1er mai – Discours et alliances…

Eclairages

Par A. Bartleby

Tous les regards étaient tournés vers les différents meetings du 1er mai cette semaine, et en particulier vers celui du MSM qui rassemblait ses partisans à Vacoas. Il est difficile de jauger du succès ou non de ce rassemblement du fait que les autres partis traditionnels aient préféré ne pas organiser de meetings pour commémorer le 1er mai.

Il est clair que le meeting du MSM n’était pas à la hauteur de l’enjeu politique pour le parti gouvernemental, qui se devait de faire une démonstration de force. Mais il est également clair que la foule présente n’était pas négligeable du tout. Et, sans élément de comparaison avec les autres meetings, il est impossible de se prononcer sur les tendances actuelles de l’électorat, puisqu’il n’y a pas eu de bataille des foules.

Mais même si cette bataille des foules avait eu lieu, nous n’aurions pas eu d’indicateur réel. La culture politique mauricienne est en mutation et les indicateurs objectifs, comme les foules à des meetings, ne veulent plus dire grand-chose, surtout que les réseaux sociaux permettent aux gens de suivre les meetings et d’écouter les discours depuis le confort de leur maison.

De plus, il était clair depuis un moment que le PTr, le MMM et le PMSD n’allaient pas faire front commun pour un rassemblement du 1er mai. Les négociations en interne sont, paraît-il, dans une impasse, ce qui fait que les différents leaders ne pouvaient pas s’afficher ensemble pour un meeting s’ils n’avaient pas la certitude que l’alliance allait être conclue…

Ils ont ainsi joué la carte de la sûreté, en allant uniquement faire des dépôts de gerbes. Cette posture était politiquement rationnelle, mais ils ont tout de même fait l’erreur d’annoncer un meeting en commun, et le fait qu’il n’ait pas eu lieu, cela représente une volte-face importante pour eux, même si on entend un autre discours à ce propos ici et là.

Reste alors la teneur des discours… Nous constatons que les partis de l’opposition campent sur leur position de se présenter comme les sauveurs du pays, chose dont la crédibilité est aussi friable que les négociations de l’alliance elles-mêmes. En face, les discours du MSM auront brillé par une chose uniquement : le fait que Pravind Jugnauth soit resté silencieux sur le leader du PMSD, alors qu’il a été virulent envers Navin Ramgoolam et Paul Bérenger.

C’est bien connu, quand le soleil se lève, le coq chante.

Le cas Avinaash Munohur

C’est le buzz de la semaine sur les réseaux sociaux, le politologue Avinaash Munohur était présent dans le carré VIP du meeting du MSM à Vacoas le 1er mai dernier. Cette image n’a pas manqué de choquer les internautes, qui se sont défoulés sur le politologue.

Interrogé par plusieurs médias, il a juste déclaré avoir été invité par le Premier ministre en tant qu’observateur politique et qu’il n’avait pas adhéré au MSM, contrairement aux annonces faites par certaines pages Facebook. Il n’y a eu aucune annonce du côté du MSM concernant son éventuelle adhésion au parti, mais la question reste posée.

Il est indéniable que cette situation est ambiguë. Avinaash Munohur s’était fait connaître à travers des articles d’analyses politiques dans les colonnes des journauxet par sa candidature pour les élections générales de 2019 pour le MMM. Il avait ensuite démissionné du MMM en septembre de l’année dernière en évoquant des raisons professionnelles et un conflit d’intérêt.

Il se murmurait que, par delà ces raisons, le départ d’Avinaash Munohur avait surtout été provoqué par l’incapacité du parti à renouveler ses instances et son projet politique en intégrant de nouvelles idées – chose qu’il avait mentionnée dans les entretiens accordés dans ces mêmes colonnes. Il se murmurait également qu’il ne s’entendait plus avec l’héritière de Paul Bérenger, ayant régulièrement des clashs, et que les relations au niveau de ce parti se sont dégradées après que certains, et non des moindres, se soient permis de jouer sans retenue avec le feu communal sur les réseaux sociaux.

Mais est-ce que tout cela cautionne une adhésion au MSM ? Surtout de la part de quelqu’un qui était connu pour ses prises de position contre le pouvoir ? Serions-nous en face d’un autre Oliver Thomas ? Ou bien sommes-nous en face de quelqu’un qui avance de manière réaliste avec les cartes qu’il a en main, dans une sphère où seules les progénitures dynastiques ont le privilège du bon positionnement politique, et ce, quel que soit leurs compétences et les casseroles qu’ils traînent eux-mêmes ?

