les pays anglo-saxons. Dans ces pays, les commissions d’enquête sont rares, mais elles sont efficaces et pèsent de tout leur poids sur la politique publique.

P. Neerohoo
Auditeur/fiscaliste


* Published in print edition on 6 July 2021

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