Puisque cette question doit également se poser, pourquoi voyons-nous tant de démissions du MMM? Pourquoi un certain nombre de ces démissionnaires se joindraient-ils au MSM ? Est-ce uniquement par pure ambition du pouvoir ? Pour l’appât de l’argent et autres bénéfices? Ou bien y a-t-il un blocage tellement profond dans les partis traditionnels que certains individus n’ont aucun autre choix que de traverser le Rubicon pour pouvoir exister politiquement ?

Il est fort à parier que ce même phénomène va se reproduire dans d’autres formations qui ont fait surface sur l’échiquier politique, surtout celles dominées par des personnalités fortes.

AvinaashMunohur en a parlé lui-même dans ses entretiens et interventions radiophoniques : la sphère politique mauricienne dans sa totalité est devenue extrêmement toxique, et la marge de manœuvre est extrêmement serrée pour les jeunes qui veulent pousser vers des changements.

C’est un discours qu’ont tenu d’autres jeunes également à divers moments au cours de ces dernières décennies pour dire leur frustration devant, entre autres raisons de désaffection, le blocage qui persiste dans le domaine politique malgré les grands discours des différents leaders – ce qui a amené à la formation de tant de partis contestataires : MMMSP, PSM, le MSM lui-même, New Labour, RMM, MR, MuvmanLiberater, Linion Pep Morisien, Reform Party…

Est-ce que Avinaash Munohur aura une certaine marge de manoeuvre, telle que recherchée par les jeunes adhérents – à l’exemple de Steven Obeegadoo au sein du MMM avant qu’il ne claque la porte du parti – s’il adhère au MSM ? Rien n’est moins sûr, et seul l’avenir nous le dira. Mais il est clair que le cas Avinaash Munohur donne à réfléchir sur ce que sont devenus les partis politiques et la relation qu’ils entretiennent avec des jeunes perçus comme des talents émergents.

Alliances des nouvelles plateformes

Le weekend dernier, nous avons eu la confirmation que l’alliance entre le « Reform Party » de RoshiBadhain et « En Avant Moris » de Patrick Belcourt a été conclue. Deux jours plus tard, dans la foulée de leur meeting du 1er mai, le parti « Linion Pep Morisien » (LPM) a annoncé une alliance avec le « Rassemblement Morisien » (RM) de NandoBodha.

L’ambition déclarée de ces deux alliances est d’aligner 60 candidats aux prochaines élections générales afin de porter des propositions politiques alternatives, tout comme c’est le cas d’ailleurs de « One Moris » de Sherry Singh.

À un moment où les négociations d’alliance entre le PTr, le MMM et le PMSD, qui durent depuis plusieurs mois, ont du mal à aboutir et où le MSM et ses alliés ne donnent aucun signe concret de leur stratégie pour les prochaines élections, ces mouvements et ces partis ont l’opportunité d’occuper un espace politique intéressant. C’est à eux maintenant de savoir avancer leurs pions et de se constituer en une force politique capable de venir titiller les partis traditionnels.

Ainsi, la prochaine joute électorale commence à se définir. Rien ne dit que ces alliances tiendront d’ici là, mais leur officialisation confirme une tendance qui était posée depuis un moment : la multiplication des partis, des alliances et des mouvements vont fragmenter encore plus l’électorat et pousser le principe du ‘First Past The Post’ jusqu’à ses limites.

Les élections de 2019 s’étaient jouées sur des marges extrêmement serrées, avec une majorité qui s’était dégagée à 37%. Ceci découlait du fait que les trois gros blocs politiques ont fait bande à part, étirant les bases électorales et faisant ainsi baisser le pourcentage des votes requis afin de constituer une majorité.

Ce même schéma semble se dessiner pour les prochaines élections générales, mais avec une autre configuration. Les alliances alternatives auront la réelle capacité de gratter des voix dans les bassins électoraux des partis traditionnels, ce qu’il faudra aussi ajouter à une abstention record.

Cette configuration devrait donner de la matière à réflexion aux partis traditionnels, et pourrait bien les pousser à revoir leurs stratégies électorales. Est-ce que cette configuration aura, par exemple, un impact sur les négociations entre le PTr, le MMM et le PMSD ? Est-ce que cette configuration changera les plans du MSM ?

Il est pour l’instant difficile de l’affirmer. Mais il est indéniable que cela aura un impact sur les décisions. Par exemple, un Navin Ramgoolam – convaincu qu’il est capable de gagner une élection générale avec une part des votes passant sous la barre des 35% – pourrait bien décider de se débarrasser d’un des deux partis qui discutent actuellement avec lui. Pourquoi devrait-il plier en face de l’avidité d’un partenaire en matière de tickets et de positions s’il peut le forcer à aller seul aux élections et en profiter électoralement ?

Tout pêcheur le sait, ce n’est pas parce qu’on a accroché un poisson qu’on doit forcément le ramener à quai.

Des drones frappent le Kremlin

Un nouveau palier vient d’être franchi dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine avec une attaque de drones sur plusieurs bâtiments du Kremlin à Moscou.

Cela fait plusieurs mois que la Russie bombarde le territoire ukrainien, mais c’est la première fois que les forces ukrainiennes ont eu la possibilité de toucher le cœur du pouvoir russe. C’est du moins ce que suggèrent les médias russes qui se sont immédiatement précipités pour affirmer qu’il s’agissait d’une tentative d’assassinat sur Vladimir Poutine. Les autorités ukrainiennes, elles, ont immédiatement démenti ces accusations.

Il n’y a pour l’instant pas assez d’informations pour avoir une idée claire de ce qui s’est passé, mais il est certain que le pouvoir russe en sort déjà embarrassé. En effet, le symbole des monuments en flammes près de la Place Rouge est une image que le monde n’a pas vue depuis 1942, l’année des derniers bombardements nazi à proximité de Moscou.

Plusieurs questions se posent ici.

  • Est-ce que l’armée ukrainienne possède des drones capables d’aller aussi loin s’ils sont pilotés de Kiev ?
  • Ou bien est-ce que cette opération a été menée par des commandos infiltrés en Russie ?
  • Ou encore, est-ce qu’il s’agit vraiment d’une attaque des drones ukrainiens ou d’une opération des forces russes pour exacerber encore plus le conflit et donner des arguments au pouvoir russe pour mener des attaques terroristes sur le sol ukrainien ?

Ce qui est certain, c’est que l’hypothèse d’une tentative d’assassinat sur Poutine est faible. Ce dernier passe très peu de temps au Kremlin depuis le début de la guerre ; donc les chances de pouvoir l’atteindre à cet endroit sont extrêmement minimes.

Il faudra attendre pour savoir ce qui s’est vraiment passé. Mais il est certain que l’invasion de l’Ukraine par le Russie poursuit son chemin, passant des paliers mois après mois, et produisant une situation qui nous démontre clairement que cette guerre pourrait durer pendant encore longtemps…

L’information, le pouvoir et la liberté

Nous avons commémoré la journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai dernier. Le rapport mondial de Reporters Sans Frontière (RSF) positionne Maurice à la 63ème place du classement des pays où la presse est la plus libre. Cela représente un progrès d’une place, puisque le pays est passé de la 64ème à la 63ème place du classement.

Ce positionnement et cette progression viennent démystifier le « mood » actuel mais il ne s’agit pas non plus d’un progrès spectaculaire. Un pays aux ambitions de développement socio-économique comme Maurice se doit d’être au moins dans le top 50 des pays où la presse est la plus libre au monde. Espérons donc que cette progression continue sur sa lancée dans les prochaines années.

En réalité, la question de la liberté de la presse est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense. Il est clair que les relations entre le pouvoir et les médias en général se sont dégradées depuis quelques temps. Et elles continueront à se dégrader si rien n’est fait pour enrayer les tendances actuelles.

Nous sommes actuellement dans une situation où la violence et la toxicité des réseaux sociaux, et la propension des Mauriciens à facilement tomber dans le piège des “fausses nouvelles” (fake news), produit une crispation du côté du pouvoir qui s’en remet à ses organes de propagande pour répondre.

De l’autre côté, le changement du “business model” de la presse – où la marchandise principale n’est plus l’analyse critique de l’actualité et son décryptage, mais le fait de devoir faire le plus de buzz et d’audience possible afin de vendre de la publicité – produit également une situation qui amplifie un cercle vicieux qui ne fait que s’approfondir.

Dans tout cela, c’est le public et la démocratie elle-même qui en sont affectés.

  • Le public, parce qu’il ne comprend plus rien aux enjeux actuels, se laissant submergé par des émotions alors qu’il devrait plutôt avoir des analyses en tête.
  • La démocratie parce que l’information juste, qui est essentielle au bon fonctionnement des institutions et des pratiques publiques, se raréfie dans les médias.

Que faire donc ? Il est clair qu’il faut très sérieusement réfléchir à un cadre de loi et à des évolutions juridiques qui sachent répondre aux défis actuels, et qui renforcent la liberté et la responsabilité de la presse. Tout comme il faut des “safeguards” (balises) pour que le pouvoir ne puisse jamais dépasser certaines limites. Sans ces deux précautions, nous ne pourrons pas avancer dans la bonne direction.


Mauritius Times ePaper Friday 5 May 2023

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